Des réformes structurelles peuvent-elles être avantageuses pour tous les acteurs du jeu?
Poser une telle question, c'est percevoir qu'il y aurait, d'une part, des réformes modifiant la répartition du bien-être, sans en modifier le périmètre global (réformes qui ne débouchent pas sur une croissance du PIB) et, d'autre part des réformes qui élargiraient ce dernier car porteuses de croissance..
Corrélativement, poser une telle question c'est déplacer le raisonnement sur le territoire macro-économique.
Des réformes structurelles porteuses du couple compétitivité/dévaluation interne..
Des réformes structurelles -celles exigées par Bruxelles, le patronat, les grandes organisations internationales,.....- et qui déboucheraient sur un allègement du coût du travail (baisse des salaires,directs et indirects, flexibilité, fin des 35 heures, etc). aboutiraient à une diminution de la demande interne. A priori,dans ce cas, elles modifient la répartition du bien-être mais aussi en réduisent l'enveloppe : le PIB diminue.
Toutefois, si une telle stratégie est mise en vedette, c'est en raison d'une hypothèse d'exportations supplémentaires ( sans oublier l'attendu d'une diminution des importations) surcompensant la diminution de la demande intenre. Dans ce cas, la répartition du bien-être est modifiée en faveur des entreprises. La situation est pourtant plus complexe et plusieurs cas peuvent se présenter :
1- les entreprises captent le bénéfice de la nouvelle répartition et y ajoutent cellei de la croissance. Dans ce cas, les salariés sont pénénalisés par une masse salariale plus réduite...à répartir le cas échéant sur un plus grand nombre (hypothèse de réduction du chômage consécutif à la croissance). L'avenir d'un pays embrassant ce type de réforme est celui d'une petite Chine.
2- Les entreprises captent le bénéfice de le nouvelle répartition, sans y ajouter celle de la croissance. Dans ce cas, la condition d'une élévation de la masse salariale distribuée est une baisse du taux de salaire, inférieure à la hausse du niveau de l'emploi. Concrêtement, si nous avons 100 emplois pour une masse salariale de 1000 et qu'une baisse du taux de 10% la ramène à 900, seule une croissance supérieurse à 10% du nombre d'emplois permet le développement de la masse salariale ( dans notre exemple si les exportations permettent de créer 12 emplois nous passons à une mase salariale de 112X9= 1008).
Soulignons l'irréalisme d'une telle proposition, laquelle passe par un saut gigantesque des exportaions et donc une élasticité de la demande étrangère tendant vers l'infini. Ains,i pour un pays comme la France, compte tenu de sa population active, une baisse du coût direct et indirect du travail de 10% signifierait la création de plus de trois millions d'emplois essentiellement liés à l'exportation... Soit le plein emploi pour une diminution de 10% du coût du travail : Impensable. Quels sont les pays qui accepteraient une telle exportation du chômage français ?
La conclusion qui s'impose est alors que les réformes structurelles basées sur la baisse du coût du travail ne sont que fort peu réalistes en terme de croissance et ne servent qu'à masquer le sens et l'intérêt de ses promoteurs. Simplement exprimé, ce type de réformes structurelles se classe dans la rubrique "dévaluations internes".
Il se peut toutefois que des réformes structurelles aboutissent à l'émergence directe ou indirecte de gains de productivité.
Des réformes structurelles porteuses de gains de productivité.
Comme celles qui masquent une dévaluation interne, elles correspondent aussi à une redéfinition de répartition des niveaux de bien-être. C'est le cas de l'hypothèse de la fin des professions réglementées, de la réorganisation de la formation professionnelle et de l'apprentissage, de la concurrence dans les transports, etc.
Elles ne correspondent toutefois pas toutes à une authentique redistribution du bien-être.
C'est notamment le cas de la supression des seuils en termes de représentation syndicale. Prenons cet exemple et imaginons le scénario suivant : Les entreprises, libérées des effets de seuils, embauchent des salariés et achètent des machines pour élaborer une valeur d'usage satisfaisant des besoins identiques à ceux offerts par la concurrence , mais assorties de conditions de coût beaucoup plus avantageuses (innovation de productivité).
Quels sont les effets attendus?
Il ya constitution de revenus nouveaux autour de la nouvelle technologie, et baisse des revenus associés à la perte de débouchés de la technologie en voie de déclassement. Les deux effets ne se compensent pas et il ya production nette de valeur globale, valeur dont le montant est égal à la différence de coûts entre les deux technologies.
Cette différence peut apparaître sous la forme d'une combinaison de revenus supplémentaires : hausse des profits, hausse des salaires, baisse des prix. Les modalités de cette combinaison dépendent naturellement de la politique de répartition des gains de productivité.
Nous sommes ici en présence d'une réforme structurelle globalement positive puisqu'elle permet de produire la demande associée à l'offre nouvelle.
L'exemple pris est naturellement simple, pour ne pas dire simpliste : il néglige le temps consommé à l'élaboration d'une technologie nouvelle, et se trouve choisi dans un cadre qui ne correspond pas à une redéfinition initiale du bien-être.
La réalité est souvent plus complexe, surtout lorsque l'on aborde des réformes de grande ampleur, comme cela est souvent évoqué pour le système éducatif. On peut certes imaginer, en France, une réforme de l'Education Nationale qui serait porteuse de gains de productivité en raison d'une meilleure formation de la jeunesse, mais cela consomme énormément de temps ...pendant lequel la demande globale reste inchangée.
Il faut donc en conclure qu'en situation de crise - situation dont on sait sur le blog qu'elle est immanente à la forme prise par la mondialisation- seules sont socialement acceptables les réformes structurelles qui garantissent la parfaite congruence de l'offre et de la demande.
Elles passent toutes par des gains de productivité dont certains ( Edmund Phelps ou Robert Gordon) pensent qu'ils seraient aujourd'hui en voie d'extinction. Sans entrer dans un débat complexe, il faur reconnaitre que les réformes structurelles proposées passent le plus souvent par le mode "dévaluation interne" que par celui de la productivité.
Il serait évidemment difficile de dresser un tableau complet des réformes classées selon les rubriques "dévaluation interne" ou "productivité". les promoteurs de ces réformes préfèrent parler de compétitivité, un signifiant qui ne désigne pas de signifié précis, ce qui permet de masquer la réalité de la gestion la crise, une crise qui est l'occasion de mettre fin à un modèle social en choisissant massivement la dévaluation interne.
Les lecteurs de ce blog savent que ce choix aggrave chaque jour la puissance destructrice de la crise.