Nous avons souvent évoqué ici les difficultés des QE censés relancer la croissance. Parce qu’ils ne débouchent pas sur des investissements réels, ils correspondent aussi à un alourdissement des comptes des banques à la banque centrale que cette dernière taxe vient frapper sous la forme d’un taux d’intérêt négatif (-0,3% pour La BCE). En dehors des activités spéculatives dont le périmètre peut se développer, les banques cherchent logiquement à sortir de la taxation par des achats par exemple de devises, ou en tentant de reporter sur d’autres acteurs les effets de la taxation.
Les comptes clients constituant près de 80% du passif bancaire, ces derniers peuvent devenir une cible privilégiée.
L’idée de faire payer la tenue de comptes sous la forme d’une taxation quelconque, un taux d’intérêt négatif par exemple, peut être séduisant si toutefois il y a capture de la clientèle. Celle-ci peut en effet réagir soit en fuyant vers des banques plus complaisantes, soit, face à la cartellisation souvent vérifiée, utiliser davantage d’argent liquide : la préférence pour la liquidité. L’idée est alors d’emprisonner les clients, donc les citoyens, en faisant disparaître la monnaie classique. Idée semblant devenir projet et se trouvant curieusement soutenue par les banquiers centraux qui proposent tout simplement de supprimer les liquidités en circulation….
Les lecteurs du blog savent que lorsque cet objet très politique appelé monnaie est historiquement apparu, il s’agissait aussi, pour le pouvoir, d’emprisonner ses débiteurs : le prince choisit le signe qui permettra à ses dépendants, assujettis à l’impôt de régler leur dette envers lui. Il s’agissait là d’un des tout premiers gestes de la souveraineté en formation. Si le projet des banquiers centraux devait aboutir, il s’agirait d’un curieux retour au début de l’aventure monétaire.
Certes, les acteurs des échanges du XXIème ne sont plus vraiment dans un rapport de maitre à serviteur, toutefois il existe une certaine parenté.
Ils n’auraient plus la possibilité juridique de s’affranchir du système bancaire et ils ne pourraient plus être créanciers vis-à-vis de ce prêteur en dernier ressort qu’est la Banque centrale. Ils pourraient aussi comme naguère avec le Roi faussaire être victimes de la « refonte des monnaies ». Ce ne serait plus dans les ateliers des monnaies que l’aloi serait diminué mais dans la banque qui prendrait ainsi la place du souverain. Avec toutefois une curiosité : le nouveau souverain ne règne plus sur un territoire et un Démos, mais sur un espace sans limites et dénué d’identité. L’Etat-nation déjà déliquescent subirait une nouvelle descente aux enfers avec cette disparition de la monnaie liquide.
On peut toutefois penser qu’il s’agit d’une utopie tant les réactions risquent d’être sévères.
La monnaie liquide fait en effet partie des traditions et se trouve élément du vivre ensemble. Certains pays en font un usage très important et, notamment, l’immense majorité des paiements courants domestiques en Allemagne s’opère sous forme liquide.
Plus grave sans doute, est le risque de bank run, de panique, et d’effondrement monétaire. Des risques qui vont rendre prudents ces faux souverains que sont les banques centrales. A la crise récurrente de l’Euro, il n’est vraiment pas nécessaire d’ajouter de nouveaux risques.