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20 janvier 2016 3 20 /01 /janvier /2016 09:15

 

Il n’est pas question ici de revenir sur  le grand thème  de la nature de l’Etat. Nombre d'articles de ce Blog l'ont évoqué.  Disons simplement que les Etats sont des entités qui disposent d’un certain nombre de caractéristiques qui en constituent leur essence.

L’essence des Etats

1) Ils sont historiquement nés dans l’espace du sacré ou du religieux, et se sont nourris de l’idée de dette et de sacrifice.

2) Ils sont en conséquence des « extériorités » par rapport aux êtres qu’ils surplombent.

3) Ils sont un enjeu de pouvoir et sont ainsi soumis au phénomène de « capture » (utilisation de la contrainte publique à des fins privées).

4) Les formes historiques de capture définissent les rapports juridiques entre acteurs.

5) Le fonctionnement normal des Etats (logique de capture des règles émises) suppose la définition d’un lieu d’exercice (territoire borné par des frontières) et la définition du groupe de participants (peuple).

6) Le fonctionnement normal suppose  le principe général de souveraineté : hors exceptions, il ne peut y avoir de pouvoir au-dessus de l’Etat.

7) Les Etats créent des outils fondamentaux nécessaires à la validation de la souveraineté.

 Marxistes et libéraux se rejoignent dans cette présentation de ce qu’on appelle : «  l’Etat » Ces principes naturellement très abstraits doivent être revêtus de chair pour se rapprocher des réalités concrètes. Historiquement la capture brutale par un individu ou un clan peut être remplacée par des formes beaucoup plus sophistiquées où le prince se trouve au service de groupes plus ou moins complexes qui voient dans les services rendus la légitimité de son pouvoir. Le prince, où plus généralement le personnel politique peut lui-même être capturé par des forces étrangères qui capturent la souveraineté de l’Etat considéré : principe de « souveraineté limitée » dans l’ancienne URSS, bourgeoisie ou administration comprador, etc.

La souveraineté en Démocratie

Ce qu’on appelle démocratie est la forme la plus acceptable et probablement indépassable de la capture : la participation à l’orientation et à l’émission des règles du jeu social est le fait d’un très grand nombre d’individus qui se trouvent sous la coupe de l’Etat (une majorité) et cette participation est renégociée à intervalles réguliers par le biais d’une procédure élective.

En dehors des règles propres à un Etat, il  peut exister des règles issues de relations entre Etats. Certaines ont une vocation universelle (Déclaration des droits de l’homme), d’autres une vocation plus spécifique. Les formes les plus achevées de la démocratie intègrent ce champ du droit. Par exemple, quelles que soient les modalités de la capture, il est probable qu’en cas  de démocratie achevée, aucune règle interne ne pourra s’appuyer sur le renoncement aux  droits de l’homme dans la version la plus universellement acceptée. C’est dire que le « démos » intègre des règles issues d’espaces dépassant les frontières. Dans ce cas, il existe un universel ou une extériorité qui dépasse cette autre extériorité qu' est  l’Etat considéré.

D’autres, moins universelles, vont concerner ce qu’on appelle des Traités, lesquels vont modifier les rapports juridiques internes en ce qu’ils peuvent, sous certaines conditions, être  une autorité supérieure aux lois. Ils  peuvent également dans certaines circonstances entrainer une modification de la norme supérieure qu’est la Constitution d’un Etat.

Dans le cas des démocraties les plus évoluées, la notion très idéologique d’intérêt général fait reculer le principe général de capture à son niveau d’intensité la plus faible. Ce sera par exemple le cas lorsque les activités de lobbying sont particulièrement encadrées par les règles démocratiques. Par contre, la capture ne disparait jamais, et même en démocratie évoluée, la minorité peut toujours se considérer victime de la majorité.

Parmi les critères qui permettent de mesurer la consistance d’une démocratie, il y a bien sûr l’étendue du droit de vote : l’existence ou non d’un « cens » (point de vue de Sieyès) ou, selon la formule de John Rawls, le niveau plus ou moins égal de la distribution de biens premiers aux divers membres de la communauté, etc. Bien évidemment les conceptions étroites d’une participation permettent l’élévation des niveaux de captures possibles.

L’Europe ou la « souveraineté limitée »

Au-delà,  et sans doute d’une actualité très brulante, il y a la contestation ou non du résultat du vote. Non pas contestation pour non-conformité de la procédure mais tout simplement parce que des acteurs, en dehors de la communauté, se pensent en droit de mettre en cause le résultat. Très concrètement les autorités européennes ont–elles le droit de contester les résultats d’un vote démocratique en Grèce, ou aujourd’hui en Pologne,ou demain celui du référendum auc Pays-Bas?

Au niveau formel, le seul pouvoir qui serait au-dessus du suffrage populaire est celui qui s’impose à tous en raison de l’universalité d’une règle, par exemple le respect des droits de l’homme. On pourrait ainsi concevoir que tout vote démocratique ne respectant pas les droits de l’homme puisse être contesté par une instance supérieure au nom d’un principe universellement admis. Toutefois si le vote n’est en aucune façon réprimé, qu’il respecte la distribution égale de biens premiers au sens de Rawls, il y a fort peu de chance qu’un suffrage aboutisse à un résultat réprimant tous les acteurs, c’est-à-dire une règle universellement admise. En démocratie avancée l’Etat est un universel qui accepte l’englobement dans un universel plus large.

A contrario il en découle que les règles non universelles, par exemple un traité type Traité de Lisbonne, ne sont pas opposables au « Démos ». Le Traité engage tant qu’il n’est pas dénoncé par le suffrage universel. La souveraineté, au sens aujourd’hui de souveraineté populaire, ne peut donc pas fixer de limite au résultat d’une élection. C’est dire que si un résultat conteste telle ou telle règle d’un ensemble appelé Traité, ce dernier doit être impérativement revisité.

La pratique actuelle qui vise à inscrire les débats internes aux pays européens dans des limites fixées par les Traités est ainsi contestable et les acteurs, bien que respectables, sont néanmoins… « compradors ». Tel est le qualificatif qui doit caractériser les dirigeants de tous les partis politiques classiques des pays européens.

 En économie de marché, dans le cadre de sa version la plus libérale, on ne conteste pas les résultats du jeu économique qui s’expriment par un ensemble de prix : taux de salaire, taux de l’intérêt, rentabilité du capital, prix de toutes les autres marchandises…..avec la répartition du revenu national qui en découle. La même autorité bruxelloise qui promeut et veille aux règles du jeu de l’économie de marché, et qui s’interdit de contester les résultats du jeu au nom de la « concurrence libre et non faussée », est ainsi schizophrène : elle ne conteste pas les résultats du jeu économique mais conteste les résultats du jeu politique. Incontestabilité des résultats des jeux économiques et contestabilité des résultats des jeux politiques. Curieuse vision qui ferait de l’économie une souveraineté hors sol écrasant celle des Etats. Ce qui pose encore la question des règles : sur quelles forces s’appuient les règles du jeu économique si les Etats sont démonétisés ? Le marché peut-il engendrer les règles du jeu du marché ? Marx aurait-il raison en classant le juridico-politique au rang de « superstructures » reposant sur « l’infrastructure » économique ?

Encore une fois curieuse vision, mais aussi force dénonçant l’idée même de souveraineté politique.

Mais cette dénonciation sera plus opérative encore en détruisant un outil fondamental de la souveraineté : la monnaie.              

                                                          (A suivre)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le système de l’étalon or au dix-neuvième siècle sera ainsi le point d’aboutissement quasi naturel de l’affirmation des Etats (verticalité) baignant dans un espace marchand devenu international (horizontalité d’une première mondialisation).

 

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21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 15:00

« Changer l’Europe maintenant » tel est le souhait de Thomas Piketty dans sa chronique publiée par le Monde en date du 20/21 décembre.

Outre une Conférence sur la dette chargée de l’alléger, l’auteur reprend l’idée d’un nouveau parlement de la zone euro, ce dernier étant  à la tête d’un vrai budget fédéral, et légiférant sur des thèmes devenus fédéraux : fiscalité unifiée sur les sociétés, investissements dans les infrastructures et les Universités, etc. La légitimité d’un tel parlement proviendrait de son ancrage sur les parlements nationaux, lesquels désigneraient des députés issus de leurs rangs dans une proportion respectant le poids démographique de chaque Etat.

De telles propositions relèvent de l’incantation et ne respectent pas le principe de réalité.

1) Quelles qu’en soient les modalités, alléger les dettes publiques dans le cadre d’une conférence prévue à cet effet revient à un défaut aux effets dévastateurs sur le système financier planétaire. Il est exact que les 200 milliards d’intérêts payés par l’ensemble des Etats de la zone euro permettraient, en choisissant le défaut, de se redéployer profitablement sur 100 programmes Erasmus[1] porteurs d’avenir. Mais ces mêmes 200 milliards assurent encore aujourd’hui la sécurité du système financier planétaire. En cas de défaut, les bilans bancaires exploseraient et la dette publique qui, en ce qu’elle ne consomme pas de capitaux propres, est la matière première fondamentale des banques. Si donc il est question d’alléger les dettes publiques, il faut aller beaucoup plus loin et reconstruire un tout autre monde. Il est peu probable que les marchés politiques de la zone puissent faire émerger de telles propositions.

2) Ces mêmes marchés politiques ne peuvent engendrer l’idée d’un authentique Parlement aux compétences législatives allant vers le fédéralisme.

On voit mal l’Irlande ou mieux le Luxembourg accepter leur quasi disparition en tant que paradis fiscaux. Si, pour le Luxembourg (700000 habitants dont 50% d’étrangers), le débat pourrait apparaitre marginal[2] , les choses sont autrement importantes pour l’Irlande dont la faiblesse de l’IS constitue la pierre angulaire de sa stratégie économique de braconnage.

Bien sûr on pourrait n’envisager qu’un regroupement de quelques grands pays (Allemagne, France, Italie, Espagne) mais cela reposerait la question du lâchage de quelques autres plus fragiles et dangereux pour l’existence même de la zone euro (Portugal, Grèce etc.) Si certains s’intègrent davantage et fabriquent plus de convergence, que dire du rattrapage des autres qui continueraient de diverger avec les risques politiques et sociaux correspondants?

Mais le problème est en fait beaucoup plus grave. Dans ce nouvel espace qui serait authentiquement législatif, l’Allemagne deviendrait minoritaire avec un pourcentage de députés proportionnel à son poids démographique (37% des députés dans l’hypothèse la plus favorable, celle du scénario des 4 plus grands pays, et environ 25% des députés dans le scénario de l’ensemble de la zone). C’est dire que dans ces conditions, l’Allemagne ne pourrait plus s’opposer aux transferts qui sous-tendent obligatoirement toute union monétaire. C’est par conséquent reconnaitre que le marché politique allemand ne fera jamais naitre ni bien sûr accepter un tel projet de souveraineté d’un parlement de type nouveau. Et il faut le comprendre : pourquoi l’Allemagne se plierait à de tels transferts tuant ses capacités exportatrices qui en font son modèle et au final son vivre ensemble ?

Certes les européistes seraient tentés de considérer que les députés désignés perdent symboliquement leur identité nationale, et qu’il n’y aurait que des députés européens. Comment peut-on imaginer que les députés désignés par le parlement allemand puissent décider de lois budgétaires allant contre les intérêts supérieurs de leur pays et intérêts étroitement surveillés par la cour constitutionnelle de Karlsruhe?

La conclusion est donc simple : soit le nouveau parlement émerge comme parlement croupion en ce qu’il ne peut dépasser le cadre de l’ordo libéralisme allemand (une règle constitutionnelle concernant la gestion de l’euro s’impose à lui), soit il n’émergera jamais. En attendant les entrepreneurs politiques allemands peuvent continuer à parler d’Europe et se montrer plus européistes que leurs voisins français : il s’agit de masquer l’essentiel, et au final de gagner encore un peu de temps sur l’inéluctable échéance. Et une échéance qu’il faut effectivement redouter lorsqu’on est allemand, puisque cette dernière signera la fin de la mécanique monétaire qui a abouti à un « subventionnement » sans précédent des exportations et du vivre ensemble qui lui est associé.

 

[1] Le programme Erasmus ne dispose qu d’un budget de 2 milliards d’euros.

[2] Mais ô combien essentiel pour la finance mondiale qui ne pourrait guère accepter ce type de fédéralisme

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 07:12

 

Les élections, qu’elles soient régionales ou nationales ne changeront rien tant que les partis politiques seront dans l’incapacité de prendre en compte  les bases d’une  réelle refondation. Hélas, ces bases ne peuvent facilement émerger comme produits politiques autorisant démocratiquement une prise du pouvoir. Le rejet européen de l’européisme s’étend et les partis traditionnels sont bien évidemment incapables de proposer une solution. Le questionnement fait de plus en plus place à l’inquiétude : si rien de sérieux ne peut être entrepris, l’approfondissement permanent de la crise économique et sociale risque de conduire, en France, mais aussi dans beaucoup d’autres pays, à des dégradations importantes du vivre-ensemble[1]. Une situation de rupture sociale avec, non pas une guerre civile, mais davantage une guerre de tous contre tous, n’est peut-être plus  à exclure.

Nous proposons dans le canevas ci-dessous les grandes lignes de ce qui nous semble indispensable pour la renaissance d’un vivre-ensemble désirable.

                                            Liste des réformes structurelles à envisager

-Détruire les racines de l'énorme « économie casino »[2] en :

        - interdisant la planche à billets  -« Quantitative Easing »- de ne fonctionner qu’au bénéfice exclusif des banques et des  Etats[3]

        - reprenant le contrôle de la Banque centrale,

        - reprenant le contrôle de la monnaie,

        - reprenant le contrôle du taux de change,

        - reprenant le contrôle des mouvements de capitaux.

Conséquences : 

         - suppression de dizaines de milliers d’emplois de haut niveau et néanmoins parasitaires (moins de 7% des échanges sur les marchés financiers concernent l’économie réelle)

         - suppression   de la prédation correspondante et ses « effets de démonstration »[4] ravageurs sur le vivre –ensemble 

         - suppression  des bulles spéculatives et risques systémiques associés 

         - suppression de  l’inutile marché de la dette publique[5] 

         - rétablissement de  l’idée que l’on ne peut s’enrichir sans travailler productivement ou sans investir dans l’économie réelle.

-Rétablir les racines de l’économie réelle en :

        - confiant au parlement la décision d’une création monétaire annuellement exécutée par la Banque centrale[6] 

        - fixant au système bancaire des objectifs d’enveloppes d’investissements privés et publics décidés par le parlement et exécutés sous le contrôle de la banque centrale

        -  réorientant l’épargne et le « shadow banking » vers le seul investissement productif 

        -  offrant, sous contrôle parlementaire, des garanties publiques sur opérations risquées 

        - déplaçant progressivement la fiscalité pesant sur les entreprises vers celle pesant sur la consommation et le revenu des ménages (les entreprises doivent être des chevaux de courses)

        -  fiscalisant les revenus du capital sur le critère de la durée de l’investissement (la spéculation est étrangère à l’investissement) 

        -  fixant les revenus de la « dirigeance » des entreprises sur des critères économiques et non seulement financiers ;

        - favorisant le rétrécissement des chaines de la valeur et la fin du démembrement à l’échelle planétaire des entreprises 

        -  favorisant une « authentique » concurrence entre partenaires égaux remplaçant la destructrice « concurrence libre et non faussée » 

        - interdisant toutes les formes de « capture » de la dépense publique.

        - programmant  la fin des régulations bureaucratiques et autres Autorités Administratives    dites « Indépendantes ».

Conséquences :

        -  augmentation considérable de l’investissement privé et public 

        -  mise en place  des voies d’une amélioration de la qualité de l’offre globale       

        -  fin des dispositifs d’austérité destructeurs économiquement, socialement, et politiquement 

        -  surplus assuré de l’activité et de l’emploi 

        -  fin du processus de développement vertigineux des inégalités sociales[7].

- Rétablir l’efficience de l’Etat- providence en :

         - évaluant chaque type de dépense sociale à partir d’une analyse coût/avantage effectuée par un organisme authentiquement indépendant 

        -  plaçant les organisations en charge dans un milieu concurrentiel sur la base du critère de l’efficience 

        - luttant contre toutes les formes de clientélisme et de captation de rentes.

Conséquences :

        -  diminution substantielle des dépenses sociales 

        -  responsabilisation croissante de tous les acteurs 

        -  amélioration des services rendus aux usagers.

        - relégitimer les dépenses sociales en tant qu’outils du vivre ensemble

- Rétablir l’efficience de l’Etat régalien en :   

         - rétablissant l’idée centrale de souveraineté, seul cadre possible de déploiement d’une authentique  démocratie 

         -   renégociant l’ensemble des traités européens qui ont entamé la souveraineté  

         -  investissant dans les dépenses militaires, pièces centrales du « ruissellement » du haut de gamme technologique vers toutes les branches de l’industrie

         -  augmentant la productivité de l’appareil juridique et judiciaire 

         -  investissant dans l’éducation, la formation et la recherche

         -  rétablissant les valeurs de la République

Conséquences :

            -  rétablissement d’un vivre ensemble aujourd’hui compromis 

            -  montée qualitative de l’offre globale avec ses effets sur la compétitivité 

            -  bien placer le pays dans le mouvement planétaire de naissance/renaissance des nations;

            -  mise en situation pour proposer un nouveau système de régulation (politique/ économique/ monétaire) planétaire. (nouveau Bretton-Woods ?)

- Rétablir la confiance en :

              -  interdisant la professionnalisation des « entrepreneurs politiques » (limitation des mandats dans le temps et l’espace)

              - favorisant le développement des initiatives partant de la base : référendums d’initiative populaire, surveillance étroite des mandats avec possible destitution, etc. 

              -  développant un statut de l’élu 

              -  organisant la transparence sur le lobbying, la négociation des Traités internationaux, etc. 

              -  organisant la fin de l’oligopole médiatique

              -  organisant la formation à la citoyenneté de la jeunesse.

Conséquences :

               -  renouer avec la tradition démocratique

               -  abandonner l’idéologie  gestionnaire et renouer avec le  politique

                - rétablir un vivre-ensemble, ouvert sur le monde, délibérable et désirable.

Ces quelques réformes n’ont évidemment que peu de rapport avec celles avancées et proposées à grand bruit par le système politico-médiatique actuel. Chaque point n’est qu’une ébauche ou un squelette qui doit être considérablement enrichi pour donner lieu à un dispositif programmatique sérieux. En revanche il s’agit d’un système articulé et les différents blocs (économie Casino ; économie réelle ; Etat providence ; Etat régalien ; confiance) sont dans la congruence de ce qui permettra de refaire nation et goût du vivre–ensemble dans un monde ouvert.

 


 

[1] « Un monde de violence, l’économie mondiale 2016-2030 »,Jean Hervé Lorenzi et Mickaël Berrebi, Eyrolles, 2015.

[2] Sans reprendre cette expression, l’ouvrage de Gaël Giraud ( « Illusion financière », les Editions de l’Atelier,2015 ), permet de bien comprendre les méfaits de ce que nous appelons « la boursoufflure" de la finance sur notre blog.

[3] Il est ici intéressant de se référer à un article de Flas Eco Natixis du 11 décembre 2015 : finanhttp://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=88551cière ».

[4] Au sens de Thorstein Veblen et de qu’il appelait la « consommation ostentatoire ».

[5] « Banques Centrales, Indépendance ou soumission, un formidable enjeu de société », Jean Claude Werrebrouck, Editions Y Michel, 2012.

[6] http://www.lacrisedesannees2010.com/2015/11/front-national-comment-proposer-la-fin-de-l-euro-sans-perdre-les-elections-fin.html

[7] Au-delà de l’ouvrage de Jean Hervé Lorenzi et Mickaël Berrebi déjà cité, et bien sûr au-delà de Piketty, on pourra se référer à celui de Anthony Atkinson : «  Inegality What can be done ? », Harvard University Press, 2015.

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 10:54

 

Origine et métamorphoses de la  structure étatique.

La pensée politique libertarienne  présente l’aventure étatique selon le schéma classique suivant :

Echanges marchands->Agences de protections->Agence monopoliste->Etat-> Etat de droit->Mondialisation.[1] Dans un tel schéma l’Etat est le produit non désiré d’une interaction sociale : les hommes n’ont pas cherché à construire l’Etat, et ce dernier n’est qu’un sous-produit qui- hélas serait selon les libertariens- devenu une immense aliénation.

La contestation de l’individualisme méthodologique qui  surplombe une telle vision – « la soupe primitive » humaine n’était pas composée d’individus séparés -  nous a entrainé vers une explication fort différente, en particulier pour sa partie amont :

Religions primitives--> Etats enkystés dans la religion--> Religion enkystée dans les Etats--> Etat autonome--> Etat de droit--> Etat de droit + démocratie --> démantèlement de l’Etat de droit en mondialisation.

Derrière cette présentation très abrupte, se cache l’idée que tout groupe humain est fait d’individus dont la nécessaire interaction, suppose la présence d’un principe d’intégration extérieur à chacun, principe qui est le lieu de ce qu’on appelle le politique. Pour ne prendre qu’un exemple, la loi n’est « inventée » par aucun individu particulier, mais  s’impose à tous : il s’agit d’une extériorité. Globalement c’est l’Etat qui est, encore aujourd’hui,  ce principe général d’intégration.

Dans l’histoire concrète, ce lieu ou principe d’intégration est, sauf dans le cas des religions primitives, accaparé par des individus. Les religions primitives étant universellement présentes dans la soupe primitive humaine, la première forme d’extériorité est la religion. Cette forme restera longtemps sur le devant de la scène en se transformant et évoluant jusqu’aux monothéismes. D’une certaine façon l’Etat moderne, et donc le politique n’a fait que reprendre les fonctions de la religion.

 De la même façon l’époque présente, dite de mondialisation, se veut aussi nouvelle forme de « reprise » des fonctions de la religion : l’ordre du monde serait désormais assuré par l’économie. A contrario, la religion qui a été la matière première initiale du politique et des Etats, cesse d’être le principe d’organisation du monde.

Pour autant, on sait aussi que notre époque qui serait celle du démantèlement des Etats donne lieu à de formidables résistances. Certes des Etats se désagrègent mais ils ne se liquéfient pas dans l’océan du marché[2]. D’autres semblent même se constituer ou se reconstituer sur de vieilles bases : l’Etat Islamique serait-il un retour de la phase  « Etat enkysté dans la religion » ? Serait-il le masque du retour des grands prédateurs ? Et pourquoi ce retour ? Est-il une forme de résistance à l’ordre du marché planétaire ?

C’est sans doute cette dernière question qui est la plus importante et se doit d’être abordée.

Le couple mondialisation/fondamentalisme.

Il est tout d’abord erroné  d’affirmer qu’il y a déclin de l’occident, car de fait la mondialisation n’est que la reproduction élargie du capitalisme occidental à l’échelle de la planète. Avec tout ce qu’elle charrie et qui relève de son histoire : importance de la propriété, puis importance des droits de l’homme comme terreau d’un bon fonctionnement des marchés, par exemple l’individualisme… mais aussi effacement progressif de la démocratie au profit d’une technocratie productrice et protectrice d’une oligarchie. D’où les interrogations sur les grandes constructions méta-étatiques : Europe, OMC, TAFTA, etc. Simple questionnement toutefois, car il apparait que la démocratie ne peut plus permettre de choix tant l’obéissance aux règles du marché serait devenue horizon indépassable. Quand Dieu est parti et que l’individualisme radical pense pouvoir effacer la question du vivre ensemble, par quoi remplacer le marché ? Puisque le marché est indépassable, qu’il segmente, qu’il individualise, qu’il propose l’hédonisme, etc., la recherche complémentaire de sens, de spiritualité, ne se déroule plus au sein de vastes communautés religieuses mais dans l’intimité. Bien évidemment il s’agit d’une posture très éloignée du politique et d’un quelconque objectif d’action sur la société.

Cette grande transformation du monde agresse plus particulièrement les cultures les plus proches des bases anciennes de régulation du monde par la religion. C’est bien évidemment le cas de l’Islam avec des espaces devenus schizophrènes : ordre du marché d’un côté, et résistances extrêmes sur toutes les valeurs « qui font la société » et qui pourraient devenir de nouveaux espaces marchands.

L’Arabie Saoudite est de ce point de vue un magnifique exemple de schizophrénie.

On comprend par conséquent le raidissement fondamentaliste : il n’est que le bouclier légitime des cultures proches des vieux fonds religieux.

La grande scène mondiale est ainsi une nouvelle grande fracture qui succède à celle disparue entre Occident et bloc de l’Est. L’ancienne se déroulait entre modernes, entre ceux qui étaient selon la formule de Marcel Gauchet « sortis du religieux ». La nouvelle est, entre une complètement sortie du religieux et dont le fonctionnement ne peut être qu’élargissement, une économie monde, certes en crise grave, mais sans entraves, qui vient buter sur une autre dont l’organisation relève du religieux. Si maintenant c’est l’Islam qui est touché et non pas d’autres grandes civilisations, c’est évidemment parce que la désagrégation religieuse était beaucoup plus avancée en Asie ou ailleurs que dans la péninsule arabique.

Mais il existe d’autres causes à cette résistance particulière à la désagrégation : L’Islam est le dernier né du tronc monothéiste et, à ce titre, se pense comme celui pouvant resituer les parcours antérieurs qu’il croit surplomber. Cette position de surplomb par rapports aux monothéismes fera que la colonisation, la dépendance politique, et bien sur la dépendance économique seront beaucoup plus mal vécues que dans les autres cultures beaucoup plus étrangères aux religions occidentales. Le fondamentalisme est ainsi une réaction à une agression qui ne s’est pas achevée avec la fin de la colonisation.

Le fondamentalisme n’explique pourtant pas la réalité présente d’un Etat Islamique qui vient d’émerger et qui va beaucoup plus loin : l’agressé ne fait pas que se raidir derrière un bouclier, il devient agresseur radical.

Concernant la naissance, les causes sont multiples : désagrégation du conglomérat faussement laïc qu’était l’Irak, renaissance de la rivalité chiite/sunnite, désagrégation de l’Etat Syrien, non légitimité des frontières coloniales[3], interventions occidentales, russe, turque, etc . Le tout dans un contexte de rentes pétrolières de grandes dimensions.

L’Etat étant une réalité devenue indépassable, les désagrégations ne peuvent correspondre qu’à la naissance de nouveaux Etats. De ce point de vue, l’Etat Islamique se veut nouvel Etat, cherche à conquérir des territoires au détriment d’autres Etats, et prétend même "battre monnaie", ce que les Etats modernes ne font plus[4].

Dans les réalités concrètes, l’Etat Islamiste est largement le  fait de « déserteurs obligés »- les  officiers sunnites de l’armée, plus ou moins laïque de l’ancien dictateur irakien - qui se vengent contre l’humiliation imposée Par le protectorat américain de 2003. Le modèle d’Etat dominant dans la région est entre l’Etat autonome (Syrie ?) et la religion enkystée dans l’Etat (tous les autres y compris Israël). La construction du nouvel Etat, parce que contestation, ne peut passer par ces modèles et doit nécessairement repasser par une régression : celle de l’Etat enkysté dans la religion[5]. Parce que les nouveaux « entrepreneurs politiques » n’ont, au-delà de l’humiliation et du désir de vengeance, que peu de matières premières spécifiques à apporter dans la corbeille du nouvel Etat, et qu’ils ne peuvent pas proposer un Etat- nation à l’occidentale, il ne reste plus que la « matière première religieuse ». Et pour être vraiment spécifique et laisser jouer la logique de la vengeance, le seul registre de l’idéologie de « l’intérêt général » propre à toute structure étatique, n’est plus que celui de la souveraineté divine tel que celui théorisé par Sayyid Qutb[6]. Cette conception fait disparaitre toutes les médiations institutionnelles créées par les hommes, la législation positive ne devant reposer que sur la seule sphère divine.[7] Bien évidemment il n’existe pas de droits humains, pas de distinction entre sphère privée et sphère publique, pas de liberté de conscience et donc pas de principe de tolérance. Au-delà, puisque les sociétés, qu’elles soient musulmanes ou non, ne respectent pas le principe de souveraineté divine, il appartient à tout musulman de prendre le sabre pour faire respecter cette souveraineté. Les entrepreneurs politiques qui se cachent derrière un tel manteau sont bien à l’abri : Enkyster l’Etat en formation sur de tels principes permet l’exercice de la vengeance violente généralisée et le rétablissement du principe de l’honneur[8].

Réduire puis détruire la « chaudière Etat Islamique » : hypothèse crédible ?

L’enkystement dans un islam radicalisé n’interdit pas une logique de l’échange marchand – l’économie- car les nouveaux entrepreneurs politique- le Calife – « prince des croyants »-  et ses vassaux- ont besoin de rassembler de gros moyens financiers pour l’exercice de la violence. Il peut même se permettre de ne pas trop massacrer certains ennemis à partir du moment où un impôt peut être payé, prélèvement lui-même nourri par des activités marchandes[9].

Parce qu’enkysté dans une religion à vocation universaliste – il n’existe qu’un seul dieu souverain sur l’ensemble de l’humanité – Cet Etat nouveau ne peut que se mondialiser et se complaire dans l’ensemble des outils de la mondialisation marchande. Ainsi, il se déploie dans un marché mondial de la terreur et entre en concurrence avec d’autres entités du même type qu’il se doit de réduire :Al Qaïda, Al Nosra, Aqmi, etc. pour imposer son label à l’échelle de la planète.

C’est à ce titre qu’il distribue son label à des jeunes franchisés qui, loin de l’Etat Islamique, et souvent loin de la religion elle-même sont en souffrance. Il s’agira par exemple des jeunes musulmans de la seconde génération[10] écartelés entre 2 cultures, celles des parents qu’ils rejettent, et celles de l’Occident qu’ils admirent mais qui leur est dans son entièreté d’un accès difficile. Globalement pour ces jeunes, les droits de l’homme, la République et ses valeurs apparaissent d’autant plus exotiques que la socialisation par l’emploi- vecteur essentiel dans une société entièrement régulée par le marché- est une épreuve difficile. Les plus radicaux de ces jeunes ne vivront pas le terrorisme sous la forme d’un sacrifice mais d’un martyr « win/win » comme tant de contrats de l’échange marchand du monde moderne….

L’avenir de l’Etat Islamique est sans doute incertain. Sa prédation sur l’économie marchande est limitée. Elle le sera davantage avec l’étouffement économique qu’elle suscite - augmentation des taxes, baisse générale des revenus avec aussi fin du paiement des traitements des fonctionnaires jusqu’ici versés par Bagdad ou Damas, développement d’une économie souterraine, etc.- ou qu’on lui impose : destruction des installations pétrolières, gel des comptes, etc. Pour autant, ce type de structure peut proliférer en d’autres endroits car l’outil idéologique très simple est favorable à sa reproduction sur un terreau favorable : tant que la « sortie de la religion » n’est pas envisageable, la structure « Etat enkysté dans la religion » est un produit politique de qualité pour des entrepreneurs politiques prisonniers  de lourds ressentiments.[11]

Corrélativement, cette même simplicité idéologique pourra continuer à séduire des jeunes européens. Et ce beaucoup plus facilement que celle véhiculée par les jeunes extrémistes de gauche au siècle dernier. A l’époque l’idéologie supposait des livres difficiles à lire, et la violence se bornait à l’hypothèse d’une société réconciliée par la fin de la lutte des classes : un monde de vivants. La situation est plus difficile aujourd’hui, il n’y a plus rien à lire et la cause que l’on sert vaut qu’on y donne sa vie.

 

 

[1] C’est en particulier ce que l’on trouve chez un Richard Nozick.

[2] Laurent Davezies croit même pouvoir dire qu’il y aurait aujourd’hui 300 mouvements régionalistes dans le monde. Cf « La nouvel égoïsme territorial. Le grand malaise des nations » ; Seuil-La république des idées ;2015. Bien évidemment ces 300 mouvements  n’ont pas tous vocation à se transformer en Etats.

[3] Accords Sykes- Picot du 16 mai 1916.

[4] Il s’agit même d’un étalon-or, les pièces –dinar islamique- étant un mélange  d’or, d’argent et de cuivre.

[5] Notons que cette situation était celle plus traditionnelle de l’ensemble du Moyen-Orient avant la colonisation et la fin de l’empire Ottoman.

[6] Frère musulman égyptien condamné à mort par le régime de Nasser et dont les écrits servirent à Ben Laden pour justifier le Djihadisme dans sa version Al qaïda. On trouvera chez le sociologue olivier Carré ( « Mystique et politique, le Coran des islamistes, commentaires coraniques de Sayyid Qutb » ; CERF 2004) et chez Michel Terestchenko ( « l’ère des ténèbres » ; Le bord de l’eau ;2015) des développements intéressants sur l’œuvre de Sayyid Qutb. 

[7] Notons qu’il existe dans cette révolution un parallèle à mener avec la révolution française qui pourtant s’incarne dans un tout autre stade de l’aventure étatique. En effet, la révolution de 1789 va abroger toutes les intermédiations entre l’Etat et les citoyens.

[8] On pourra bien sûr critiquer comme le ferait Claude Berman le «  sociologisme » de nos explications ( cf Le Monde du 30 novembre 2015) . Ce dernier, reprenant les poètes de l’antiquité, voit la rage meurtrière comme un trait constant de la nature humaine. Pour autant il n’existe pas de rage sans contexte c’est-à-dire indépendamment d’une interaction sociale.  Que la chaine de causes soit complexe et difficile à remonter est incontestable. On ne peut toutefois pas renoncer à une démarche évacuant toute analyse causale.

[9] Pour plus de détails sur les finances de l’Etat islamique, on pourra se reporter à la rubrique « Géopolitique » du Monde du 29 novembre 2015.

[10]  Olivier Roy, « Le djihadisme est une révolte nihilisteé », Le Monde du 25 novembre 2015.

[11] Pensons par exemple aux palestiniens qui à force de constater qu’il n’y a pas d’issue pensable pourraient renverser leurs propres entités administratives dépendantes d’Israël et des finances européennes .

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23 novembre 2015 1 23 /11 /novembre /2015 15:46

On trouvera ci dessous la vidéo du colloque qui s'est déroulé le samedi 21 novembre. De fait il faut aller tout de suite au delà de la quinzième minute.

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22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 16:15

Le Colloque organisé le samedi 21 Novembre par la Fondation pour une Europe des Nations et des Libertés a vu ses divers participants partager l'idée d'une fin de l'Euro comme préalable à toute reconstruction. A cet égard ,Il nous a semblé utile de reprendre un article déjà ancien publié sur le blog.

Résumé:

La monnaie unique ne disparaitra pas au terme d'un renoncement négocié mais, à l'inverse, selon un mode panique. Le retour d'un ordre stable réintroduisant des monnaies nationales ne pourra se faire que sur la base d'une garantie publique de tous les contrats, financée par émission monétaire de banques centrales devenues obéissantes.

La fin des dévaluations internes au profit de dévaluations externes ne règlera pas spontanément et rapidement les questions de croissance, d'emploi et d'équilibre des échanges extérieurs. Par effet de contagion, une guerre des monnaies à l'échelle mondiale posera la question de l'ordre international à reconstruire. Extraire la monnaie de l'emprise mondiale de la finance deviendra l'outil majeur du rétablissement des souverainetés.

Les conditions concrètes de la disparition de l'euro ont déjà été étudiées. Il est ainsi plus que probable que le changement s'effectuera en mode panique, c'est- à- dire sans concertation entre les pays concernés.

Cette panique dont la manifestation peut être rapidement décrite ne pourra s'éteindre que par le retour de la répression financière (partie 1). Sur la base de cet ordre nouveau probable, seront ensuite examinées les conséquences à plus long terme de la fin de l'euro (partie 2).

Partie 1 - PANIQUE et MESURES IMMEDIATES

On peut imaginer que la panique proviendra de la nouvelle crise de la zone euro, celle correspondant à l'échec des dévaluations internes mises en place dans la plupart des pays de la zone(1).

Des marchés affolés vont brutalement enclencher un "flight to quality" avec effondrement d'actifs souverains de pays de la périphérie au profit d'achat de dette publique allemande. D'énormes perturbations bilantaires, d'abord au niveau des banques, produiront l'évaporation des fonds propres, l'insolvabilité immédiate, et la disparition de la liquidité.

Une telle situation peut rapidement devenir incontrôlable et débouchera probablement sur le retour d'un Etat souverain renouant avec sa monnaie comme productrice d'un ordre social maitrisé.

A - DEMANTELEMENT CONTRE GARANTIE PUBLIQUE DU RESPECT DES CONTRATS

Au-delà du protocole technique qui ne soulève guère de problèmes (maintien du système des prix internes par définition d’une unité de compte ayant valeur légale et correspondant à un euro, surcharge d’un tampon sur chaque billet avant impression de nouveaux billets par la Banque Centrale nationale, échange rapide des pièces, etc..), une garantie juridique est promulguée par le ou les dirigeants politiques ayant pris la décision : garantie portant sur le maintien nominal de la valeur de tous les actifs au moment où est prise la décision.

La prise de décision vaut par conséquent gel de toutes les positions et peut-être fermeture momentanée de la Bourse . Il est d’ailleurs évident que décision de sortie et décision de garantie publique se trouvent dans le même acte juridique. C'est dire que les pays pouvant procéder de manière autoritaire, par simple ordonnance de l’exécutif, disposent d’un avantage. Ce qui pose la question du déclenchement de la panique dans les pays qui ne peuvent agir ou réagir avec la célérité qui s’impose (2).

La garantie de la valeur nominale suppose la définition d’un point fixe qui n’est autre que la définition de la nouvelle parité, laquelle doit être déclarée intangible bien au-delà de la période de temps nécessaire à une réorganisation générale aux effets neutres sur tous les bilans et contrats. Le champ de la garantie offerte à tous les agents économiques du pays sortant concerne les détenteurs d’actifs étrangers : ménages, entreprises, institutions financières, Etat lui-même. Il s’étend aussi aux non-résidents et étrangers détenteurs d’actifs nationaux.

La notion d’actif doit aussi être précisée. Il s’agit bien sûr de tous les titres financiers : actions, obligations privées et publiques, produits structurés, produits d’épargne et comptes bancaires, etc. Pour ces titres la garantie repose sur la seule variation (perte ou gain) mécanique de valeur, calculée sur la base du nouveau taux de change. La valeur sur laquelle s’applique le nouveau taux étant celle correspondant à l’heure fixée dans l’acte juridique de décision de sortie. Mais il s’agit aussi de tous les contrats de l’économie réelle et ce, y compris, les contrats de travail des travailleurs frontaliers.

La garantie publique est le point fixe qui se substitue à l’Euro, une sorte de SAS permettant le passage d’une zone où les taux de change ne sont pas maitrisés vers une zone où ces même taux sont politiquement définis. La garantie publique du respect des contrats signifie que, si les agents économiques du pays sortant ne peuvent perdre, ils ne peuvent davantage gagner. A titre d’exemple, si des français titulaires de contrats d’assurance-vie incorporant des titres publics grecs ne peuvent être victimes du rétablissement de la Drachme, ces mêmes français titulaires de contrats semblables incorporant de la dette publique allemande ne peuvent bénéficier du rétablissement du Mark. La garantie correspond donc bien à la volonté de neutralité sur les bilans des agents vis-à-vis d’une sortie de l’Euro. Et cette neutralité est bien ce qui interdit tout mouvement spéculatif. Le déclenchement des CDS est lui-même interdit en ce que la sortie ainsi envisagée n’est en aucune façon un « incident de crédit » .

La garantie de l’Etat sortant est autrement plus rigoureuse que les garanties offertes par les Etats, qui, en Octobre 2008, ont dans un même geste bloqué tout effet de panique chez les déposants des banques dont on pouvait anticiper l’effondrement. Alors qu’à l’époque, le risque n’était que potentiel et qu’un effet d’annonce pouvait suffire à bloquer la panique, dans le cas présent d’un démantèlement, il faut aller plus loin et effectivement payer les victimes. Et le prix à payer est d’autant plus important que le pays sortant est lui-même impécunieux. On voit ainsi mal l’Etat Grec sortant sur la base d’une dévaluation massive être à la hauteur de sa garantie. Et on voit aussi mal les Etats gagnants d’une sortie, redistribuer les gains aux perdants. Outre, qu’encore une fois la sortie n’est pas coopérative ni négociée, les gagnants sont aussi des agents privés pour lesquels la réévaluation est un profit qui devrait rester privé. Concrètement une entreprise allemande dont les débiteurs sont français doit logiquement bénéficier de la réévaluation du mark, et on ne voit pas comment ce bénéfice pourrait être utilisé pour assurer les garanties de l’Etat Grec. Pour autant, s’il est aisé de bloquer les bénéfices au nom du respect intégral de tous les contrats (cela ne coûte rien), il faut bien trouver les moyens financiers susceptibles de dédommager les victimes d’une sortie de l’Euro.

B - LE RESPECT DES CONTRATS PAR DES BANQUES CENTRALES QUI MONETISENT

Si le respect intégral et rigoureux des contrats implique un dédommagement des perdants sans que les gagnants ne puissent aider, il faut trouver un tiers chargé d’assurer le passage de l’ancien au nouveau monde, si possible sans destruction du projet européen. Il faut en effet avoir en tête l’énorme effet destructif d’une explosion non contrôlée de l’Euro. Dès lors, la solution qui s’impose est le recours aux banques centrales nationales qui sont réquisitionnées dès l’annonce de la sortie(3).

De fait, il ne s’agit que d’accélérer un processus déjà engagé avec la BCE, qui aujourd’hui tente de maintenir la fiction de l’Euro avec des interventions massives sur les dettes publiques du sud. La présente action de la BCE est déjà bien une tentative d’endiguement de la panique déstabilisatrice avec des « spreads » qu’il faut contenir pour l'éviter, un krack obligataire, et un « Bank-run »(4).

La procédure est donc simple : Pour les pays qui quittent la zone en dévaluant, l’ordonnance de réquisition stipule que la Banque centrale de l’Etat sortant, crédite le compte du Trésor correspondant, à hauteur des engagements de ce dernier au titre de la garantie du respect de tous les contrats. Les fonctionnaires du Trésor fixent le montant des dédommagements et ordonnent à la Banque les paiements correspondants. Le cas échéant des magistrats et commissaires au compte attestent de la bonne exécution des garanties . L’unité de compte retenue pour le dédommagement peut être la nouvelle monnaie nationale. Ainsi l’exportateur allemand de marchandises vers la Grèce – si ce dernier pays quitte la zone- se voit payé par son client dans la monnaie dont il dispose, auquel il faut ajouter le prix de la dévaluation, prix exprimé en Drachmes, et au final supporté par la Banque centrale de Grèce. Toujours s’il s’agit d’une sortie grecque, La Société Générale voit, à l’actif de son bilan, ses obligations publiques grecques transformées en drachmes, valeurs augmentées du montant de la dévaluation. On pourrait multiplier les exemples. Bien évidemment s’élèvent d’immenses balances en Drachmes que le « bateau des passagers clandestins » cachait si bien, et que le dispositif « Target 2 » cachait plus difficilement. Il faut donc imaginer que ces balances en Drachmes sont acheminées vers les Banques centrales des Etats correspondants (dans notre exemple celle d’Allemagne pour l’exportateur allemand, et de France pour la Société Générale) et transformées en nouvelles monnaies nationales.

Au final la monnaie émise (dont la quantité est égale au produit de la dévaluation par le total des engagements) se trouve stockée dans les pays qui sont dans une situation favorable : peu ou pas de dévaluation, peu de dette extérieure, dette publique faible ou nationalisée. De quoi provoquer une hausse des prix plus rapide que dans les pays ayant massivement monétisés. Le dispositif, retenu, sans doute trop brièvement exposé, et ne réglant pas toutes les situations (comment traiter les CDS même s’il n’y a pas juridiquement « accident de crédit » ?) évacue complètement l’idée de défaut, de soutien au système bancaire, de surveillance des spreads de taux etc.

Partie 2 - LES CONSEQUENCES A PLUS LONG TERME DE LA FIN DE L'EURO

A - L'EFFACEMENT DU GRAND BOND EN ARRIERE IMPULSE PAR L'EURO

La première forme du grand retour en arrière imposé par la mise en place de la monnaie unique était le développement de divergences que devaient précisément faire disparaitre l'euro : déséquilibres croissants des échanges extérieurs entre pays, désindustrialisation accélérée dans le sud contre maintien de positions industrielles dans le nord, économie de consommation ou de rente dans le sud, contre économie de production dans le nord, etc. Le tout dans un contexte de croissance beaucoup plus faible que celle du reste du monde.

La seconde forme du grand retour en arrière était plus grave. Induite par les politiques de dévaluation interne, elle allait considérablement accroitre les divergences et des stratégies non coopératives suicidaires.

La dévaluation interne, toujours présente à l'heure où ces lignes sont écrites, ne pouvait en effet passer que par une pression sur les coûts directs et indirects du travail : baisse de la quantité et/ou de son coût. Une telle baisse à des effets favorables au niveau micro-économiques en ce qu'elle pouvait augmenter les marges et /ou la compétitivité des entreprises. Toutefois le PIB n'étant que la contrepartie de la somme des demandes internes et externes de chaque pays, la pression sur le coût du travail n'est macro économiquement efficace que si la chute de la demande interne est surcompensée par un accroissement plus élevé de la demande externe.

Hélas, l'histoire concrète a montré que pour tous les pays, depuis 2010/2011, la surcompensation était impossible, et ceci pour au moins deux raisons :

La première est que le prix du travail n'est pas suivi dans sa baisse par celle parallèle de tous les autres prix. En particulier il y a rigidité pour un certain nombre de services et surtout , le poids de la dette va croître par augmentation de sa part relative dans le budget des ménages. La chute de la demande de consommation est ainsi devenue considérable ( plus importante en pourcentage que celle du taux de salaire) dans un certain nombre de pays, ce qui explique la baisse des PIB correspondants sur plusieurs années (Grèce, Portugal, Espagne, etc.).

Par ailleurs, et il s'agit d'une seconde cause de l'impossible surcompensation, la demande externe est elle- même appauvrie par la politique de dévaluation interne de tous les autres pays. Il n'est pas non plus question de bénéficier d'une élasticité prix des exportations puisque la déflation est beaucoup plus faible que la baisse du coût du travail. Ainsi pour faire diminuer les prix de moins de 5% en Grèce, il a fallu diminuer les revenus de plus de 20%. Par contre, il est vrai qu'à la marge, la considérable chute de la demande interne entraine mécaniquement par effet d'élasticité des importations au PIB, une baisse mécanique des importations, donc de la propension à importer. Ce fait est fortement constaté pour l'Espagne. Mais ce même fait bloque les espérances des autres pays pratiquant également une politique de dévaluation interne

La politique de dévaluation interne devait aussi entrainer d'autres effets:

- La hausse du chômage laquelle découle directement de la contraction de la demande globale.

- L'impossible amélioration des soldes publics avec au-delà d'un faible rendement de l'impôt, l'effet de ciseau découlant d'un taux d'intérêt réel nettement supérieur au taux de croissance du PIB, ce qui signifie une aggravation inexorable du service de la dette (5),

- Enfin, la ré- industrialisation impossible puisque dans le contexte établi, rien ne vient justifier l'investissement (6). La politique de l'offre - au delà des interrogations sur son fondement théorique ( le sens de la relation profit-investissement fait toujours l'objet de passionnantes discussions académiques) - qui est la finalité des politiques de dévaluation interne n'a que peu de sens dans un univers aussi dépressif.

Bien évidemment, les premières mesures, avec notamment les décisions financières d'urgence et le passage de la dévaluation interne à la dévaluation externe effacent complètement le lugubre paysage antérieur.

B - UNE SIMPLE DEVALUATION MONETAIRE SERA-T-ELLE SUFFISANTE ?

La réanimation de l'outil taux de change constitue bien sûr un avantage puisque les dévaluations externes sont en théorie autrement plus efficaces que les dévaluations internes.

A l'inverse de la dévaluation interne, tous les prix sont affectés par le changement de parité et la demande interne n'est affectée négativement que si les importations - en supposant que les exportateurs étrangers ne changent pas leurs politiques de prix - sont incompressibles, soit une élasticité nulle. En revanche, la hausse de la demande externe est infiniment plus probable. La France est concernée par cette hausse de la demande externe dans la mesure où elle se situe dans des productions moyennes assez sensibles aux prix. Sa demande interne est aussi assez bien concernée par une modification de parité car elle importe davantage pour consommer que pour produire (7).

De ceci, il résulte que la dévaluation par réintroduction d'un taux de change, correspond à la mise en place d'un processus infiniment préférable à la dévaluation interne. En la matière, tout dépendra de la valeur des élasticités prix des importations et des exportations, ce qui nous renvoie au théorème dit des "élasticités critiques" de Marshall-Lerner. Et ce processus est en principe le retour de la croissance puisque les demandes aussi bien interne qu'externe peuvent logiquement augmenter.

Ce jugement doit pourtant être nuancé.

Tout d'abord, il convient d'introduire dans le raisonnement, des coûts de risque de change que l'euro avait fait disparaitre. Il est possible d'en diminuer l'importance en adoptant des taux de change fixes. Il n'est toutefois pas possible de les faire disparaitre. Ces coûts resteront proportionnels à la longueur des chaines de valeur et impulseront peut-être sa réduction et donc un processus de relocalisation pour les pays qui dévalueront. Un tel processus ne s'enclenche que dans la durée et ne produit pas de résultats immédiats.

En second lieu, l'élasticité prix de la demande d'importations peut entrainer un effet revenu négatif comprimant la demande interne. C'est le cas lorsque la dévaluation entraine une hausse des valeurs importées (pétrole). Auquel cas la demande interne entraine la chute du PIB, chute qui ne peut être compensée que par une forte élasticité prix des exportations.

En supposant qu'il n'existe pas d'effet revenu négatif, la hausse de la demande interne peut toutefois être bloquée par une inélasticité de l'offre: la non substituabilité des importations par des productions nationales s'expliquant par l'impossibilité de produire localement. C'est malheureusement la situation présente, notamment pour la France: les biens importés peuvent techniquement être substitués par des productions domestiques en cas de dévaluation . Malheureusement des décennies de désindustrialisation ont fait table rase de compétences techniques et de savoirs faire, voire même d'outils de formation, capital qui exige de nombreuses années pour se reconstituer.

Une autre difficulté résulte du risque de guerre des monnaies. Les dévaluations internes étaient non coopératives et développaient des externalités: l'exportation possible du chômage. Les dévaluations externes ne le sont pas moins. L'ensemble de la zone euro dispose d'un Excédent de 2,6% de son PIB avec un euro dont le taux de change est probablement plus élevé que la moyenne des taux qui se formerait sur la base des anciennes monnaies reconstituées (8). C'est dire que l'excédent global pourrait s'élever davantage encore et géner les pays émergents. C'est dire aussi qu'au delà de possibles guerres des monnaies à l'intérieur de l'ex-zone, une réelle guerre des monnaies peut se matérialiser avec des nations (Chine en particulier) qui, jusqu'à présent, disposaient de solides possibilités exportatrices au regard de pays du sud (Grèce, Italie, Portugal, Espagne, etc.)

La fin de l'euro c'est assurément la fin des politiques suicidaires et donc la fin du grand bond en arrière. Elle n'est pourtant pas un bond en avant automatique (9).

C - L'EXIGENCE D'UN ORDRE MONETAIRE ET ECONOMIQUE NOUVEAU

La zone euro est encore aujourd'hui un modèle réduit de mondialisation malheureuse : une offre potentielle excède une demande muselée par les politiques de dévaluation interne. D'où un surplus exportable et une demande qui, tout en étant muselée, est artificiellement gonflée par la croissance de la dette (10).

La mondialisation vit encore sur ce modèle initié dans les années 70 du siècle dernier. A l'époque, il s'agissait de délocaliser des productions comme solution aux premières formes d'un fordisme déclinant. Les gains de productivité qui s'affaissaient étaient compensés par la dévaluation du travail : les salaires des pays périphériques étaient autrement avantageux que ceux du centre. Les débouchés des implantations délocalisées n'étaient pas locales et correspondaient à des exportations vers le centre: la fameuse alliance de Wal-Mart et du parti communiste chinois. Simultanément, centre et périphérie doivent contenir les salaires: le centre pour ne pas être envah, et la périphérie pour rester compétitive alors que le poids et le nombre de ses acteurs en concurrence entre-eux ne cesse de s'élargir.

La mondialisation devient ainsi "malheureuse" en ce qu'elle va correspondre à un déséquilibre croissant entre offre et demande globale, déséquilibre masqué par une montée des dettes publiques et privées plus spécifiquement au centre.

La zone euro toute entière est ainsi devenue le modèle réduit de cette mondialisation malheureuse avec une Allemagne devenue Chine de l'Europe en raison de son surplus exportable et donc de sa demande interne très insuffisante, et un sud, dont la France, jouant le rôle des USA importateurs.

La disparition de l'Euro ferait peut-être disparaitre le modèle réduit de mondialisation malheureuse mais ne ferait pas disparaitre le modèle global. Et si d'aventure le surplus exportable de ce qui serait devenu l'ex-zone euro devait s'accroitre en raison des dévaluations externes, la situation deviendrait insupportable pour l'ex- périphérie devenue ensemble de pays émergents connaissant toujours une demande interne largement insuffisante. Clairement l'euro leur permettait de ne point dévaluer. Sa disparition est donc probablement la naissance d'une guerre mondiale des monnaies dont l'origine repose sur une demande mondiale inférieure à l'offre.

La disparition de l'euro militerait ainsi pour un nouvel ordre monétaire basé sur un principe général de coopération et non de concurrence entre les nations. Une coopération visant à la recherche d'un équilibre extérieur de chaque nation. Cela passe bien sûr par un contrôle politique négocié des parités et la fin du processus de privatisation des monnaies commencé dans les années 70 du siècle dernier.

En finir avec l'euro c'est aussi la possibilité et la tentation de soustraire les monnaies à l'empire mondial de la finance. C'est aussi le possible rétablissement des souverainetés disparues avec la privatisation des monnaies (11). C'est enfin le possible cheminement vers une forme renouvelée de l'Etat-Nation.

C'est en conséquence le possible rétablissement d'une démocratie confisquée. Un mouvement dont le cheminement et les contours sont difficiles à imaginer aujourd'hui.

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(1) Les derniers chiffres publiés le 14 aout dernier, avec un T2 de +0 de croissance pour la zone après un T1 de +0,2 sont là pour attester de l'échec. La déflation en cours avec le recul de la vitesse de circulation de la monnaie sont un autre signe de l'échec.

(2) De ce point de vue la France, avec sa Constitution de 1958 dispose d'un avantage comparatif énorme sur l'ensemble de la zone.

(3) Il s'agit du premier acte de la répression financière avec comme point d'aboutissement probable la soustraction de la monnaie à l'emprise de la finance ou la fin de la "loi d'airain "de la monnaie, idée déjà défendue par l'auteur dans le N° 34 de MEDIUM (janvier, février, mars 2013).

(4) C'est tout le sens qu'il fallait donner au "Longer-Term Refinancing Opérations" (LTRO) qui permettait au final en 2012 et 2013 le refinancement des Etats. C'est aussi celui de son prolongement: le "Target Longer- Term Refinancing Operations" qui, lancé dans quelques semaines pour un autre objectif, pourra servir à refinancer l'ancien LTRO pour lesquelles les banques italiennes et espagnoles restent débitrices après avoir trop financé leur Etat respectif.

(5) Ajoutons que la baisse des dépenses publiques, qui est une composante de la dévaluation interne, connait des effets dévastateurs en raison de la sous-estimation du multiplicateur budgétaire: 0,7 pour le modèle MESANGE de l'INSEE, alors que le FMI l'annonce à 1,2 et que des estimations sur la zone Sud évoquent des multiplicateurs encore plus élevés.

(6) Selon EUROSTAT, la FBCF de la zone euro diminue globalement et passe de 19,4 à 17,7% de son PIB de 2009 à 2013. celle des pays du sud s'effondre: passant de 19,9 à 12,1 pour la Grèce, de 23,6 à 17,7 pour l'Espagne, de 19,4 à 17,3 pour l'Italie, de 20,5 à 14,8 pour le Portugal, etc. Moins d'investissements, c'est moins de croissance de la productivité, et en mondialisation, c'est moins de marge. Il est très difficile d'imaginer par la violence de la dévaluation interne en Grèce ou en Espagne l'émergence de petites Chines européennes.

(7) L'Allemagne - dont l'une des caractéristiques est de beaucoup importer pour beaucoup produire et exporter en raison des typologies de ses chaines de la valeur - serait gagnante dans une reconstitution du mark : élasticité faible en raison du caractère haut de gamme de son industrie (0,3 selon NATIXIS), et baisse du coût de ses consommations intermédiaires.

(8) Un taux de change moyen des monnaies reconstituées inférieur au taux de change de l'euro est possible si la réévaluation du mark est relativement modérée. Du point de vue du solde extérieur de l'ex-zone euro, l'abaissement du premier supposerait une hausse très élevée du second.

(9) A ces difficultés il faudrait ajouter que le rôle de l'Etat dans le contexte du vingt et unième siècle n'est plus celui des trente glorieuses. L'innovation par les grands programmes publics laisse aujourd'hui la place à des innovations de conception reposant davantage sur des PME et innovations centrées sur les process, l'organisation et le marketing.

(10) La spirale dépressive fait aussi que la demande est muselée par le comportement des ménages, lesquels se mettent à épargner davantage tout en refusant d'investir. D'où, par exemple en France, un taux d'épargne qui passe de 14,7% du revenu disponible en 2013 à 15,9 au premier trimestre 2014, épargne qui s'accumule selon le baromètre de la Banque de France sur des comptes bancaires. Il est vrai que le risque de déflation développe celui de la "trappe à liquidités".

(11) Avec la possibilité de frapper les monnaies à bon escient . Cf à cet égard un texte étonnant : http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-107637-frapper-monnaie-a-bon-escient-1034473. On pourra aussi se tourner vers nombre d'articles déjà publiés sur ce blog.

Zone

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12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 14:49

Colloque du Samedi 21 novembre 2015
Paris - Maison de l’Amérique Latine - 16h30
« L’Euro, un échec inéluctable ? »
Raisons d’être, conséquences et nécessité de sa disparition
Organisé par la Fondation pour une Europe des nations et des Libertés
en partenariat avec le Club Idées et Nations
Animé par Jean-Christophe MOUNICQ, économiste, et Bruno LEMAIRE, secrétaire général d’Idées Nation
Intervenants :
Alberto BAGNAÏ, Professeur à l’Université de Pescara
Jean-Pierre GÉRARD, Président de l’Institut POMONE
André-Jacques HOLBECQ, Economiste et écrivain
Jean-Jacques ROSA, Professeur à l’Institut des Sciences Politiques de Paris
Jacques SAPIR, Professeur, Directeur d'études à l’EHESS
Jean-Claude WERREBROUCK, Professeur honoraire à l’Université de Lille
Parmi les thèmes abordés, notons :
1. La création de l'euro : Pourquoi une telle erreur économique?
2. La trahison des clercs : pourquoi avoir négligé les avertissements?
3. De la nécessité de mettre fin à la monnaie unique
4. Peut-on rebâtir un système monétaire cohérent et efficace
5. Les différents plans de sortie de l’Euro : comment sortir de l’euro à moindres coûts
6. Sortir de l’euro, c’est nécessaire, mais est-ce suffisant ?
Le colloque sera clôturé par un cocktail dînatoire

Inscription:  http://colloque-euro.eu/

 

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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 06:29
Colloque du  21 novembre 2015: Date à retenir

Je participe à cette table ronde avec mes collègues  Alberto Bagnaï, Jacques Sapir, André-Jacque Holbecq, Jean-jacques Rosa,et Jean-Pierre Gérard.

A l'issue du colloque je serai  heureux de poursuivre nos échanges autour d'un buffet dinatoire.

Au plaisir de vous rencontrer.

Jean Claude Werrebrouck

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6 novembre 2015 5 06 /11 /novembre /2015 14:09

 

Le temps est passé et mes lecteurs ont probablement compris que malgré toutes les précautions nécessaires (cf la seconde partie), il est impensable d’imaginer de gagner des élections sur la base d’une proposition de sortie de l’euro.

Se séparer de l’euro comme nouvel Avatar des Lumières serait un désastre électoral

 Tout ce que nous avons imaginé sur la pédagogie et finalement la lutte contre la « religion officielle » reste trop peu crédible. La raison ne peut l’emporter sur les émotions et le mensonge facile ne peut que triompher sur une  raison aussi bien abstraite qu’abrupte. C’est dire que la panique (prétendument et imaginairement régulée par l’utilisation de l’article 16 de la Constitution) verrait, dans la rigueur de cet outil, le motif majeur du rejet du parti osant proposer de telles solutions.

Si l’article 16 a pu être un authentique vecteur de résistance démocratique en 1961 lors du putsch des généraux d’Alger, comment expliquer qu’il pourrait être utilisé aujourd’hui alors que nulle liberté formelle n’est menacée ?

Comment expliquer que son utilisation à l’inverse de celle de 1961 aboutirait à moins de liberté ? Comment expliquer qu’il faut instaurer un contrôle des changes, alors que l’euro est quasi universellement perçu comme une nouvelle liberté ? C’est qu’il est très difficile de démontrer que la fin de la croissance, la dette, la nouvelle difficulté de faire société, etc. sont conséquences logiques de la monnaie unique….et tellement plus facile de constater concrètement que l’euro simplifie la vie et élargit l’éventail des possibles.

L’euro n’est donc pas une contrainte, une souffrance qui en ferait un bourreau, mais un droit fondamental, un objet rendant plus universel l’idée de « liberté frappée » donnée aux monnaies particulières de jadis.

Il faut donc introduire dans le programme des élections présidentielles une toute autre approche qui, pour autant, devra s’ancrer sur la nécessité d’un dépassement lui-même forgé dans la rigueur et l’honnêteté intellectuelle.

Et de ce point de vue, cette autre approche, devra reprendre nos développements sur l’idée d’une impossible réforme de l’euro, en particulier l’impossibilité d’imposer les nécessaires transferts entre nations excédentaires et nations déficitaires[1].

Le contournement des transferts interdits

C’est dire que toutes les explications -auprès des électeurs - de l’impossible fonctionnement de l’euro-zone  restent essentielles, mais qu’à l’inverse, au lieu d’en conclure qu’il faut mettre fin au dispositif, il faut au contraire trouver une solution permettant l’équivalent d’un transfert….qui toutefois n’en serait pas un réellement…. S’il y avait transfert – l’équivalent de 15 plans Marshall avions nous annoncé[2]- la question de l’euro ne se poserait pas et, à terme, un retour à l’équilibre à l’intérieur de la zone serait pensable. Ce transfert, payé par quasiment la seule Allemagne est bien évidemment impossible, mais est-il possible de lui découvrir un substitut plus acceptable pour cette même Allemagne ?

La réponse est affirmative et consiste à dire qu’il peut être créé - de par la BCE et les banques centrales de l’euro-zone-  de la « monnaie sans dette » pour un montant équivalent à ce qui serait exigé pour le rétablissement de l’équilibre et donc une réelle convergence entre Etats de la zone.

Proposer une création monétaire massive ne reposant sur aucun actif serait bien davantage que du QE, lequel n’est que du rachat de titres orienté autour du sauvetage des banques et des Etats. Parce que simple échange de monnaie contre titres, le QE est amortissable, même si dans les faits, il est probable que certains titres soient de nulle valeur . A l’inverse, une création monétaire non appuyée sur des titres, revient à une quasi-subvention au profit des Etats déficitaires. Son idée est relativement ancienne et fait suite à l’image « du déversement de monnaie par hélicoptère » de Milton Friedman et Ben Bernanke, ce qui est devenu dans la littérature l’ « Helicopter Money ».

Concrètement, la communication du Front National reposerait ainsi sur la refonte du système européen de banques centrales. Une refonte pouvant se borner à la possibilité offerte, aux banques centrales nationales des pays déficitaires, d’ émettre de la monnaie au profit d’investissements ayant vocation à assurer la convergence, et donc assurer que le taux de change de 1 contre 1, qui est celui de la monnaie unique, devienne réaliste. Sur le plan communicationnel il y a  bien un projet positif : l’euro est une construction maladroite mais il est possible de réparer et de maintenir l’ouverture et les libertés qu’il était censé apporter.

Gagner des voix par la mise à mort de l’ordo libéralisme[3].

Une telle proposition va bien sûr à l’encontre de la « religion » et naturellement de l’Allemagne. On peut citer en vrac tous les arguments qui vont la contester :

- Les traités interdisent le financement direct des Etats ;

- Il est impossible d’émettre de la monnaie sans actif correspondant ;

- Il n’est pas concevable d’avoir des banques centrales avec fonds propres négatifs ;

- Il faudrait recapitaliser les banques centrales et en particulier la BCE, or l’Allemagne n’acceptera pas de payer ;

- La dette publique est une matière première fondamentale pour la finance et l’épargne ;

- etc...

Au-delà, d’autres arguments seraient  évoqués :

- « l’Helicopter Money » ne peut que signifier une hausse généralisée des prix ;

- le non amortissement, donc le non remboursement fait disparaitre tous les coûts d’opportunité et garantit l’inefficience généralisée dans le choix des projets ;

- les Etats déficitaires ne reçoivent aucune incitation permettant l’alignement progressif sur les Etats du nord de la zone.

- La concurrence « libre et non faussée » est détruite par une monétisation pouvant toucher sélectivement les entreprises ;

- Le principe général de l’argent-dette est malmené et le système bancaire peut être marginalisé par un capitalisme d’Etat ;

- Etc.

Cette avalanche d’arguments peut évidemment être évoquée, expliquée et surtout tenue en échec par, une fois encore, le retour à la raison : « l’helicopter money » était d’un usage fort banal au XX ième siècle ; il n’existe aucune exigence de passif sur les banques centrales, et donc l’argument de recapitalisation n’a aucun sens ; « l’Helicopter money" doit se transformer impérativement en production, plus particulièrement en investissements générateurs de croissance et donc en alignement progressif sur l’Europe du nord. Etc.

Bien davantage encore, un grand souci de pédagogie permettra, par comparaison, de montrer qu’un « helicopter money » est autrement efficient que les QE d’aujourd’hui, lesquels aboutissent :

- à une distorsion des prix des actifs (les banques centrales n’achètent que des actifs peu risqués et laissent sur le marché les primes de risques) ;

- à un accroissement considérable de la liquidité engendrant bulles et volatilité croissante ;

- à une non descente de cette liquidité vers l’investissement productif.

Gagner des voix en mettant l’Allemagne au pied du mur

Par contre, ce qui dans ces explications - les plus simples et les plus pédagogiques possibles  - ne pourra pas être contesté est l’opposition radicale de l’Allemagne. D’où des propos extrêmement clairs qu’il faudra savoir tenir et qui, cette fois, ne seront pas pénalisants électoralement : si l’Allemagne s’oppose à ce qui permettrait un fonctionnement harmonieux de la zone, alors nous nous dirigerons vers son démantèlement. Il s’agit de mettre l’Allemagne au pied du mur et de montrer que dans cette hypothèse, elle est – et elle seule - responsable d’un éventuel futur désastre aux conséquences planétaires.

Résumons les propositions susceptibles d’entrainer une adhésion :

1) Parce que l’euro réduit considérablement l’éventail des choix et qu’il conteste  la démocratie, Il n’est pas aujourd’hui possible de construire un programme politique sérieux et honnête sans évoquer la question de l’euro.

2) Parce que des trésors de pédagogie n’arriveront pas à contester son visage de nouvel « Avatar des Lumières », il est suicidaire de proposer aux électeurs sa mise à l’index et son démantèlement.

3) Le chemin du succès électoral dans l’honnêteté, consiste donc à élaborer une stratégie respectant les croyances populaires, tout en détruisant l’ordo libéralisme allemand qui préside à sa construction et à son ancrage dans la durée.

4) Les transferts impossibles, parce que bloqués par l’ordo libéralisme, sont activés par un moyen détourné : la fin de l’indépendance des banques centrales désormais chargées de monétiser les déficits des Nations du sud de la zone.

4) L’Accord de monétisation proposé dans le programme prévoit des conditions qualitatives à détailler et à réglementer, mais qui surtout ne concernent que les seuls investissements réels susceptibles de rétablir les équilibres dans le respect de la contrainte écologique, essentiellement l’agriculture et l’industrie.

5) S’agissant de la France, pays qui est le seul à supporter des dépenses militaires au bénéfice de toute l’Europe, l’accord proposé prévoit une monétisation exceptionnelle dans les industries de la défense.

5) Ce même accord prévoit des clauses quantitatives (par exemple combinant poids du PIB et déséquilibres, avec bien sûr monétisation interdite pour le nord) inscrites dans la durée : la monétisation cesse lorsque le taux de change intra-zone de 1 contre 1 devient crédible.

6) Le refus potentiel de l’Allemagne renverse le paysage électoral : ce n’est pas la France qui veut quitter l’Euro mais l’Allemagne qui ne supporte pas le changement institutionnel.

7) Le chemin proposé concernant la question de l’Euro doit être expliqué dans ses détails. Il suppose pour cela de former un grand nombre de personnes susceptibles d’exposer clairement la problématique et de répondre dans un souci de grande honnêteté aux questions des électeurs.

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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 09:41

 

Quand nous parlons d’élections nous parlons de la mère de toutes c’est-à-dire  l’élection présidentielle.

2 sortes de problèmes se posent : le contenu du discours d’une part, et la façon dont il est reçu d’autre part. Ces deux problèmes sont maintenant liés : la façon de parler agit sur la réaction des acteurs, mais inversement le comportement des acteurs va rétroagir sur le discours.

S’agissant d’un projet d’abandon de l’euro et de ses effets sur les électeurs, les comportements ne sont certes pas connus ex-ante, mais par contre  on connait  l’éventail des possibles. Ce dernier passe de l’absence de toute réaction (comportements économiques et sociaux inchangés) à des mouvements de déstabilisation ou de panique (spéculation gigantesque avec toutes ses conséquences en tous domaines)

La connaissance de l’éventail des possibles permet alors la construction de scénarios et de discours associés. A priori, c’est bien évidemment celui qui « contient » (au sens de « containment ») la panique qui doit être valorisé, l’inverse signifiant un échec électoral majeur.

Maintenant la probabilité de l’occurrence de la panique est grande puisque nous  sommes  dans un espace de rationalité très limitée : l’euro est affaire de religion avec des acteurs ou des prêtres intéressés au développement de la panique.

Le discours portant sur la proposition de la fin de l’euro se doit par conséquent être extrêmement construit….y compris en expliquant les risques de panique qui en seraient les conséquences….avec les outils pratiques censés la contenir.

Expliquer sereinement le probable couple panique/spéculation.

Ce point de vue a déjà été abordé dans le blog et les différents articles qui se sont attachés à le développer montrent que de fait la sortie ne peut se faire que sur le mode panique. Pour autant il faut durant la campagne électorale aborder la question de la sortie comme question à proposer aux partenaires européens. Non pas une question sur l’autorisation qui serait donnée à la France de quitter l’euro système : l’autorisation est juridiquement impossible, mais  d’une décision du peuple français. La candidate du Front National doit par conséquent simplement déclarer que si elle est élue, elle entamera les consultations nécessaires afin d’assurer le transfert de souveraineté monétaire selon un mode organisé. Il ne s’agit pas de claquer la porte mais si possible de la refermer en douceur et de passer à d’autres formes de coopération.

Une version plus modérée, celle qui sera sans doute retenue est de déclarer qu’en tant que présidente élue, elle organisera un référendum sur le maintien de la France dans la zone. Cette version plus douce allonge la période dangereuse de transition. Mais une hypothèse  réaliste est de considérer que la spéculation commencera dès les résultats de l’élection présidentielle, c’est-à-dire avant le référendum.

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de déclarer au préalable, c’est –à-dire durant la campagne, que si la spéculation et la panique se développent, une utilisation immédiate de l’article 16 de la Constitution de la 5ième République sera décidée. On peut même imaginer que cet Etat d’urgence soit déclaré, avant même l'installation de la présidente, par le biais d’un accord avec le président sortant dont on peut penser qu’il serait soucieux du respect des engagements du nouveau quinquennat.

Sans spéculation entre le résultat de l’élection présidentielle et le référendum, l’utilisation de l’article 16 est néanmoins importante car elle seule permet , aves l’immédiateté nécessaire,  de trancher définitivement et placer le reste de la zone , en fait l’Allemagne, face au choix de la liquidation de la monnaie unique ou de son maintien sur une base très rétrécie.

Bien expliquer le mécanisme de l’article 16 comme arme de résistance démocratique

Le scénario de la panique étant infiniment probable, il est fondamental que la candidate du Front National décrive  immédiatement les effets à attendre de son probable déclenchement : l’explication de la montée des taux sur la dette souveraine, l’impossible fonctionnement de l’Agence France Trésor, la fuite massive des capitaux et la montée du solde TARGET2, le gel des projets d’investissements, l’insolvabilité brutale du système bancaire français, etc. Chaque évènement de panique anticipée se devra d’être expliqué de façon détaillée….révélant ainsi qu’au moment de son déclenchement les paroles correspondent bien aux faits… et que la violence de l’article 16 est bien justifiée. Bien expliquer les formes de la panique est preuve de compétence.

Et le mécanisme de l’article 16 doit être expliqué de façon précise en particulier les conditions de sa mise en service :« menaces graves et immédiates » qui pèsent sur les institutions de la république, et atteinte au fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il faut aussi  en expliquer son extraordinaire portée : pleins pouvoirs du président qui prend « les mesures exigées par les circonstances ». Mais aussi insister sur les limites : consultation préalable du premier ministre, des présidents des deux assemblées et du Conseil Constitutionnel, possibilités d’interventions ultérieure de la part de ce même conseil ou mobilisations de parlementaires, etc. Il faut aussi expliquer le pourquoi de la mobilisation d’un outil fort rarement utilisé : saisie provisoire de la Banque centrale,  et du système financier, contrôle des changes, etc. Il faut enfin expliquer que cette mobilisation s’achèvera lorsque le gouvernement nouveau et le parlement, le résultat du référendum étant connu,  pourront gérer le fonctionnement normal des institutions. Ce qui peut également signifier le maintien de l’euro si tel devait être le résultat du référendum….

Ce travail fondamental doit se faire parallèlement à celui, tout aussi pédagogique, du pourquoi d’un rétablissement de la souveraineté monétaire.

Expliquer la cause principale du mal vivre ensemble.

En la matière  il est essentiel de partir du point de vue des agents qui victimes de l’euro ne se rendent pas compte de l’identité du bourreau. Il faut donc commencer par les problèmes de l’emploi, de la précarisation, de la réduction du périmètre des services publics, du repli communautaire et de la ghettoïsation,  etc. Questions qu’il convient de rattacher à une croissance qui n’est disparue que dans la seule zone euro. Des comparaisons avec le reste du monde doivent par conséquent mettre en avant cette étrange spécificité. Il faut ainsi bien expliquer que la croissance disparue, celle qui crée des emplois et des recettes pour l’Etat Providence, est corrélée avec la mise en place de l’euro-zone. Passer beaucoup de temps à détailler tous les liens, les relations de cause à effet, les exemples, etc. sera essentiel à la crédibilité de la candidature.

Il conviendra ensuite de démontrer, de façon rigoureuse et indiscutable, que l’auteur principal des problèmes quotidiens, l’euro, est bien un bourreau.

Expliquer que la zone euro est un bourreau

Ainsi il faudra répondre aux injonctions issues du catéchisme courant (« on ne peut plus être cigale et il faut impérativement devenir fourmis », « nous n’avons plus les moyens », « il faut savoir se serrer la ceinture » etc.) par le fait que la zone vit en dessous de ses moyens et qu’elle fournit une part croissante dans l’épargne mondiale. Chiffres à l’appui, il est essentiel de révéler le plus concrètement possible que les citoyens de la zone sont globalement des fourmis, et que les « sacrifices » imposés par la religion de l’euro sont injustifiés. Ils sont donc bien le fait d’un bourreau.

Expliquer que le bourreau ne peut se métamorphoser en personnage sympathique: l'euro n'est pas réformable.

Plus difficile, mais ô combien essentiel, sera de montrer que le bourreau ne peut pas se transformer en personnage sympathique. Il faudra donc des trésors de pédagogie pour montrer que la croissance ne pourrait  revenir que s’il existait un système de transferts à l’intérieur de la zone et que ces transferts sont de fait interdits. Il faut ainsi montrer que l’Allemagne n’est pas un bourreau heureux mais un Etat-Nation qui n’entend pas renoncer aux avantages que la monnaie unique lui à conférée jusqu’ici. C’est sans doute la partie la plus difficile d’une campagne électorale qui se doit d’être la plus honnête et la plus pédagogique possible. Et il faudra, concernant ce sujet, savoir s’entourer des spécialistes reconnus internationalement.

Il faudra enfin montrer qu’il n’y a pas de solution et que le seul effet du fonctionnement de l’euro-système produit une aggravation continue de la crise, avec des effets délétères en termes d’inégalités à l’intérieur des pays et entre pays, en termes de communautarisation et de ghettoïsation. Il faudra ainsi être patient et prendre le temps d’expliquer que tous les mécanismes mis en place depuis le déclenchement de la crise ne sont que des moyens de gagner du temps, et temps qui dans un même mouvement accumule des mégatonnes supplémentaires au profit de l’explosion à venir. Il faut donc bien explique que sortir de l’euro maintenant est préférable à son explosion demain. Parmi les mécanismes mis en place depuis 2009, il faudra insister sur l’émission de liquidités émises par la BCE, bien expliquer qu’il s’agit d’un processus de création ex-nihilo dont les seules fins sont bien le soutien d’un système financier qui lui-même n’est pas en mesure de soutenir l’économie réelle. Bien expliquer cela et de façon très détaillée est important pour mieux comprendre par la suite l’impérieuse nécessité d’en finir avec l’indépendance des banques centrales.

Il est maintenant évident que la campagne électorale ne doit pas transformer l’euro en bouc émissaire et qu’il faudra expliquer que le retour à une meilleure qualité du vivre ensemble suppose des changements importants dont certains pourront être douloureux. La campagne devra donc aussi se décliner en mode projet avec la construction d’un chemin nouveau à emprunter : le vivre ensemble suppose la construction d’un avenir défini comme désir partagé.

(A suivre)

 

 

 

 

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