Remarque préliminaire:
Notre modèle d’analyse repose sur la constatation de la fin d’une idéologie d’un intérêt général. Ce qu’on appelle le politique a toujours été la monopolisation/appropriation de ce qui fonde le "commun" d’un ensemble humain. Et une monopolisation assurant concrètement le pouvoir de certains acteurs sur d’autres. Plus concrètement encore, une monopolisation/utilisation des outils de ce qui est "puissance publique" à des fins privées: conquête du pouvoir ou simple maintien. Cette monopolisation/utilisation reposait traditionnellement sur une "extériorité" (Religion, Nature, Idéologie séculière, Raison). L’effacement des idéologies séculières (marxisme par exemple) au profit d’une croyance nouvelle, celle de l’individu devenu "souverain", met à jour la réalité du fonctionnement politique. Ce que nous appelons les « entrepreneurs politiques » sont effectivement et visiblement des agents équivalents à ce qui se passe dans le champ de l’économie où l’intérêt privé est la clé de compréhension de l’ensemble. . D’où la difficulté présente du narratif politique où le commun (Intérêt général, voire Raison) est toujours brandie alors qu’il s’efface pour tous, le commun n’ayant plus qu’une fonction strictement opportuniste et intéressée. Notre modèle d’analyse est donc aussi un choix épistémologique, choix qui ne peut se justifier que par sa capacité à expliquer la réalité empirique que nous vivons.
Les événements de ces derniers jours semblent confirmer le modèle d’analyse que nous tentons de développer depuis le début de l’été :
1 - L’entreprise politique RN est bien le pivot de l’assemblée, ce qui était déjà développé dans http://www.lacrisedesannees2010.com/2024/08/le-rn-boussole-probable-de-l-assemblee-nationale.html
2 - L’entreprise politique RN devient un passager clandestin à l’intérieur du marché jouant dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, ce que nous évoquions dans l’article du 1ier Aout : http://www.lacrisedesannees2010.com/2024/08/prospective-sur-la-production-future-de-l-usine-assemblee-nationale.html
Le passager clandestin va le rester et hélas les journalistes ne voient pas la cartellisation cachée que nous annoncions le 1er Août entre le NFP et le RN. Dans ce même article, nous avons expliqué pourquoi il n’y aurait pas de coalition mais une cartellisation entre entreprises politiques. La cartellisation mobilise des moyens pour des fins différentes. La coalition suppose un accord d’objectifs, ce qui n’est évidemment pas le cas de la cartellisation.
3 - Le passager clandestin n’a aucune raison de sortir de sa clandestinité et n’acceptera pas d’alimenter l’exécutif avec des ministres issus de sa famille. Un passager clandestin se définit comme un acteur bénéficiant d’une situation, une externalité positive disent les économistes , sans en supporter les coûts. L’entreprise RN n’a aucun intérêt à supporter les coûts associés à une quelconque appartenance gouvernementale : une partie de son offre programmatique (immigration/ sécurité) sera obtenue sans effort.
4 - Le passager clandestin RN est d’un type fort particulier : il n’est pas dans la soute de l’embarcation gouvernementale mais dans le navire de sauvetage. C’est dire que l’entreprise politique RN a le pouvoir de déclencher le naufrage, d'en choisir le moment, et ultérieurement de choisir qui sera rescapé. Concrètement il s'agit d'une menace aux effets potentiels considérables. Ce qui renvoie au point 1 et au texte associé.
5 - Le premier ministre a été nommé selon ce qui était annoncé dans http://www.lacrisedesannees2010.com/2024/09/fin-d-ete-2024-economie-politique-de-la-france-politique.html Avec toutefois une nuance que nous n’avions pas correctement anticipée : celle d’un affaiblissement important du pouvoir du Président de la République. Ce dernier a nommé un acteur important des marchés politiques et l’acteur en question n’a certainement pas signé la traditionnelle lettre de démission non datée. Nous sommes dans une véritable cohabitation et il est assez probable que le Président devra siéger au Conseil Européen en compagnie de son premier ministre. Le Président se livrera à de nombreuses tentatives pour se maintenir à flot mais le rapport coût/avantages risque de devenir de plus en plus négatif. Au total une activité présidentielle à rendements décroissants et ce jusqu'à l'effacement.
6 - Le naufrage politique n’est pas terminé et s’explique bien à partir du texte du 2 juillet :
Il n’y a donc pas à s’étonner de la fragmentation à l’intérieur de ce que l’on croyait être les 3 blocs fondamentaux. Parce que la « fin de la société » débouche sur un « Etat Providence pour tout et pour tous » en congruence avec l’apparition du "consommateur souverain" ayant lui-même écrasé le citoyen, les entreprises politiques se délitent. A l’intérieur les «franchisés» - entrepreneurs politiques de base que sont les députés – se crispent sur le petit marché qu’est la petite circonscription. Non seulement le bloc présidentiel se délite, mais à l’intérieur de ce dernier les comportements opportunistes ne peuvent que s’épanouir et animer des forces centrifuges.
7 - Il n’y a pas à débattre - comme le font trop souvent les journalistes voire certains entrepreneurs politiques - de la question de la proportionnelle ou d’une nouvelle dissolution, ce que nous avons largement expliqué dans :
Il n'y aura ni proportionnelle ni dissolution aux effets catastrophiques sur ce qui reste de pouvoir au Président.
Il est difficile d’aller plus loin pour le moment. Mais on pourra touver une bonne interprétation de la situation dans:
http://www.lacrisedesannees2010.com/2024/08/le-rn-boussole-probable-de-l-assemblee-nationale.html
Bien évidemment les questions financières vont très brutalement s’imposer, mais il est difficile d’anticiper les solutions envisagées dans l’article du 18 décembre 2023 :
Là encore il y aurait un espace de cartellisation possible entre NFP et RN mais nous ne nous sentons pas en mesure d’anticiper quoi que ce soit. L'idée serait toutefois que la rencontre opportuniste se fasse sur la question de l'euro en tant que réalité explicative principale d'une dérive incontrôlable des déficits publics. A voir d'ici quelques jours ou semaines.