Si l’on en croit les sondages, 4 candidats à l’élection présidentielle peuvent figurer dans le groupe des 2 qui seront sélectionnés au soir du premier tour.
Il est ainsi intéressant de repérer les temps de survie de la monnaie unique en fonction des « couples » possibles qui se constitueront le 23 avril prochain.
Clairement, c’est la sélection du couple Fillon/Macron qui va le plus rassurer les marchés avec garantie d’une non fuite des capitaux et des spreads de taux qui vont rester sages. De quoi plus ou moins assurer un tour de manège supplémentaire…pour la monnaie unique . Mais aussi de quoi aussi assurer la reconduction des forces de dislocation entre des pays dont les trajectoires connaissent une divergence croissante, car bien évidemment le fédéralisme restera inatteignable et seules les dévaluations internes pourront maintenir les soldes TARGET 2 dans des écarts plus ou moins acceptables pour l’Allemagne . Dans cette configuration, le second tour quel qu’en soit le résultat, ne changerait rien. Il s’agirait bien d’un choix fictif, d’une élection fictive simplement destinée à assurer le tour de manège supplémentaire.
4 sélections sont plus "dangereuses" : Mélenchon/Macron ; Mélenchon/Fillon ; Le Pen /Macron ; Le Pen/ Fillon. Ces 4 sélections, même si elles aboutissent avec une forte probabilité à un résultat pro-européiste, laissent présager un emballement spéculatif sur les marchés (dès l’annonce des résultats). Cet emballement sera disciplinaire et devra sécuriser et sélectionner le « bon » résultat. 14 jours seront ainsi offerts aux marchés, lesquels joueront parfaitement leur rôle de police visant au bon choix du bulletin de vote. Là encore l’euro pourra bénéficier d’un tour de manège supplémentaire.
Reste une sélection beaucoup plus délicate : celle du couple Mélenchon/ Lepen. Ici la police financière va se déchainer avec une violence sans limite puisqu’il s’agira de la survie d’un ordre fondamentalement menacé. Durant le temps de l’entre-deux tours, il est clair que le pouvoir finissant ne prendra aucune mesure propre à étouffer la spéculation. Le blocage de la circulation du capital et la réquisition de la Banque de France pour bloquer la montée de taux, constituant des interdits bruxellois , le très européiste président finissant ne fera rien pour empêcher une saignée à nulle autre pareille.
Parallèlement, on voit mal la compétition finale entre les 2 souverainistes se dérouler sur la base d’un renoncement au profit d’une servitude volontaire à l’endroit des intérêts allemands. Certes, ce dernier pays pourra imaginer –difficilement car les élections sont pour la fin de l’été- des propositions souterraines pour préserver ce qui peut encore l’être. Mais le gain de voix d’un renoncement est à comparer à la perte et il est difficile d’en prévoir le solde. La compétition risque donc de tourner autour d’un renforcement de souveraineté et donc d’une montée en puissance plus grande encore de la spéculation.
Le Pays sera donc financièrement exangue lorsque l’un des deux prétendants montera les marches de l’Elysée. De ceci, il faudra en déduire que les propositions de négociation avec l’Union européenne ( négociations en vue d’un référendum pour Madame Lepen, négociations sous la menace d’un plan B pour Monsieur Mélenchon) seront immédiatement oubliées car complètement inappropriées.
Le blocage de la circulation du capital est techniquement possible, mieux, les spéculateurs pourraient être identifiés et peut-être sanctionnés -encore que cela serait juridiquement très difficile- dans le cadre d’une législation entièrement nouvelle. Par contre, la lutte contre l’emballement des taux est complètement dans la main de la BCE et toute tentative de réquisition de la Banque de France serait assortie d’une rupture complète avec le système européen de banques centrales, avec en particulier la rupture avec le dispositif TARGET 2, le dispositif ELA, etc. De fait, la BCE couperait tous les liens avec un euro qui deviendrait français.
Il faudra par conséquent que le ou la nouvelle présidente s’arme immédiatement des dispositifs constitutionnels à sa disposition pour agir avec toute la force nécessaire. Cela passe, comme on le sait, par l’utilisation immédiate de l’article 16[1] de la Constitution et donc l’éloignement -provisoire ?- de références démocratiques prônées par ailleurs dans les programmes ( référendums pour Madame Lepen, sixième république pour Monsieur Mélenchon) . Parce que la fin de l’euro n’est pas une promenade de santé, il faudra savoir taper dans le dur.
Parce que la France est un pays pivot, c’est au soir du premier tour que l’on pourra annoncer en cas de sélection du couple Mélenchon/ Lepen la fin de l’euro, et ce à l’échelle européenne, pour la fin du mois de mai. Une nouvelle histoire européenne, et peut-être mondiale, pourra alors véritablement commencer. Dans cette configuration l’élection présidentielle française perdra enfin son caractère "comédie de l’Alternance" qu’elle révélait depuis si longtemps.
[1] http://www.lacrisedesannees2010.com/2016/02/la-france-peut-et-doit-revivre-un-appel-du-18-juin-1940.html