S’agissant du plan de sortie de crise de l’Italie, on peut s’étonner des réactions superficielles qu’il a engendrées, le plus souvent sous la forme d’éloges visant à souligner le dynamisme du nouveau dirigeant politique. Il faut néanmoins remarquer qu’aucune analyse sérieuse n’a jusqu’ici été publiée.
Le cadre général sur lequel le plan Renzi s’appuie est constitué d’hypothèses singulières dont au moins deux d’entre elles doivent être soulignées : la « marge » sur le déficit public d’une part, et celle sur le coût de la dette d’autre part. Le plan prévoit en effet que de nouvelles dépenses peuvent finalement être financées par l’accroissement du déficit, lequel n’étant que de 2,6% en 2013, peut se hisser à 3% sans risquer les foudres bruxelloises, ce qui laisserait une enveloppe potentielle de 6 milliards d’euros. Ce même plan prévoit que ces dépenses nouvelles peuvent reposer sur le moindre débours à prévoir en raison d’un coût décroissant du service de la dette, coût décroissant reposant lui-même sur la baisse des taux. Ici la « marge » ainsi imaginée laisserait une enveloppe de 2,4 milliards d’euros.
En dehors du plan de résorption des dettes du Trésor envers les entreprises (60 milliards d’euros) que nous examinerons plus loin, la demande globale devrait augmenter au cours des prochains mois d’un peu plus de 10 milliards d’euros[1]. Compte tenu de l’effet multiplicateur, cette hausse pourrait entrainer un gain de croissance pour l’année 2013 d’environ 12 à 15 milliards d’euros[2].
En contrepartie, une baisse de la demande globale devrait intervenir du fait d’une réduction de volume de la dépense publique. Dans l’hypothèse retenue d’une baisse du train de vie de l’Etat à hauteur de 7 milliards d’euros pour 2014, nous pourrions avoir une tendance à la contraction du PIB d’un peu moins de 10 milliards d’euros.
Expansion d’un côté, contraction de l’autre, la force expansionniste l’emporte, certes, mais de très peu et surtout elle ne l’emporte qu’au prix d’un accroissement de la dette…autorisée sur la base d’une finasserie comptable : les « marges » sur la dette que nous venons d’évoquer.
Ajoutons que le risque est grand en raison de la non introduction dans le raisonnement des tendances déflationnistes qui augmentent le coût réel de la dette publique alors que le taux nominal pourrait baisser[3].
Reste le grand mystère de la prise en charge par la « Cassa Depositi e Pretiti » (CDP) -c’est-à-dire approximativement l’équivalent de la Caisse Des Dépôts française- des dettes du Trésor sur les entreprises. Un tel transfert développe un gros effet de liquidité sur des entreprises qui pourraient théoriquement investir, voire redistribuer du pouvoir d’achat. Cependant cet effet est contre balancé pour un même montant au détriment de l’aide à l’investissement aux entreprises qui ne pourraient plus bénéficier de fonds de la CDP, désormais mobilisés au titre de la demande du Trésor. Sans recours à une création monétaire, l’idée de transférer 60 milliards d’euros aux entreprises en utilisant les services de La CDP ne correspond à aucun avantage macroéconomique, sauf peut-être en ce qui concerne la notation de l’Etat par les agences.
Le plan Renzi fait ainsi partie des outils de la simple communication gouvernementale.
Il ne produira aucun miracle et laissera le pays dans les difficultés qui sont les siennes.
Pour autant, on mesure les bénéfices que, théoriquement, il pourrait introduire si la demande globale pouvait bondir de 60 milliards d’euros, au titre du paiement des créances des entreprises sur le Trésor, à partir d’une pure création monétaire. La prison européenne maintiendra la dure « loi d’airain de la monnaie »[4] et l’Italie comme – à l’exception de l’Allemagne -tous les autres pays de la zone euro ne pourra envisager son avenir sans le rétablissement d’une forme de souveraineté monétaire.
[1] Fin mai 10 milliards seront remis au ménages sur la base d’un chèque ou d’une diminution du prélèvement à la source. Les autres mesures (baisse de la taxe professionnelle, plan de rénovation des écoles, plan jeunesse, etc.) monterons progressivement en puissance.
[2] Il est très difficile d’évaluer le multiplicateur et de nombreuses controverses alimentent le débat. On trouvera une bonne synthèse de la question chez Éric Heyer : « Une revue récente de la littérature sur le multiplicateur : la taille compte ! » , OFCE, Le Blog, 2012.
[3] Selon Eurostat, l’inflation qui est tombée à 0,5% en mars pour l’ensemble de la zone, n’est que de 0,4 pour l’Italie.
[4] CF Jean Claude Werrebrouck : « La loi d’airain de la monnaie », Médium, N°34, janvier Février mars 2013.