Aprés un premier développement publié le 2 janvier, On trouvera ci-dessous une partie de la suite du texte de mon intervention prévue pour la fin de ce mois. Ce texte est court et extrait d'autres développements qui, étrangers au thème général du Blog, n'ont pas à figurer ici.
Bien évidemment il est vivement conseillé pour les arrivants sur le blog de lire la première partie.
....Vous pourriez considérer qu’un pouvoir qui n’aurait plus la main qui tremble serait pour vous une bonne solution. La renationalisation de la monnaie fait disparaitre jusqu’à l’idée même de dette publique ce qui permettrait le maintien de l’Etat-social à la française. Cela permettrait par exemple de régler d’un seul coup la grave affaire des emprunts toxiques des hôpitaux publics ou des collectivités publiques qui, par effet de contamination, a pu toucher votre secteur. Une main qui ne tremble plus permettrait aussi selon les écologistes d’assurer la transition vers ce nouvel état du monde que serait l’économie « décarbonnée » avec une banque centrale qui finance sans limite des investissements pharaoniques en contrepartie « d’actifs carbone » inscrits à l’actif de son bilan.
Pour autant, ce qui est probable n’est jamais sûr et il faut savoir que la métastabilité peut être maintenue, car il existe de puissants intérêts à ce que les catalyseurs évoqués, soient contenus par des décisions permettant de gagner- une fois de plus - du temps.
Gagner du temps est fondamental pour les entrepreneurs politiques dont l’objectif, de reconduction ou de conquête du pouvoir, privilégie une stratégie prudente – celle qui maintient les choses en l’état – et qui éloignent les décisions ambitieuses et risquées dans un univers mondialisé.
Gagner du temps, est tout aussi fondamental pour les entrepreneurs de la finance qui n’ignorent évidemment pas la gravité de la situation, et pour lesquels le report des grandes décisions reste un immense profit.
Ces deux groupes devenus oligarchie relativement homogène, avec carrières permettant le cas échéant de passer de l’un à l’autre et réciproquement, ont probablement des intérêts de long terme divergents. Les entrepreneurs politiques - après les évènements de 2008- n’ignorent plus qu’ils sont prisonniers des entrepreneurs de la finance. Et ces derniers savent qu’ils dépendent des décisions des premiers.
Le cas européen est à nouveau exemplaire : l’euro est bien devenu le bateau de ces deux passagers clandestins. Les entrepreneurs politiques, qui à l’époque ne savaient peut-être pas, ont tiré de grands avantages symboliques de la mise en place de l’euro, et la mise en cause de la monnaie unique, reste un débat interdit pour la génération correspondante. Mais les entrepreneurs de la finance savent aussi que la fin de l’euro, qui – en première lecture - ne serait pas une catastrophe pour la finance spéculative, serait pourtant un tsunami : la fin de l’euro- zone ne pouvant déboucher que sur la fin de la privatisation de la monnaie avec ses immenses avantages, et la réapparition d’un pouvoir politique reprenant le pouvoir monétaire.
C’est ce jeu complexe qui maintient la métastabilité et fait la résilience du dispositif institutionnel.
Un jeu qui a même pu se cristalliser en gangue idéologique, au cours de la génération suivante, avec désormais des acteurs dirigeants politiques et financiers, qui ont été intellectuellement nourris – par l’Université- aux bienfaits de la dérégulation financière et de la monnaie unique, et sont devenus véritablement incapables de penser autrement. En 2014, 2015, etc, et plus loin encore si possible, tout sera fait pour maintenir le système en l’état.
Le scénario de la prolongation de la métastabilité.
Si donc l’ancien monde perdure quelques années encore, les restrictions budgétaires se feront de plus en plus lourdes pour tenter l’impossible à savoir le « containment » de la dette publique. Les deux groupes- entrepreneurs politiques et financiers, alliés et pourtant opposés, iront- simple question de survie - le plus loin possible dans le rétrécissement de l’Etat-social. Et ce, sans espoir de sortie puisque la crise financière n’est que le reflet de la crise de la mondialisation. C’est dire que si la « Revue Générale des Politiques publiques » (RGPP) n’avait pas encore touché votre secteur, la « Modernisation de l’Action publique » (MAP) qui atteindra nécessairement toute les collectivités territoriales frappera de plus en plus durement votre branche professionnelle. Le ministère français de la Défense a été lourdement frappé par la crise (budget de 45,4 milliards d’euros en 2008, mais seulement 39,1 en 2012 et entre 31 et 32 milliards pour les prochaines années), d’autres le seront, et on ne voit pas pourquoi votre secteur ne serait pas frappé lui aussi. Je vous laisse le soin d’imaginer une telle baisse de vos ressources en si peu de temps.
Le scénario du nouvel état du monde.
Si maintenant le nouvel état du monde devait se mettre en place très rapidement, vous auriez pourtant tort de considérer que ce monde ne serait que la restauration de l’ancien.
Le rétablissement probable de la souveraineté monétaire avec tous ses attributs crée effectivement un nouveau monde, mais à l’inverse de la métastabilité du mélange gazeux oxygène/hydrogène qui parvient dans l’instantanéité à un nouvel état stable (l’eau), l’arrangement institutionnel nouveau consomme du temps pour se mettre en place. Si les nouveaux taux de change laisseront un vrai espoir de futur à l’industrie, et indirectement à vos activités de sous-traitance de celle-ci, il faudra plusieurs années avant de pouvoir bénéficier d’un « effet prix » avantageux. Il faudra aussi gérer de nouveaux problèmes sociaux : que faire de tous les métiers, souvent très hautement qualifiés, liés à la spéculation désormais probablement limitée ou interdite : traders, et back-office des banques de financement et d’investissements, entreprises d’audits et de conseils, entreprises de notation et d’évaluations, cabinets juridiques, quants, bureaux d'analyses, etc. ? Cela ferait dans un premier temps beaucoup de chômeurs supplémentaires.
Le rétablissement de la souveraineté monétaire ne peut non plus correspondre à l’oubli d’une bonne gestion de la monnaie. La création monétaire par la banque centrale se doit d’être guidée par un marché des changes qui lui, définira un taux de change à surveiller. C’est dire que la suppression de la prédation financière ne libèrera pas facilement votre branche d'activité de sa contrainte budgétaire. La fin de "l'argent- dette" n'est pas l'évaporation de toute contrainte monétaire.
Mais ce nouvel état du monde ne sera pas non plus que la restauration de l’ancien car les exigences sur votre offre sont déjà et resteront rapidement croissantes : Apparition et développement des nouveaux problèmes sociaux que la fin de la crise ne règlera pas d’un trait de plume, très forte croissance de l’espérance de vie de vos usagers, augmentation de la population vieillissante, fort développement des technologies de l’industrie médicale et explosion des coûts de la santé, croissance de 31% des effectifs de pauvres entre 2002 et 2011, etc. C’est dire que vraisemblablement votre secteur devrait connaitre une croissance probablement plus élevée que la croissance économique… à supposer que cette dernière soit restaurée par une hypothétique fin de crise. Et si le poids du secteur augmente au niveau macroéconomique, il est difficile d'imaginer que l'on accepte qu'il fonctionne à rendements simplement constants.
Il faut donc en conclure que la collectivité ne pourra probablement pas se désintéresser de la composante coût des services rendus. Oui, dans un monde dé- financiarisé ayant reconstruit un autre modèle de régulation de la mondialisation, votre secteur redeviendrait à la fois coût et débouché, comme au bon vieux temps des trente glorieuses, mais il faut reconnaitre que sa composante coût ne peut être oubliée dans un débat sur la productivité globale de l’économie. Et cette contrainte se portera sur toutes les rentes de protection vous concernant - elles sont nombreuses et importantes - ou concernant votre environnement immédiat : rente des médecins, des laboratoires, de l’industrie pharmaceutique, etc.