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4 octobre 2021 1 04 /10 /octobre /2021 13:49

Vu de haut, une élection présidentielle est d’abord le moment d’un débat sur les grands problèmes du pays. Toujours vu de haut, il semble qu’existe 4 grandes séries de questions. D’abord et peut-être les plus importantes celles concernant l’environnement naturel devenu menaçant et le milieu géopolitique tout aussi menaçant  dans lequel le pays baigne ; ensuite  celles  concernant le social, le sociétal et l’économique, là aussi thèmes chargés de menaces.

Ces questions sont traditionnellement abordées sous un angle économiciste. C’est globalement par les mécanismes du marché - même corrigé ou orienté- que l’on cherche à résoudre les questions posées par la désindustrialisation. C’est aussi par ceux du marché - ici marché du travail et de la formation- que l’on envisage de résoudre les problèmes du vivre ensemble, de l’emploi, de la socialisation ou de l’assimilation. C’est également par une industrie de la défense que l’on imagine se protéger contre un monde qui fait renaître ici ou là des tendances impériales voire agressives. C’est enfin par le recours aux règles du marché - certes corrigées- que l’on envisage de s’affranchir des contraintes environnementales (climat, biodiversité, etc.).  

Et puisque le choix épistémologique pour aborder ces multiples problèmes passe par une vision économiciste  du mouvement du monde, les candidats à l’élection présidentielle développent une montagne de propositions qu’ils présentent par des évaluations financières dont la matière première c’est-à-dire l’argent ne semble pouvoir provenir que des mécanismes du marché. S’il s’agit de l’industrie de l’agriculture ou des services il faudra des montagnes d’investissements. S’il s’agit de refaire société il faudra là encore de quoi faire face à  des dépenses pharaoniques adossées directement ou indirectement sur les marchés. S’il s’agit de la défense, de la sortie ou du maintien dans l’OTAN, de la protection de notre souveraineté dans l’indopacifique, il faudra des investissements militaires considérables obtenus par prélèvement sur le marché. S’il s’agit du milieu naturel, il faudra là encore mobiliser énormément de moyens financiers issus in fine des mécanismes du marché.

Dans cette vision des choses, ces moyens relèvent soit de l’investissement public ou privé à partir d’une épargne, soit d’une dépense publique qui, elle aussi, relèverait d’une épargne - ici forcée- sous la forme de prélèvements publics obligatoires.

Il nous faut constater que les chiffres qui vont bientôt s’aligner et s’empiler dans des programmes politiques  ne sont pas couverts par une réalité substantielle. Ainsi l’épargne en particulier privée ne cherche pas à s’investir dans des moyens de production pour le retissage de l’économie, dans ceux  de la restauration de la  socialisation, dans ceux de l’équipement militaire ou ceux de la protection de la nature. Ainsi une bonne partie de cette épargne sert à des achats d’actifs spéculatifs. Par exemple - non pas à l’échelle de la France mais à celle du monde- c’est plus de 1000 milliards de dollars d’épargne qui sont utilisés à l’achat de bitcoins. Toujours à l’échelle mondiale la monnaie massivement émise par les banques centrales ne se retrouve qu’assez marginalement dans la protection de l’environnement voire dans le capital productif puisque d’une part, le premier continue de se dégrader, et que d’autre part le second laisse se dégrader la productivité globale. Et l’explication est simple : la monétisation affaisse le rendement des actifs financiers productifs et invite les épargnants à ne plus accepter des obligations dont le taux est anormalement faible. Pourquoi acheter des obligations d’entreprises se transformant en investissement matériel si le rendement est proche de 1%, un rendement imposé par une politique monétaire expansionniste aux seules fins de nourrir des Etats déficitaires ? Il est donc logique qu’une part considérable de l’épargne se détourne des seuls véritables problèmes (l’économie, le social et le sociétal, les menaces géopolitiques, l’environnement naturel) au profit de la seule spéculation sur actifs spéculatifs. Avec parfois des abus relevant de véritables délits : de la valeur ajoutée réelle disparait dans la spéculation financière par le biais de rachats d’actions. Et ce déplacement gigantesque vers la spéculation se mesure par des variations de prix de plus en plus importantes sur à peu près toutes les marchandises. Comme le disent les initiés les « positions non commerciales » sur tous les marchés sont devenues essentielles dans les échanges . Ce qu’on appelle économie est partiellement devenue  un univers de parieurs sur fluctuations de prix de marchandises qu’ils ne connaissent pas, et n’est plus un monde de parieurs sur la matérialité d’un monde à construire.

Les candidats à l’élection présidentielle savent bien qu’ils ne peuvent échapper à la matérialité du monde : les usines, la terre, l’emploi, le tissus social et sociétal, l’environnement naturel, la sécurité extérieure. Ils savent aussi probablement que l’économie étant devenue largement spéculative, ils ne peuvent trouver dans cette dernière les instruments d’une réelle résilience du pays : les matières premières propres à cette dernière n’existent pas. Et donc avant de parler de cette matérialité du monde dont il faudrait corriger tel ou tel aspect par le biais de programmes politiques, il faut s’attaquer à la spéculation généralisée, donc la financiarisation.

C’est sur ce point essentiel qu’il faudrait entendre les réflexions des uns et des autres candidats. Comment définanciariser pour avoir accès aux matières premières de la reconstruction ? Quels sont les risques associés à l’édification d’un chantier de dé-financiarisation ? Autant de questions qui, hélas, ne seront pas abordées durant la campagne qui s’ouvre.

 

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