Résumé: La monnaie fonctionne dans une structure de reseau et se trouve être, en sa qualité de créatrice d'un ordre social, un bien public fondamental. Son double caractère d'instrument de circulation et de réserve de valeur, généralement associé à sa privatisation en font un produit très fragile dans le cadre de la présente mondialisation. Il convient de reconstruire le système monétaire et financier autour des idées de Maurice Allais. Le présent texte propose de renationaliser la monnaie, de mettre fin au "capital fictif" et en examine les conséquences macro sociales et termes de gagants et de perdants.
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On sait qu'historiquement la monnaie est d'abord l'instrument du politique: un pouvoir qui impose les signes dans lesquels les sujets devront solder leur position d'éternels endettés vis à vis du prince.Rapidement pouvoir politique et pouvoir économique coopérent dans le système de la monnaie frappée. Un système qui va bientôt devenir un réseau enraciné dans un territoire.
1 ) La monnaie : une structure de réseau bien problématique
La monnaie est l’équivalent d’une infrastructure, telle un réseau ferroviaire assurant la circulation des personnes et des biens, ou un réseau électrique assurant la circulation des kilowattheures.
Les particularités du réseau monétaire parmi les réseaux en général
L’industrie bancaire assure la circulation des marchandises en assurant la circulation de la monnaie entre ces ports que sont des comptes abrités dans des banques. Les banques, sont comme la SNCF ou EDF d’avant la libéralisation, et il est impossible de séparer le réseau de ses véhicules : le paiement, largement électronique, est à la fois réseau et véhicule. Comme la SNCF où il apparaissait impensable, avant la libéralisation, de séparer le réseau ferré du matériel roulant.
Mais il est des différences : le réseau bancaire n’est pas monolithique et se trouve peuplé de banques en concurrence. Qui plus est, cette concurrence peut entrainer des modifications de parts de marché entre les ports. Ce qui n’était pas le cas du chemin de fer ou des compagnies d’électricité d’avant les nationalisations de 1945 : les acteurs restaient des monopoles sur les parts de réseau qu’ils contrôlaient. Le caractère non monolithique du réseau bancaire est peu gênant pour la circulation de la monnaie. Outre qu’il existe une norme monétaire commune au dessus de chaque monnaie de banque (une unité de compte), il existe un marché monétaire assurant la cohérence continue du réseau : la monnaie Société Générale se transforme en tous points de l’espace couvert par le réseau, en monnaie BNP , en monnaie Crédit Agricole, etc.
Une autre différence est le fait que la monnaie comme infrastructure de type réseau, est propriété d’agents nombreux et divers, qui peuvent agir sur lui, en le rendant plus ou moins actif. Derrière cette idée, il y a la plus ou moins grande vitesse de circulation de la monnaie, voire son blocage éventuel. Et cette dernière circonstance, résulte du fait que la monnaie n’est pas seulement infrastructure de la circulation : elle est aussi instrument de l’accumulation. Les économistes diront qu’elle n’est pas qu’instrument de paiement, mais aussi réserve de valeur. Les conséquences en sont considérables. Cela revient à dire – en poursuivant la comparaison avec la SNCF ou EDF- que par exemple des trains s’accumulent dans des gares. Et la comparaison est intéressante, car dans l’un et l’autre cas les marchandises cessent de circuler. Et c’est précisément parce que la monnaie est elle-même marchandise (instrument de stockage de richesse) plus ou moins convoitée qu’elle peut gêner/ faciliter la circulation de toutes les autres marchandises : l’infrastructure réseau est plus ou moins stable.
Et parce que marchandise, elle peut être fabriquée comme toutes les autres marchandises. En se désaliénant de la « contrainte métallique » les hommes ont, en la matière, généré des gains de productivité infinis : le coût de fabrication de la monnaie est proche de zéro, et pour les banques centrales, et pour les banques privées, qui depuis un grand nombre d’années se partagent le monopole de la création monétaire. De fait, il s’agit d’un coût marginal, puisque bien des coûts fixes demeurent, spécificité qui rappelle là aussi ces « monopoles naturels » que sont les réseaux classiques.
Le réseau monétaire est un bien public créateur d’ordre social
Les actuels réseaux monétaires – ce qu’on appelle le système monétaire et financier - sont le résultat de la construction historique de ce qui est devenu un bien public majeur, et bien public sans lequel les sociétés modernes connaitraient un retour à l’état de nature… avec la vitesse de l’éclair. Beaucoup de services publics pourraient disparaître sans radicalement disloquer une société. Ainsi la disparition du réseau ferré, voire même la disparition du réseau électrique, entraineraient certes des difficultés majeures avec nombre de régressions. Toutefois, ces dernières développeraient davantage d’espaces de solidarité, que du face à face brutal entre individus, lequel serait engendré par la nécessité de survivre. En revanche, un effondrement monétaire serait autrement redoutable et développerait en quelques instants – probablement moins d’une journée- la guerre de tous contre tous. Tout ceci pour dire que la monnaie dispose d’une structure de réseau , qui en fait le premier des biens publics, et probablement la clé de voûte de la société. Elle est ce qui fonde « l’ordre » et empêche « la panique », c'est à dire la disparition de tout ordre social.
Curieusement, ce bien public majeur, est aussi le bien public le plus fragile en raison du caractère réserve de valeur de la monnaie. Le double caractère de la monnaie se remarque dans le double caractère des banques : « commercial » et « affaires ». Parce que la monnaie est à la fois, moyen de paiement et réserve de valeur, le réseau peut être parcouru de disfonctionnement et de ruptures .
Double caractère de la monnaie et fragilité du réseau
Les risques inhérents à la volonté accumulatrice autorisée par la fonction réserve de valeur, peuvent entrainer des phénomènes spéculatifs, avec alternance de confiance et de méfiance, débouchant sur de possibles ruptures du réseau, par exemple la disparition de la liquidité sur les marchés monétaires. La même volonté accumulatrice peut aussi développer des bulles sur n’importe quel bien évaluable en monnaie. Et cette même volonté, cherchera le plus naturellement du monde, à élargir l’espace du jeu en interconnectant les monnaies (elles deviennent toutes librement convertibles) ; en développant des marchés à terme sur tous les biens de l’économie réelle, et ce si possible à l’échelle de la planète ; en autorisant la liberté de circulation des capitaux ; etc. Autant d’élargissements de l’espace du jeu engendrant un « gigantisme de réseau » exposé à toutes les contagions possibles.
De ce point de vue, la mondialisation correspond à un processus d’interconnexion et d’unification des réseaux monétaires. Jusqu’ici l’interconnexion existait sous le contrôle de « douaniers » situés à la périphérie de chaque réseau national, et « douaniers » corrigeant ou veillant aux externalités engendrées par la dite interconnexion. Tels des fusibles sur des réseaux électriques, chargés de bloquer la contamination de surtensions apparues en tel ou tel point du système. De ce point de vue , l’unification mondialiste, est utopique en ce qu’elle correspond à la volonté de construire un réseau gigantesque dépourvu de fusibles. Tel un immeuble dont le ravitaillement électrique ne serait pas composé de sous- réseaux (des "lignes") séparés par des fusibles de protection.
Mais parce que l’interconnexion jusqu’à l’unification, sans défenses immunitaires (sans fusibles), porte au plus haut niveau d’intérêt la deuxième fonction de la monnaie (réserve de valeur), les bulles spéculatives et leurs outils ( leviers démesurés, produits synthétiques, outils électroniques de trading, etc.) développent sans limites le fonctionnement entropique du système en voie d’unification. Très simplement, le réseau conçu pour faire circuler des marchandises réelles, fait surtout circuler des paris financiers. Incapable de lutter contre sa propre entropie – à l’inverse des êtres vivants – le réseau monétaire et financier mondial risque son auto destruction.
Parce que premier des biens publics de toute communauté moderne, et en même tant bien public devenu historiquement dépourvu de défenses immunitaires en raison de la dualité monétaire (moyen de paiement/ réserve de valeur), il convient de procéder à un toilettage complet de l’architecture du système monétaire et financier.
De fait, il s'agit de procéder à une refondation, dont la nature de la monnaie, nous fait déjà imaginer qu'elle porterait aussi une dimension politique majeure.
2 ) La refondation du réseau monétaire
Le premier acte d’une refonte réelle doit être la fin du marché de la dette publique en rétablissant l’autorité monétaire. Cela suppose le rétablissement des droits de propriété de l’Etat sur la banque centrale, une institution à laquelle il va confier un strict monopole de l’émission monétaire au seul profit du Trésor. Le volume de l’émission est politiquement décidé et ce dans le cadre d’un objectif de stabilité monétaire lui-même évalué et contrôlé par des institutions elles mêmes démocratiquement construites.
Condition nécessaire : la fin de la privatisation du politique.
Un tel acte refondateur ne peut évidemment fonctionner sans une refondation complète du fonctionnement des marchés politiques. Il ne faudrait pas, que le bien public monétaire, ne fasse l’objet que d’un simple transfert de son appropriation privée, et on ne voit pas en quoi, les fins privées des entrepreneurs politiques (reconduction au pouvoir ou conquête du pouvoir) seraient d’une nature supérieure, aux fins privées des banquiers et de leurs actionnaires (profit) qui jusqu’ici ont accaparé le bien public en en contrôlant l’émission. Le changement de propriétaire n’est pas une garantie de meilleur exercice de la propriété, une propriété fort particulière puisqu’elle reste un droit sur un bien public.
La refonte réelle de la finance suppose – au préalable - une véritable mutation de l’ordre politique. Puisque l’essence du politique est l’appropriation de ce qui surplombe toute communauté humaine –ce que l’on désignait aussi par le terme « d’extériorité» dans d’autres publications - il convient de mettre en place des institutions freinant la tendance universelle, à ce que le politique ne soit que l’utilisation à des fins privées, de ce qui est commun à tous. Sans doute la puissance publique ne peut elle être détenue que par des hommes dont la tendance indépassable est la recherche de la satisfaction privée (le pouvoir comme moyen et comme fin), mais il est probablement possible de diminuer les effets négatifs de cette permanente et universelle spécificité humaine. Dans l’Etat parvenu à son stade démocratique, la solution consiste à interdire, constitutionnellement, la professionnalisation de l’entrepreneuriat politique par interdiction du renouvellement des mandats, mandats eux-mêmes pouvant au moins partiellement être engendrés par des procédures non électives, par exemple le tirage au sort. Cette réforme constitutionnelle, est la première pierre de la réforme monétaire, si l’on veut minorer les errements d’un Etat laxiste, avec des entrepreneurs politiques gérant davantage une carrière privée, bénéficiant par ailleurs des largesses de la planche à billets.
Pour être complet, ce changement de titulaire de la fonction « production de monnaie » doit être strict : il suppose l’interdit radical de la création monétaire par les banques, lesquelles ne pourront prêter , que sur la base de fonds qu’elles auront empruntés, ou mis à leur disposition par des agents privés et l’Etat lui-même. Tout décalage constaté, entre capitaux reçus et capitaux distribués après transformation, devenant activité de faux monnayeur, et à ce titre pénalement sanctionnée. Il en est de même pour la banque centrale, qui dans le cadre de ses interventions auprès des banques, ne peut se livrer à des opérations de « quantitative easing », ce qui signifie que les liquidités mises à disposition sont intégralement remboursables.
L’Etat comme monopoleur de création et de vente de monnaie
La production monétaire se fait ainsi au seul bénéfice du compte du Trésor à la banque centrale. Son cout est nul puisque le prix de revient de la dite production est nul. Cet abondement de ressources- sur ordre donné au gouverneur par l’exécutif- est fléché, et ne peut entrer dans la masse des recettes publiques. Les ressources ainsi mise à la disposition du Trésor par la banque centrale, permettent d’une part, d’assurer un investissement public démocratiquement contrôlé ; elles permettent d’autre part, d’abonder- selon une procédure que l’on examinera plus loin- le compte des banques qui y verront la matière première des investissements privés qu’elles souhaitent financer. Une part de production de monnaie, est affectée à la nécessaire croissance monétaire, résultant de la croissance du volume des échanges impulsés par la croissance économique elle-même. Ce volume de monnaie supplémentaire est démocratiquement décidé et contrôlé.
L’investissement public n’est pas nécessairement financé en totalité par la production monétaire : il peut aussi l’être par une épargne construite sur un excédent primaire. Si le financement de l’investissement public se fait à taux nul, il n’en va pas de même pour l’investissement privé financé par les banques, à partir de la production de monnaie mise à leur disposition par l’Etat. Outre que l’Etat met à leur disposition une ressource payante - l’Etat est payé, sous la forme d’un taux d’intérêt, pour la monnaie mise à disposition - les banques doivent aussi couvrir leurs charges de gestion et disposer d’une prime de risques.
Dans le cas où le budget primaire est déficitaire, il est constitutionnellement interdit à l’Etat d’utiliser les ressources qu’il s’est octroyées sur la banque centrale. La nomenclature et le classement des dépenses est revue et corrigée, certaines d’entres elle, dites de fonctionnement, étant de fait des dépenses d’investissement. Travail peu aisé, il est pourtant économiquement essentiel, et doit être démocratiquement contrôlé. L’interdit d’une couverture d’un déséquilibre du budget de fonctionnement, tel que précédemment redéfini, par la production de monnaie, suppose par conséquent le recours à un endettement. Ce dernier doit disposer d’un statut d’exceptionnalité et se doit n’être consenti que sur la seule base d’une majorité parlementaire qualifiée. Disposition marquant la volonté de mettre fin aux facilités de l’endettement.
Une telle mutation financière réintroduit déjà une disparition progressive de la notion de « service de la dette », et se trouve à terme profitable pour l’Etat, qui n’a plus à payer la rareté monétaire mais au contraire à la vendre. Avec toutes les conséquences en termes de baisse possible de la pression fiscale qu’on peut en déduire, mais aussi la fin relative de la situation rentière des banques, dont l’appropriation de la production monétaire était illégitime : elles n’avaient pas le droit de privatiser un bien public qui, par ailleurs , n’a jamais été mis en vente.
Le Montant de production de monnaie, est un acte politique gravant dans la réalité, une part du potentiel de croissance du pays. L’investissement macroéconomique, est ainsi partagé entre investissements publics et investissements privés. L’investissement privé, est la somme de la production de monnaie distribuée aux banques, et des possibilités offertes par l’épargne privée. Le total de l’investissement global est régulé – notamment par le poids de la production de monnaie et l’investissement public- de telle sorte que la croissance réelle puisse être peu éloignée de la croissance potentielle.
Les parts de production de monnaie affectées à l’investissement public et à l’investissement privé, relèvent de choix politiques démocratiques. S’agissant de la production de monnaie affectée aux banques, la répartition entre les divers établissements demandeurs s’opère selon un processus classique d’enchères. Il s’établit par conséquent, un prix de marché des ressources monétaires nouvelles captées par les banques. Ce prix de marché entre en concurrence avec les prix qui se forment sur l’épargne privée des agents. L’Etat étant un fournisseur important de ressources monétaires, il est clair que son rôle dans la fixation générale de l’ensemble des taux de l’intérêt est fondamental.
La grande transformation des réseaux bancaires
Selon la vision de Maurice Allais, le réseau bancaire est redécoupé en « banques des échanges monétaires » (BEM), « banques de crédits » et « banques d’affaires ». Un même établissement peut assurer les trois fonctions correspondantes. Il doit cependant apporter la preuve périodique d’une stricte séparation des fonctions.
1 Les BEM constituent le réseau monétaire que nous qualifions de bien public majeur dans l’introduction au présent texte. A l’intérieur de ce réseau, les banques sont en concurrence pour assurer un service public de base : celui de la bonne exécution des échanges de biens et de services initiés par tous les agents économiques. Le marché monétaire classique assure les échanges interbancaires, et la banque centrale y intervient en qualité de régulatrice générale du réseau. Véritables délégataires d’une mission de service public dépourvue de tout risque financier, le cout de fonctionnement du réseau des BEM est assuré sur la base d’un contrat, démocratiquement contrôlé, entre l’Etat ou la banque centrale et les BEM.
Le nomadisme des dirigeants entre sphère publique et sphère des BEM est juridiquement interdit. Les BEM ne rémunèrent pas les dépôts et ne se livrent à aucune opération de crédit.
Les BEM ne participent pas aux procédures d’enchères portant sur l’acquisition de monnaie vendue par le couple Banque centrale/ Trésor. Elles reçoivent par contre gratuitement, la quantité de monnaie supplémentaire prévue par les nécessités de la croissance économique ( motif de circulation du PIB).
2 Les banques de crédits reçoivent l’épargne des agents privés, et assurent la transformation de cette dernière en prêts classiques : simple découvert, crédit à la consommation, à l’équipement, crédit hypothécaire, etc.
La titrisation des créances est juridiquement interdite.
Le roulement de l’épargne de court terme en prêts à plus long terme, s’effectue selon des règles de prudence et de transparence, établies par les régulateurs situés sous l’autorité de l’Etat ou de la banque centrale.
Il est mis fin à « l’indépendance » des régulateurs par rapport à l’Etat ou la banque centrale. Le nomadisme des dirigeants entre banques de crédit et régulateurs est juridiquement interdit.
Les banques de crédit ont accès à la production de monnaie , et la banque centrale abonde le compte de chacune d’entre elle en fonction du résultat de la procédure d’enchères menée par le Trésor. L’agence de commercialisation de la dette – « Agence France Trésor » pour ce qui concerne la France - est démantelée, puis reconvertie en « agence publique de vente de monnaie au système bancaire ».
Les banques de crédit doivent apporter à tout moment la preuve qu’aucune création monétaire ne s’établit dans le cadre de leurs activités.
La rémunération des banques s’effectue au travers de la différence entre intérêts payés et intérêts reçus.
Le total du bilan d’une banque de crédit ne peut dépasser le dixième du PIB du pays d’accueil.
3 Les banques d’affaires sont spécialisées dans tous les services non assurés par les deux premières catégories de banques : opérations de haut de bilan, corporate finance, émission de titres, introduction en bourse, augmentation de capital, financement syndiqué. Mais aussi tous les services de spéculation et de couvertures sur taux de change et taux d’intérêt, marché des commodities, produits dérivés etc. Mais également produits d’épargne et assurantiels au profit des ménages : fonds d’épargne, épargne retraite, assurance vie, etc.
Les banques d’affaires entrent en compétition avec les banques de crédits dans l’accès à la ressource monétaire vendue par le couple banque centrale / Trésor. Les ressources ainsi achetées sont investies dans l’économie réelle, et toute utilisation dans le cadre d’une activité spéculative est pénalement sanctionnée.
Dispositions annexes et non limitatives concernant la finance
Les régulateurs, sous l’autorité des pouvoirs publics, veillent à la limitation drastique de la financiarisation des grandes activités. En particulier les activités de trading sont réservées aux acteurs de l’économie réelle.
L’introduction sur un marché, de spéculateurs extérieurs à l’économie réelle, est une exception autorisée par le régulateur, après constatation d’un disfonctionnement de sous- liquidité.
Le nomadisme des dirigeants entre banques d’affaires et régulateurs est juridiquement interdit.
L’un des principes fondamentaux est que les « échanges papiers » ne deviennent plus importants que les échanges réels. A ce titre les directives sur marchés d’instruments financiers sont considérablement durcies : limitation considérable des opérations de gré à gré par autorisation au cas par cas du régulateur, quasi interdiction de la vente à découvert , ratios contraignants sur les ordres non exécutés en trading informatisé, etc.
De façon plus générale, l’introduction d’une taxe sur les activités de Trading renforce le rétrécissement de la « boursouflure », avec probable mise en liquidation de nombre d’entreprises devenues Casinos au cours des 20 ou 30 dernières années.
L’activité sur CDS est strictement encadrée, et les positions dites « nues » strictement interdites, cela signifie que les clauses type « opt out » imaginées par les autorités européennes sur les dettes souveraines ne sont plus tolérées.
Les CDS sur dettes souveraines, deviennent eux-mêmes sans objet avec la fin du marché de la dette publique : ils disparaissent.
Les activités hors marché , à l’instar des « dark pool » voient leur encadrement renforcé. A l’inverse, la présence de chambres de compensations devient la règle universelle.
Les banques d’affaires ne peuvent se livrer à des activités spéculatives sur comptes propres. Elles cessent tout lien et liquident leurs établissements situés dans les espaces d’optimisation fiscale.
Le total du bilan d’une banque d’affaires ne peut dépasser le vingtième du PIB du pays d’accueil .
Conséquences macro sociales
Cette réforme n’a rien de technique, et se trouve fondamentalement politique : des groupes sociaux vont perdre, et d’autres vont gagner. Et cette nouvelle donne sociale repose toute entière sur la captation/production de monnaie.
Les producteurs et les décideurs ne sont plus les mêmes : ce n’est plus le système bancaire qui vend la monnaie, mais l’Etat. Renversement qui correspond à un bouleversement global de l’ensemble de la société. Sans toutefois la remettre dans son état antérieur à la loi du 3 janvier 1973 en France, et aux lois correspondantes dans nombre d’autres pays (34 banques centrales vont adopter une législation semblable entre 1990 et 2001). C’est que la situation antérieure, correspondait aussi à des marchés politiques, où partout la professionnalisation du politique était la règle avec les biais correspondants. Cela pouvait signifier parfois « la planche à billets » que le dispositif proposé récuse. Il n’y a donc pas de retour en arrière, mais un monde autorisant les investissements publics massifs de naguère, tout en améliorant aujourd’hui une gestion budgétaire plus responsable et plus équilibrée.
Parmi les groupes sociaux gagnants, il faut compter :
1 Les salariés qui ne peuvent que bénéficier d’un retour du développement, lui -même autorisé par le caractère massif de l’investissement public et de la mobilisation des facteurs de la production qui va lui correspondre. Le renversement du contrôle de la monnaie rétablit le long terme, les projets, et la fin de la dictature d’un futur qui s’écrase sur le présent, en raison de la disparition des investissements publics, voire de l’investissement privé lui-même.
2 les entrepreneurs de l’économie réelle qui vont bénéficier des externalités nouvelles produites par le nouvel Etat investisseur et « réducteur d’incertitudes ».
3 les citoyens censés ne plus payer la rente au système financier, et au contraire à récupérer la rente inverse que le système financier devra à l’Etat. Ce qui signifie de nouvelles marges de négociations entre citoyens et les nouveaux gestionnaires - les nouveaux politiques - des outils de la contrainte publique.
Parmi les groupes sociaux perdants, il faut compter :
1 les entrepreneurs politiques amenés à ne plus pouvoir investir dans une carrière de long terme et à ne plus pouvoir orienter la nature des produits politiques qu’ils vendent vers cette éternelle finalité : reconduction au pouvoir ou conquête du pouvoir. Finalité grande cause de nombre de déficits publics.
2 Les entrepreneurs de l’économie financière et de l’économie casino, la dette publique n’étant plus la mère nourricière et le point d’appui de la créativité financière . Cela signifie une cure drastique développant l’amaigrissement des bilans, et la fin des miracles financiers et des rémunérations sans causes. La fin du capital fictif diraient Marx ou Hayek.
3 Les épargnants et usagers de l’économie casino. Les premiers, sans redevenir victimes de la répression financière du 20ième siècle, devront se contenter de produits d’épargne beaucoup plus rustiques, et d’une rentabilité plafonnée par la croissance de l’économie réelle. Les seconds, en raison de l’étroitesse nouvelle des terrains de jeux financiers, et de leur extrême surveillance, par des autorités et régulateurs nouveaux et démocratiquement contrôlés , constateront qu’il n’est plus possible de vivre en état d’apesanteur, et feront le douloureux apprentissage de la pratique de l’économie réelle, où valeur ajoutée n’est plus confondue avec « accroissement de la valeur » .
La grande refondation proposée, n’a rien de mécanique, et les sociétés humaines ne sont pas des machines. Ce qui signifie que des réactions suivront la brutale redistribution des positions sur l’échiquier social. En particulier il faut imaginer la fuite, vers d’autres terrains de jeu, des nouveaux perdants, à la recherche d’espaces moins contraignants. D’où la question de l’international qu’il faut impérativement étudier.