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25 mai 2025 7 25 /05 /mai /2025 04:47

Les experts continuent de débattre sur les causes qui ont empêché les oscillations de tension... lesquelles ont entrainé l'effondrement du réseau espagnol. Un bouc émissaire semble apparaître, celui d'un France qui n' a jamais souhaité élargir une interconnexion restée particulièrement faible entre les deux pays, fragilité qui aurait entrainé celle du réseau espagnol et à sa suite celle du réseau portugais  Avec une interconnexion plus solide, les oscillations de tension auraient pu être absorbées et la catastrophe évitée. Les deux capitales victimes du black out semblent accuser la France d'un abus de position géographique dominante faisant de la péninsule  ibérique le bout du monde.

Cette présentation des choses est fausse et relève au mieux de l'incompétence des experts. 

Le raisonnement oublie simplement que le mix énergétique espagnol relève d'un projet très ambitieux celui de parvenir à 80% d'énergie renouvelable dès 2030. Il relève aussi d'un autre oubli, celui qui, en raison de la non stockabilité de l'électricité, suppose que les énergies renouvelables soient accompagnées d'infrastructures énergétiques classiques pour un volume quasi équivalent à celui du renouvelable. Concrètement,  si d'aventure le soleil et le vent se font rares, il faut bien au nom de la continuité du service public prévoir des solutions classiques ( hydraulique, nucléaire, gaz, charbon, etc.). Avec la course au renouvelable, l'Espagne s'est affranchie de cette contrainte et du même coup peut se permettre de disposer d'une énergie peu chère. Le renouvelable bénéficie en effet d'une coût marginal nul : plus de vent et plus de soleil, c'est aussi plus d'électricité gratuitement obtenue grâce à la nature. De quoi rendre compétitive une économie espagnole avec des tarifs avantageux. Vieille question déjà débattue au moment de la crise énergétique et question au terme de laquelle l'Espagne exigeait de Bruxelles une autonomie tarifaire. 

Du point de vue de la France,  imaginer des investissements au titre de l'interconnexion n'est ni équitable ni rationnel.

D'une part, elle n'a pas à se substituer aux inconséquences d'une politique énergétique dont elle n'est pas responsable et il appartient à l'Espagne de payer le prix de sa sécurité en terme d'infrastructures électriques.

Mais surtout, une telle substitution entrainerait une aggravation de la situation française. La France en raison de son parc nucléaire dominant est déjà tenue d'organiser la mauvaise gestion de ce dernier en conséquence de ses propres engagements en matière de renouvelable. Parce qu'il faut assurer la priorité du renouvelable, les centrales françaises sont déjà victimes d'un facteur de charge le plus faible du monde. Ces dernières, en période venteuse, doivent en effet respecter une très forte diminution de leur production et laisser place aux ENR. C'est à ce prix que les ENR sont réputées compétitives. Si tel n'était pas le cas, les infrastructures ENR correspondantes verraient leur coût global de fonctionnement beaucoup trop élevé. Le choix des énergies renouvelables se paie déjà d'un facteur de charge nucléaire de seulement 60% alors qu'il est de 93% aux USA. Réalité peu connue et pourtant rendue publique dans les statistiques de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique. Concrètement le nucléaire américain, non handicapé par un non renouvelable prioritaire sur les réseaux, peut fonctionner au maximum de sa puissance et ce, dans un contexte où les centrales américaines sont beaucoup plus anciennes que les centrales  nucléaires françaises, une ancienneté qui devrait diminuer le facteur de charge (plus d'arrêts pour entretiens, pannes, accidents, etc. ). 

Dans un tel contexte ajouter à ce handicap politiquement infligé au nucléaire ; celui des coûts des choix espagnols et portugais, c'est  autoriser une baisse potentielle de puissance encore plus importante pour le nucléaire français. Si demain, grâce à davantage d'interconnexions entre réseaux français et ibérique il devait y avoir un surplus d'électricité renouvelable à déverser sur la France (beaucoup de vent et de soleil en Espagne venant s'ajouter à une période semblable en France), le nucléaire français déjà martyrisé souffrirait davantage encore. Avec comme conséquence ultime, une compétitivité plus grande pour l'Espagne et plus faible pour la France. 

On peut ainsi comprendre le peu d'empressement de la France pour élargir l'interconnexion dans un contexte où l'électricité est désormais conçue comme simple marchandise. Bien évidemment, si la règle de la priorité curieusement associée à celle du marché était abandonnée, il serait possible d'imaginer un renforcement des connections au bénéficie de tous. Toutefois nous serions dans un monde éloigné de celui imaginé et validé sur les marchés politiques européens.

Jean Claude Werrebrouck -  25 Mai 2025.

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