Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 mars 2018 5 16 /03 /mars /2018 09:43

 

Le livre : « Pour un traité de démocratisation de l’Europe »[1] est à nouveau invoqué par Thomas Piketty dans un article du Monde des 11 et 12 mars[2]. L’auteur s’attaque aux politiques récessionistes, en particulier dans leur dimension fiscale, menées à partir de 2011 pour expliquer la montée du populisme. Face au défi qui en découle, il propose une union politique des 4 grands pays de la zone euro (Allemagne, France, Italie, Espagne) lesquels totalisent 75% du PIB de la zone.

Le schéma proposé est simple : création d’une assemblée européenne entre ces pays, assemblée qui serait issue des membres des parlements nationaux en proportion des populations des différents pays. Cette entité, démocratiquement constituée et complètement européenne, déciderait d’investissements d’avenir financés par un impôt européen sur les sociétés, sur les hauts revenus et sur les patrimoines élevés. Cette assemblée serait aussi chargée de réguler la mondialisation en invitant les entités nationales aux harmonisations fiscales et réglementaires entre pays.

Thomas Piketty prend la précaution de dire que le dispositif proposé ne correspondrait en aucune façon à la mise en place d’un dispositif de transferts. Mieux, il prévoit une clause rassurante garantissant que chaque pays bénéficierait d’un niveau de ressources proche de sa contribution fiscale. Il prend donc bonne note des conseils de ses collègues juristes signataires du livre et admet que jamais l’Allemagne ne pourrait accepter qu’en étant minoritaire au sein de cette assemblée, elle serait « exploitée » par une majorité de pays du sud.

Cette précaution retire bien des qualités au dispositif retenu et, si la nouvelle assemblée européenne se fixait un objectif d’homogénéisation comme le fait traditionnellement une assemblée nationale, ce serait avec grand embarras, donc avec lenteur extrême. Il est relativement aisé de niveler à moyen terme les prélèvements   socio-fiscaux, voire les taux de salaires. Mais comment en effet gommer, même en quelques années, les énormes dissymétries qui se sont édifiées en raison des blocages des taux de change ? Comment redessiner la carte des avantages comparatifs en un temps fort éloigné du temps politique ?

Mais surtout, il est aujourd’hui des acteurs qui n’ont aucun intérêt à voir naitre un front européen uni. Vu de l’extérieur, le front de l’Union douanière, constitué depuis longtemps, ne peut que se fragiliser au regard des énormes dissymétries qui se mesurent par les colossaux déséquilibres externes. L’extérieur mercantile (les USA) le sait, et ne saurait être impressionné par le voile d’une union douanière qui ne peut cacher les divergences d’intérêts entre pays européens. En matière douanière, les USA savent qu’ils ont intérêt à privilégier une France qui, par la faiblesse de sa compétitivité, n’est pas dangereuse et à porter le fer sur une Allemagne hyper excédentaire. Le Président des Etats-Unis nous apprend ainsi qu’une Union douanière n’est solide que si les échanges externes de chaque membre de l’union sont à peu près équilibrés. On peut ainsi imaginer l’embarras d’une assemblée authentiquement européenne qui, porteuse d’un projet d’homogénéisation, serait travaillée par une Allemagne devenue minoritaire en proie à l’exercice du souverainisme sourcilleux américain.

Dans la bruyante affaire de la taxation de l’industrie automobile, les représentants français, négociateurs d’un pays déjà victime d’un taux de change France/Allemagne inapproprié, devraient-ils accepter une exposition plus grande encore   de l’industrie automobile nationale au regard de la concurrence  américaine ? Et avec des effets secondaires, puisqu’en raison de « règles » de l’OMC, la fin éventuelle des taxes sur les voitures américaines entrainerait mécaniquement celles sur les importations de voitures japonaises ou coréennes…L’industrie automobile allemande est prête à sacrifier les taxes à l’importation sur les voitures américaines pour sauver ses exportations vers les USA….en se moquant des dommages collatéraux sur les partenaires français….Au nom de l’homogénéisation, on ne va pas mettre en cause ce qui est acquis depuis longtemps, c’est-à-dire l’union douanière. Mais il faudra en payer le prix : le maintien d’un avantage pour l’Allemagne et des contraintes  supplémentaires pour la France. De quoi rendre le projet d’homogénéisation toujours impossible : il fuit de la main de ses ardents concepteurs….

Toute tentative d’avancée plus grande vers l’union restera ainsi bloquée tant qu’on refusera de regarder la réalité. Si les transferts sont interdits malgré leur nécessité vitale pour le fonctionnement de la monnaie unique, alors c’est bien cette dernière qui va bloquer toutes les tentatives sérieuses d’homogénéïsation, c’est-à-dire le travail normalement attendu d’une assemblée censée être représentative d’une communauté en devenir. On pourra – difficilement certes-  bricoler sur des politiques sociales ou fiscales communes, mais il sera difficile d’aller plus loin. La tendance planétaire lourde, celle de la fin d’une certaine mondialisation, s’accompagnera probablement d’un réel démantèlement du projet européen.

 


 

[1] Seuil 2017. Livre signé par Stephanie Hennette, Thomas Piketty, Guillaume Sacriste et Antoine vauchez.

[2] « Pour une Union dans l’Union ».

Partager cet article
Repost0

commentaires

G
ça sent le sapin !L'idéologie néolibérale versus ordo libéralisme imposé autoritairement aux peuples européens ne donne que de mauvais résultats.L'échec est patent.Les peuples ne veulent plus de cela.Et c'est une excellente chose.Les protectorats aux mains de soi-disant experts doivent dégager.Que les peuples reprennent la main!
Répondre
B
La construction européenne, c'est une régression sociale historique.<br /> <br /> La construction européenne, c'est un échec total.<br /> <br /> De plus en plus de sans-abri partout en Europe.<br /> <br /> Selon une étude de la Fondation Abbé-Pierre et de la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri, 11 millions de ménages sur 220 millions n’ont pas de logement personnel.<br /> <br /> Paris est loin d’être la seule capitale européenne à déplorer un nombre croissant de sans-abri. La préfecture d’Ile-de-France, qui a créé le 16 mars son propre Observatoire francilien des personnes hébergées et à la rue, parvient au chiffre affolant de 100 000 personnes logées chaque soir par l’Etat, soit une augmentation de 50 % en trois ans.<br /> <br /> La Fondation Abbé-Pierre (FAP) et la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (Feantsa, sise à Bruxelles) révèlent, mercredi 21 mars, leurs statistiques à l’échelle européenne : sur 220 millions de ménages, près de 11 millions sont en état de privation sévère de logement, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de domicile personnel, sont à la rue ou hébergés chez un tiers, en centre d’hébergement, en foyer, en hôtel social…<br /> <br /> « La définition du sans-abrisme a beau ne pas être la même d’un pays à l’autre, partout en Europe les hausses sont spectaculaires », révèle Sarah Coupechoux, de la FAP : + 150 % en Allemagne, entre 2014 et 2016 ; + 145 % en Irlande, entre 2014 et 2017 ; + 169 % au Royaume-Uni entre 2010 et 2017 ; + 96 % à Bruxelles entre 2008 et 2016 ; + 20,5 % en Espagne entre 2014 et 2016 ; + 17 % en France entre 2016 et 2017, en tenant compte des 20 845 personnes qui ont demandé un hébergement au « 115 » en juin 2017 par rapport à juin 2016.<br /> <br /> http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/03/21/de-plus-en-plus-de-sans-abri-partout-en-europe_5273875_3224.html<br /> <br /> Vous vous rappelez toutes les belles promesses au moment du référendum sur le traité de Maastricht ?<br /> <br /> - « Quand on dit que l’Europe de Maastricht créera des emplois, ça reste vrai. Il se trouve que le traité de Maastricht n’est pas encore appliqué. Lorsqu’il le sera, il est évident qu’il y aura une très forte croissance qui en découlera, car nous aurons un grand espace économique avec une monnaie unique. »  (Jacques Attali, sur France 2, débat télévisé « Polémiques » animé par Michèle Cotta)<br /> <br /> - « Si le traité de Maastricht était en application, finalement la Communauté européenne connaîtrait une croissance économique plus forte, donc un emploi amélioré. » (Valéry Giscard d’Estaing, 30 juillet 1992, RTL)<br /> <br /> - « L’Europe est la réponse d’avenir à la question du chômage. En s’appuyant sur un marché de 340 millions de consommateurs, le plus grand du monde ; sur une monnaie unique, la plus forte du monde ; sur un système de sécurité sociale, le plus protecteur du monde, les entreprises pourront se développer et créer des emplois. » (Michel Sapin, 2 août 1992, Le Journal du Dimanche)<br /> <br /> - « Maastricht constitue les trois clefs de l’avenir : la monnaie unique, ce sera moins de chômeurs et plus de prospérité ; la politique étrangère commune, ce sera moins d’impuissance et plus de sécurité ; et la citoyenneté, ce sera moins de bureaucratie et plus de démocratie. » (Michel Rocard, 27 août 1992, Ouest-France)<br /> <br /> - « Les droits sociaux resteront les mêmes – on conservera la Sécurité sociale –, l’Europe va tirer le progrès vers le haut. » (Pierre Bérégovoy, 30 août 1992, Antenne 2)<br /> <br /> - « Pour la France, l’Union Economique et Monétaire, c’est la voie royale pour lutter contre le chômage. » (Michel Sapin, 11 septembre 1992, France Inter)<br /> <br /> - « C’est principalement peut-être sur l’Europe sociale qu’on entend un certain nombre de contrevérités. Et ceux qui ont le plus à gagner de l’Europe sociale, notamment les ouvriers et les employés, sont peut-être les plus inquiets sur ces contrevérités. Comment peut-on dire que l’Europe sera moins sociale demain qu’aujourd’hui ? Alors que ce sera plus d’emplois, plus de protection sociale et moins d’exclusion. » (Martine Aubry, 12 septembre 1992, discours à Béthune)<br /> <br /> - « Si aujourd’hui la banque centrale européenne existait, il est clair que les taux d’intérêt seraient moins élevés en Europe et donc que le chômage y serait moins grave. » (Jean Boissonnat, 15 septembre 1992, La Croix)
Répondre
B
Par référendum, les citoyens de la Nouvelle-Calédonie pourront voter pour ou contre leur indépendance le 4 novembre 2018.<br /> <br /> Et les citoyens français ?<br /> <br /> Les citoyens français seront-ils consultés sur leur indépendance ?<br /> <br /> En France, y aura-t-il un référendum pour ou contre la sortie de l'Union européenne ?<br /> <br /> Le peuple français sera-t-il consulté par la procédure de démocratie directe : le référendum ?<br /> <br /> A votre avis ?<br /> <br /> Le suspens est insoutenable.<br /> <br /> https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/0301454260720-la-nouvelle-caledonie-votera-sur-son-independance-le-4-novembre-2162310.php
Répondre

Présentation

  • : Le Blog de Jean Claude Werrebrouck
  • : Analyse de la crise économique, financière, politique et sociale par le dépassement des paradigmes traditionnels
  • Contact

Recherche