Le N° 343 de Flasheconatixis est intéressant à plus d’un titre[1] : il donne des arguments relativement solides face à ce que ses auteurs pensent être le cout du démantèlement de la monnaie unique.
3 arguments sont ainsi analysés et mis en valeur : un mix d’actifs et dettes externes pesant jusqu’à 6 à 7 fois le PIB de certains pays, une segmentation des chaines de la valeur devenue peu recomposable, enfin un effet d’accumulation et de concentrations sur des zones constituant planétairement des trous noirs industriels.
Le premier argument part de la constatation qu’une modification souveraine de parité serait aujourd’hui porteuse d’effets financiers autrement considérables qu’à l’époque des Etat-Nations.
S’agissant de la France l’addition des actifs et dettes externes des entreprises, des banques et de l’Etat ne représentait que 60% du PIB en 1990. Cette même addition représenterait en 2016 620% de PIB. C’est dire que dans ces conditions le simple effet mécanique d’une dévaluation de 20% développerait des conséquences gigantesques. Une répartition nouvelle des patrimoines des acteurs considérés représenterait un montant proche du PIB….
Certes, il y aurait en théorie, à l’échelle macroéconomique un large effet de compensation entre acteurs, mais à l’échelle microéconomique nous aurions- répudiation des dettes ou pas- un tsunami colossal.
Le second argument part de la constatation que la montée continue des importations européennes depuis l’ensemble des pays émergents (en pourcentage du PIB, multiplication selon les pays de la zone entre 3 et 5) a eu pour effet de supprimer les concurrents domestiques candidats à la greffe sur les chaines de la valeur. Clairement, une dévaluation ne serait d’aucun effet sur la composition des dites chaines. Dit autrement, l’élasticité/prix à l’importation serait proche de zéro pour l’ensemble des composants importés. Un indice d’une telle réalité serait selon Natixis la poursuite de la montée des importations en volume malgré la récente baisse du taux de change de l’euro.
La conclusion serait alors que toute dévaluation ne ferait que provoquer une hausse de prix des importations, avec ses effets en termes de baisse de revenus domestiques, donc de baisse de pouvoir d’achat, et au final de baisse de la demande intérieure.
Le troisième argument, argument qui ne fait que renforcer le second, repose sur la quasi-impossibilité d’obtenir des relocalisations industrielles. La mondialisation, avantages comparatifs obligent, a abouti à l’émergence de zones à très forte concentration industrielle : Asie du Sud Est, Mexique, etc. Les effets de taille ont ensuite permis un ravitaillement quasi planétaire avec une relative désindustrialisation du reste du monde et même de certains pays émergents. Ces mêmes effets de taille supposent aussi de très grands marchés homogénéisés par le libre- échange et la relative absence de risque de change. On verrait donc mal des relocalisations sur des marchés dont l’étroitesse résulterait aussi du rétablissement d’une souveraineté monétaire.
Au total la dévaluation n’entrainerait que des désavantages.
Il n’est pas douteux que le retour de la souveraineté monétaire sera un chemin difficile. La monétisation envisagée dans le blog[2] dans le cadre du respect de tous les contrats, est la solution la moins périlleuse, mais il est clair que le problème du retour vers davantage d’auto centrage des activités industrielles et agricoles consommera beaucoup de temps, le frein le plus important n’étant pas les capitaux en recherche de valorisation, mais la disponibilité d’une main d’œuvre compétente dans nombre de métiers disparus dans la mondialisation des chaines de la valeur.
Pour autant, les couts sans doute considérables d’un retour à la souveraineté doivent être comparés à ceux du maintien d’un système monétaire aux effets catastrophiques en termes économiques, sociaux et politiques[3]. Entre le rétablissement difficile d’un ordre et la marche vers la barbarie, il faudra choisir.