Les USA sont de loin la première puissance énergétique de la planète et vont probablement profiter des faiblesses du reste du monde pour asseoir une nouvelle forme de domination.
La liste des faiblesses est importante : incapacité d’assurer la résilience électrique sous contrainte des énergies renouvelables et intermittentes ; grande pénurie européenne de ressources énergétiques ; contexte eurasien difficile ; Moyen-Orient en perte de vitesse.
La première cause est maintenant reconnue avec l’effondrement récent du réseau espagnol. On sait désormais que même sous couverture de bonne interconnexion, la non stockabilité des électrons associée à l’intermittence et aux prix spot, est peu compatible avec le pilotage d’un ensemble qui reste fondamentalement incontrôlable. On sait par conséquent que le « cygne noir » cher à Nassim Taleb peut se répéter et que bien d’autres pays peuvent connaître la même aventure.
La seconde cause est évidente et le continent européen est particulièrement mal doté quelle que soit la composition de son mix énergétique ( peu de ressources fossiles, abandon relatif du nucléaire, dépendance dangereuse au gaz russe (et donc choix de la fragilité), dépendance aux technologies du renouvelable et de l’intermittence). En 1985, l’UE importait 38% de son énergie et en importe aujourd’hui 54%. Dans le même temps, les centrales à gaz continuent de fixer le prix de l’électricité.
La troisième est un peu du même type avec un continent asiatique mal doté et un sous continent indien fort dépendant. Au total, dotation faible au regard d’une population représentant plus de 40% du total de l’humanité.
La dernière cause est la marginalisation croissante d’un OPEP devenu incapable de maintenir ses parts de marché : 55% des flux pétroliers en 1970, mais 42,6% en 2017, 34,7% en 2020 et 24% en 2024. Tout aussi important pour l’OPEP est la perte quasi complète du contrôle des prix avec développement de marchés organisés qui font émerger des prix de référence à partir de contrats à terme dépassant largement en volume la production mondiale. La finance avec notamment le Nymex (New York Mercantile Exchange) a fini par dominer la réalité moyenne orientale.
Dans ce contexte, les USA apparaissent comme la puissance énergétique majeure. Bien sûr, ils assurent déjà des records en termes d’énergie fossile et redeviennent les premiers producteurs mondiaux. D’abord en ce qui concerne le pétrole avec une offre supérieure à la somme des offres russe et saoudienne soit un poids de l’ordre de 20% du total mondial pour moins de 5% de la population. Mais ensuite, en ce qui concerne le gaz, avec une offre qui ne cesse de s’accroître : 22% du total mondial en 2020, mais 24% en 2022, 26% en 2024 et probablement davantage encore en 2025. La Russie - malgré ses énormes réserves gazières - voit son poids régulièrement diminuer même si elle reste loin devant les autres producteurs. La substituabilité entre pétrole et gaz étant devenue très importante, il est pour les USA intéressant de prendre conscience de son énorme avantage énergétique.
Ce positionnement ne peut diminuer en raison de la part de l’électricité qui, à l’avenir, sera croissant : 24% dans le mix énergétique aujourd’hui mais probablement 50 , voire 60 ou 70% à l’horizon 2050. Une part qui ne pourra guère être nourrie par des énergies renouvelables incapables de résorber sérieusement la question du stockage et de l’intermittence. Cette question restera fondamentalement durable et si le nucléaire peut compenser, il se heurte à ses propres limites, les centrales nucléaires n’étant pas suffisamment souples au regard des variations importantes de la demande et restent inadaptées aux questions de l’effacement de puissance et de priorité du renouvelable. La solution reste donc le maintien des énergies fossiles et en particulier le gaz.
Dans cette optique, les USA se doivent de passer de la domination à un contrôle encore plus étroit en nouant un partenariat avec une Russie, voire une Europe soucieuse de rétablir son lien gazier par le canal de North Stream. Avec moins de 14% de la production mondiale et les gros retards sur le projet de gazoduc entre le grand Nord et la Chine (au moins 3500 km d’infrastructures nouvelles) il est de l’intérêt de l’Europe et de la Russie de laisser aux USA le rétablissement rapide des infrastructures North Stream. Dans ce cadre, une entreprise américaine achèterait le gaz russe lequel serait revendu à l’Europe. Dans un tel contexte les USA s’assureraient le contrôle de 40% de la production mondiale ce qui lui donnerait la parfaite maîtrise des prix et des quantités. Ajoutons que ce contrôle serait d’autant plus étroit que la région Asie-pacifique voit sa demande de gaz fortement augmenter (45 % de la demande annuelle supplémentaire provient de cette région) et que la capacité d’offre supplémentaire provient de l’Amérique du nord (85% de l’offre supplémentaire mondiale).
Globalement, si les USA tentent de résister sur les terres rares notamment par le biais d’un contrat avec l’Ukraine, ils s’apprêtent à pérenniser leur politique de puissance en devenant un acteur écrasant dans le domaine de l’énergie