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23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 07:07

Les " réformes structurelles" - expression très à la mode-  semblent devenir la solution miracle pour extirper une France engluée dans la crise. Le texte suivant tente d'en définir le contour, la portée, et surtout les potentialités qui peuvent s'en dégager.

Ces réformes si souvent évoquées relèvent manifestement de la politique économique et non des aspects sociétaux ou culturels concernant par exemple le mode d'exercice des religions, l'âge de la majorité ou le code de la route.

Par contre, il est  toujours question d'agir sur un corpus de règles, donc des textes qui font évoluer  les modalités d'une inter-action sociale s'exerçant dans le jeu de ce qu'on appelle l'économie.

A ce titre, ces règles qu'il faudrait réformer, sont infiniment nombreuses puisqu'elles constituent l'ancrage sur lequel s'établit le marché. Sans être exhaustif, on peut citer un nombre très important de champs d'application, chacun d'entre-eux étant constitué de règles élémentaires très nombreuses. Citons quelques-uns de ces champs : Etat, Collectivités locales, Assurance maladie, Assurance chômage, organisation du territoire, Code du travail, règlementation professionnelle, fiscalité, monnaie, finance, fonction publique, logement, aide sociale,etc.

Chaque modification de règle élémentaire -chaque réforme structurelle- constitue une modification d'arbitrage dans les décisions des acteurs (salariés, entrepreneurs, épargnants, consommateurs, entrepreneurs politiques et puissance publique elle-même). Il s'agit donc de modifier des comportements. Par exemple, l'actuel débat sur les seuils sociaux concernant les entreprises, repose entièrement sur l'espérance d'une modification du comportement des entrepreneurss de PME qui pourraient être moins frileux à l'embauche.

Parce que les structures (règles) déterminent les comportements, leur modification (réformes structurelles) les modifie. Les sociologues diraient en retour que les comportements nouveaux sont diffciles à imaginer et modéliser, et surtout introduisent de nouvelles aspirations débouchant sur de nouvelles structures... Ce qu'on appelle la dialectique des structures et des comportements.

Les libertariens - tel  Hayek -  qu'il ne faut pas confondre avec les ultra-libéraux, se méfient de tout le constructivisme règlementaire porté notamment par le grand vent en provenance de Bruxelles. Leur discours est simple: la société dépasse l'entendement et les hommes de l'Etat - que nous appellons dans ce blog les "entrepreneurs politiques"  - ne peuvent pas construire une société comme l'on construit une machine. En clair, la portée d'une modification d'un taux de TVA est autrement complexe à imaginer que le remplacement d'une soupape sur un moteur à explosion.

Les ultra-libéraux qui, encore une fois, ne sont pas des libertariens, aiment l'Etat et lui demandent de produire des règles qui produisent une société...une société de marché....à l'abri de l'Etat. Pour eux, l'Etat doit simplement garantir le bon fonctionnement du marché et si d'aventure des catastrophes se produisent - et elles sont devenues régulières en raison de la finance de marché- il doit répondre présent pour en éponger les effets.....au risque de ne plus porter un respect absolu aux droits de propriété..

.Clairement, oui la société reste un mystère et on ne peut la fabriquer comme une machine,- la société dépasse l'entendement- et lorsque le marché  disfonctionne, il faut une autorité protectrice.

Cette digression éclaire déjà un peu ce qu'il faut alors entendre par réforme structurelle. Mais il faut aller plus loin.

Le jeu social n'est pas fait que d'entrepreneurs économiques et il existe des hommes, par exemple des salariés, des consommateurs, des épargnants  ou des locataires, voire des acteurs de professions dites réglementées,  qui, eux-aussi, aiment l'abri de l'Etat et considèrent que leurs intérêts ne sont pas nécéssairement les mêmes que ceux des entrepreneurs économiques. Ils utilisent aussi, ou demandent aussi aux entrepreneurs politiques, des règles du jeu qui ne sont pas nécessairement celles qui accouchent de la cahotique société de marché.

De ceci  découle qu'une organisation juridique est nécéssairement un compromis  entre groupes d'individus. C'est ce compromis que l'on désigne par l'expression  " intérêt général", simple idéalité à laquelle il convient de croire - et idéalité qui est le produit phare des entrepreneurs politiques- pour autoriser le vivre ensemble. C'est dire que tout changement de règle modifie la répartition du bien-être que cette dernière fixait en édifiant des comportements associés.

Promouvoir une réforme structurelle correspond  ainsi à promouvoir une modification du partage du bien être entre les acteurs du jeu économique.

Et c'est ici que les choses peuvent devenir d'une grande complexité : les hommes ne peuvent connaitre toutes les conséquences de leurs actions. En clair : Hayek a raison.

Ainsi il est vrai qu'une règle allant dans le sens des intérêts des locataires ( blocage des loyers par exemple) entraine une diminution de l'offre, une pénurie de logement, un marché noir...qui se retourne contre l'intention de la règle.

Ainsi le code français ou italien du travail, en rigidifiant les contrats, exclut dans un même geste les jeunes et vient diminuer la demande : délocalisation, refus de l'investissement,etc. Le jeu est ici particulièrment complexe puisqu'il met en place trois groupe d'acteurs, l'un (les employeurs ) pouvant utiliser un autre (les jeunes en quête d'emploi) pour cacher ses propres intérêts en terme de diminution de coût du travail. Décidément les problèmes de société sont plus complexes que ceux d'un moteur à explosion....

La crise est de ce point de vue une opportunité pour les employeurs : elle permet de justifier, avec toutes les preuves nécéssaires, notamment statistiques, qu'il faut des réformes structurelles libérant le marché, la société correspondante étant une construction idéale.

Mais il est possible d'envisager un autre élément de réflexion.

Sans tomber dans l'idéologie de l'intérêt général existe-t-il des réformes structurelles pour lesquelles  tous les acteurs seraient  gagnants ?

Nous pensons naturellement ici au "grand progamme de libération de la croissance" envisagé par Jacques Attali en 2008, un grand programme constitué de 316 décisions qui étaient autant de réformes structurelles. Ces réformes peuvent- elles réellement engendrer de la crossance.?

C'est ce que nous verrons dans un prochain texte.

(A suivre)

 

 

 

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commentaires

H
Ces considérations générales sont de fort bon aloi, mais la thèse des &quot;réformes structurelles&quot; qui reviennent à tout bout de champ dans la bouche des acteurs et des observateurs (journalistes et médias) est unilatérale et sous-entend une réalité plus prosaïque qui n'ose pas dire son nom: &quot;détruire notre système social&quot; !<br /> <br /> Rappelons-nous l'aveu de Denis Kessler, alors numéro 2 du MEDEF, qui triomphait après l’élection de Sarkozy:<br /> - « La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! ».<br /> <br /> On peut aussi en développer la contre-thèse, au nom de « l’utilité générale » qui figure à l'Article 1 de notre Constitution. De manière très générale, mais rigoureuse, j'ai rappelé comment dans mon long commentaire du billet précédent:<br /> Le critère ultime des utilitaristes (Jeremy Bentham, John Stuart Mill, mais aussi David Hume et Adam Smith lui-même) était le bonheur de la collectivité, comme variable d’utilité globale. Cela n’est rien d’autre que l’espérance mathématique de la fonction d’utilité individuelle, sous sa forme (nécessairement) probabilisée face à l’incertitude et la multitude:<br /> U(x) = Somme des Pi.Ui(x), avec Somme des Pi = 1, i étant l’aléa individuel,<br /> Pi représentant la probabilité d’occurrence de la fonction d’utilité Ui(x) dans la population, en convenant d’inclure dans les composantes de la variable vectorielle x (l’ensemble des dispositions de la société à optimiser) les biens et services publics au même titre que les biens et services privés.<br /> Pi = Ni/N, où Ni est le nombre de citoyens ayant la même fonction d’utilité Ui(x),<br /> N le nombre total de citoyens.<br /> (Cette formulation du coefficient de pondération n'est autre chose que le respect de &quot;l'égalité en droits&quot; des citoyens figurant dans l'Article 1 susdit...<br /> Dès l’instant où ce point est acquis, le reste découle comme conséquence logique !<br /> <br /> Seul l’état d’arriération mentale des économistes néoclassiques (qui pensent encore que Walras était un génie pour avoir trouvé qu’un équilibre entre égoïsmes individuels a autant d’inconnues que d’équations…) les empêche de concevoir en Économie ce qui existe depuis longtemps en Droit : on s’en remet à une autorité centrale pour l'optimisation de l’intérêt général qui transcende les égoïsmes individuels.<br /> En effet, un équilibre de forces dans un jeu conflictuel n’a jamais défini un optimum collectif, et les tentatives pseudo-mathématiques désespérées d’en définir un ainsi relèvent de l’escroquerie sémantique. Tel est le cas du prétendu « optimum de Pareto », clé de voute de l'économie néoclassique enseignée partout, dont la définition, rappelons-la, est:<br /> - une situation est optimale quand on ne peut plus améliorer l’utilité d’un individu sans détériorer au moins celle d’un autre.<br /> Partagez donc un gateau en huit avec votre convive et prenez-en sept parts, ne lui en laissant qu’une. Comme il est bien connu, c’est un optimum de Pareto puisqu’on ne peut augmenter la satisfaction d’aucun sans défavoriser à l’autre… <br /> Et c’est pourtant ce genre d’ânerie qu’enseigne l’économie néoclassique comme critère ultime !<br /> <br /> Avant d'entrer dans les &quot;solutions&quot; détaillées, encore faudrait-il être d'accord sur le critère au nom duquel on les évalue !<br /> Or, rien n'est moins clair ni, disons-le, moins erroné que la vision &quot;concurrentielle&quot; de la société en économie comme en droit.<br /> <br /> En droit, quelques dix milles ans (depuis le premier néolithique) d'expérience ont abouti au &quot;Contrat social&quot; qui a définitivement sanctuarisé son universalisme, et sa supéririté sur l'âge des cavernes. <br /> En économie, il semble qu'on soit loin du compte... <br /> Si l'on adoptait aujourd'hui, en droit, la vision actuelle des écononomistes pour leur discipline, on n'aurait plus qu'à revenir à l'âge des cavernes et distribuer des massues à tout le monde, en braillant comme le font tous les libéraux que, de cet affrontement dans la pagaille généralisée, surgira le bonheur de la collectivité par les vertus de la concurrence ainsi respectée !
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