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15 janvier 2013 2 15 /01 /janvier /2013 23:00
Atlantico : Dans une note technique, Olivier Blanchard, l’économiste en chef du FMI estime que l’institution s’est trompée dans ses prévisions sur la Grèce et d’autres économies européennes car elle n’avait pas parfaitement réalisé à quel point les efforts exigés en termes d’austérité allaient amoindrir la croissance de ces pays. Les politiques d’austérité ont-elles eu des effets contraignants supérieurs à ceux prévus sur l’activité ? Où en sommes-nous sur le débat austérité vs. croissance ? Sommes-nous surtout perdus ?

 

Philippe Waechter :

 Le papier d'Olivier Blanchard et Daniel Leigh permet de mieux comprendre l'impact des politiques d'austérité en observant que depuis le début de la crise celles-ci avaient une influence plus marquée sur l'activité que par le passé. L'interrogation ne porte pas sur les mesures de la politique économique. En d'autres termes, les économistes du FMI tentent de comprendre les raisons qui ont systématiquement biaisé à la hausse leurs prévisions, les écartant des trajectoires plus négatives effectivement observées.

Une raison majeure qui permet de comprendre ce changement est le fait que les taux d'intérêt des banques centrales étaient très bas et ne pouvaient pas nécessairement compenser le caractère restrictif de la politique budgétaire. La politique économique se conçoit, en effet, comme une articulation, une coordination éventuelle entre politiques budgétaire et monétaire. Généralement lorsque l'une des deux devient plus restrictive, l'autre devient plus accommodante. Cela permet de réduire un déséquilibre sans pour autant pénaliser l'activité de façon excessive.

Ce mode de fonctionnement n'a pu être forcément possible lors de la période de crise. Pour améliorer le fonctionnement de la sphère financière les banques centrales ont adopté des stratégies très accommodantes. Cependant, lorsque les politiques budgétaires sont devenues plus restrictives, les banques centrales ne disposaient plus de marges de manœuvre permettant de compenser le caractère restrictif des politiques menées par les gouvernements pour réduire les pressions portant sur l'activité.

Jean-Claude Werrebrouck :

 Les modèles macroéconomiques se démonétisent avec la crise, car incapables d’intégrer toute la richesse de la contextualisation de la réalité observée. Les paramètres retenus dans un contexte de prospérité deviennent des variables. Il en va ainsi des évaluations des  multiplicateurs budgétaires qui ne sont plus ce qu’ils étaient et qui dévaluent les prévisions. Ce qu’on appelle austérité et qui est l’autre face de la recherche de la compétitivité, n’est solution rapporteuse de croissance que si les pays voisins ne déploient pas la même stratégie. Et de ce point de vue l’Allemagne du début des années 2000 avait tout à gagner de son plan d’austérité : les voisins qui ne connaissaient pas encore la crise pouvaient utiliser l’euro comme instrument d’une grande fête consumériste faisant tourner les usines allemandes.

Aujourd’hui, si tous deviennent allemands, il n’y a plus d’issue. La recherche mimétique de compétitivité est un drame collectif , comme celle  d’une foule face à un incendie. L’année 2013 est le moment où s’enclenche puissamment la mécanique suicidaire : La zone euro toute entière s’enfonce dans la crise. Même l’Allemagne sera prisonnière du mouvement mimétique et verra sa croissance très faible se détériorer davantage encore ( 0,9 points en 2012, contre 0,6 en 2013). De ce point de vue, il faudrait un signe extrêmement puissant pour bloquer la panique.

Les cures d’austérité imposées par le FMI ont-elles eu des effets très récessifs du fait d’une mauvaise coordination entre les politiques budgétaires menées par les Etats, et les politiques monétaires des banques centrales ?

 

Philippe Waechter :

 Dès lors, on observe que, par rapport à une situation plus habituelle, l'impact de ces politiques contraignantes devient plus fort. C'est ce qu'évoque le papier du FMI. Il n'en tire pas de conclusions particulières quant aux politiques à mener. Il constate simplement que les mécanismes n'ont pas fonctionné de la même façon que ce qui était observé par le passé. Dans le document, il est indiqué qu'en moyenne par le passé, un dollar de réduction de dépense se traduisait par un impact négatif de 0.5 dollar sur le PIB. C'est cette mesure "historique et moyenne" qui était utilisée initialement dans les prévisions du FMI. Les observations portées par Blanchard et Leigh suggèrent que parfois l'impact négatif pourrait être supérieur à 1 notamment dans les pays européens au cours de la période récente.

Cette découverte peut sembler tardive mais elle traduit une dynamique d'apprentissage et de réactivité dans un environnement de crise inhabituel et très contraint. 

Jean-Claude Werrebrouck :

 Le FMI a finalement  la main moins lourde que les décideurs européens. Les pactes de compétitivité sont une décision bruxelloise, largement influencée, il est vrai, par l’Allemagne elle-même sous le joug de ses croyances monétaires. Dans le contexte de notre représentation de l’ordre économique, il eut été préférable de jouer la carte de la complémentarité budgétaire, avec un resserrement  dans les pays du sud assorti d’une politique budgétaire plus extensive au nord et en particulier en Allemagne qui est le poids lourd de l’eurozone. Il y avait là de quoi rééquilibrer le fardeau de la dette avec peut –être un affaissement notable des spreads de taux sur les titres souverains. Et surtout il y avait de quoi empêcher la récession et autoriser un minimum de croissance.

Quant à la politique monétaire, il est difficile de la croire efficace dans un contexte où il n’existe plus aucune marge sur les taux des banques centrales. Par contre dans un contexte de guerre des monnaies qui semble se mettre en place, il apparaît que là encore, la zone euro soit en difficulté et que sa banque centrale se détourne de l’évolution du cours de l’euro, un taux qui remonte alors qu’il devrait se situer aux environs de moins de 1,2 dollars. 

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