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23 avril 2019 2 23 /04 /avril /2019 09:33

La vie suppose plusieurs impératifs dont l’automaticité porte à l’admiration : la capacité à s’auto- conserver, la capacité à s’auto reproduire, enfin la capacité à s’autoréguler. Les impératifs précités, lorsqu’ils concernent les hommes, peuvent se traduire par des gestes et activités socialement accomplis, un peu comme si les diverses sociétés humaines étaient un ensemble de cellules vivantes dans un corps plus large. Ainsi la capacité à s’auto-conserver passe par des activités basiques : il faut boire et manger pour ne point mourir ; et ces activités le plus souvent socialement accomplies s’appellent « économie »…voire guerre ou prédation... Ainsi parce que la vie ne fait que précéder une mort inéluctable, il faut la reproduire (contrainte d’auto--reproduction) par l’activité sexuelle laquelle supposait jusqu’à maintenant une organisation appelée famille. Ainsi l’ensemble humain formant société se doit aussi, telle une organisation biologique composée de cellules différenciées et complémentaires, s’autoréguler. Il faudra pour cela engendrer un ordre que l’on pourra appeler juridique.  

L’invariant de la condition humaine

Sans même le dire, ces trois impératifs du vivant supposent la génèse de ce qu’on appelle des institutions lesquelles ne sont  rien d’autres que des ordres répondant aux trois défis. Eux-mêmes se traduisent par des mots d’une grande banalité : économie, famille, droit.

Les contraintes de la vie ne se traduisent pas par une mécanique standardisée. Il se trouve que chez les humains -soumis comme tous les animaux aux trois impératifs - existe une possibilité extraordinaire, celle de lire leur condition biologique, de l’imaginer ou de l’interpréter plus ou moins rationnellement ou plus ou moins obscurément, et même de prendre quelques libertés par rapport à la dure réalité. Le point d’aboutissement étant aujourd’hui le transhumanisme. Ce dernier, cherchant à affranchir ses usagers des lois d’airain de la vie, jusqu’ici plutôt conçues pour entretenir, réparer, compenser, pourra demain affronter la problématique de l’homme « augmenté », et peut- être celle de l’homme « dépassé » …lui-même constitué d’éléments biologiques agrégés à des éléments qui ne le sont pas…

Historiquement, il semble que ladite humanité s’est, de façon très diverse, plus ou moins affranchie de la dure réalité biologique en adoptant des comportements et attitudes différenciées au regard des contraintes. Alors même que la société des abeilles connait strictement les mêmes contraintes que la société des hommes, il n’y a jamais eu émergence de cultures différenciées chez les premières. Il n’existe pas, sauf transformation environnementale aux conséquences génétiques, d’histoire chez les abeilles. Chez les humains existeront au contraire des variétés culturelles très nombreuses, correspondant aux lectures et interprétations infiniment variées du réel biologique. Les mots économie, famille et droit trainent, depuis la nuit des temps, dans l’histoire humaine mais ces trois mots se transforment dans leur contenu, se moulent et s’articulent pour donner une société historique concrète et, quand une société réussit plus qu’une autre, elle peut devenir civilisation.

La famille, sans doute très élargie, fut probablement l’institution fondamentale permettant de rassembler la réalité des trois mots susvisés. Autrement dit, pendant très longtemps la famille fut le principe d’intégration de l’économie et du droit. Elle fût la cellule productrice de base, la cellule organisant la vie sexuelle, la cellule régulatrice assurant la reproduction de l’ensemble par des règles générales qui vont devenir des coutumes régulant les rapports entre familles. En ce sens, elle est aussi la première institution politique, une institution qui dépasse déjà son strict périmètre puisque la reproduction de la vie suppose l’exogamie et donc des règles dépassant chaque cellule familiale. De quoi former sur un espace, qui un jour comportera des frontières politiques, une société avec une culture spécifique.

Tant que les cultures voire les civilisations restent largement prisonnières de ces contraintes biologiques et n’ont pas découvert les moyens d’en alléger le poids, les institutions restent peu nombreuses et l’Etat lui-même issu d’une interprétation religieuse de la réalité biologique est une affaire de famille. Les libertariens, tout comme Marx risqueront même l’idée que l’Etat en tant que porteur des règles fixant le jeu entre les individus est de fait une machinerie de contraintes publiques utilisées à des fins privées.

La phase ascendante de l’Occident

Tout ceci constitue ce qu’on peut appeler l’invariant de la condition humaine. Parmi les sociétés historiques concrètes qui semblent avoir réussi et devenir civilisation, il faut compter un ensemble appelé Occident. Ensemble hétérogène certes, mais ensemble qui fit naitre au terme d’un processus pluri-millénaire, l’impérialisme mercantile, l’Etat-Nation, le concept de souveraineté, la mondialisation…

La trajectoire de ce qu’on appelle Occident est, en un point situé plutôt à l’Est de la méditerranée, une lecture particulière des contraintes de l’invariant biologique, lecture passant par une représentation spécifique de la nature humaine. Dans cette conception, l’homme est moins membre d’un groupe qui le dépasse qu’un individu qui doit s’associer à d’autres individus. C’est le sens qu’il faut donner à l’homme perçu comme « animal politique » dans la Grèce antique. Les contraintes de ce qui permet la vie (efforts au titre de la conservation, de la reproduction et de la régulation) ne sont pas à la portée de chaque individu, lequel doit s’associer à d’autres dans le cadre d’une loi générale elle-même porteuse de règles particulières. Il y a déjà dans ce qui deviendra l’Occident un individu que l’on dira libre, mais cette liberté est celle de l’agir en communauté : la cité est mue par l’ensemble des citoyens à priori auto-déterminés, mais des citoyens qui ne disposent pas réellement de vie privée : la liberté y est davantage publique que privée. La très grande proximité avec les dangers de la vie et leur interprétation ne peut déboucher sur l’idée d’un homme entièrement délié des contraintes de la cité[J1] . Benjamin Constant avait déjà pu en 1819, dans un discours resté célèbre, évoquer la distance entre la liberté des anciens et celle des modernes.

 Le grand manteau de la chrétienté qui devait historiquement recouvrir le monde antique va confirmer cet enracinement dans l’idée d’individus simplement soumis à l’impératif d’association avec d’autres. L’église ne nie pas ouvertement la notion « d’animal politique », elle ne fait qu’ajouter une précision : l’individu est une « créature d’un Dieu », créature esclave du péché et donc créature invitée à réfléchir sur son comportement, en tant qu’individu d’abord directement relié aux forces de l’au-delà avant d’être un être socialement inséré.

Parallèlement et ultérieurement, l’Etat se cristallise et s’enkyste dans la religion tout en accroissant son périmètre d’activités. La liberté des anciens qui faisait de l’homme un animal politique disparait et ce dernier, tout en restant créature de Dieu, devient sujet soumis à des entrepreneurs politiques qui vont massivement utiliser l’appareil de contraintes publiques qu’est l’Etat à des fins privées. A cette fin, ils feront grossir l’appareil d’Etat.  La concurrence inter-étatique, l’apparition de zones de prédation délimitées par des frontières toujours remaniées, la naissance d’un ordre westphalien doublé d’un mercantilisme devenu sans frontière ( expansion coloniale de l’Occident) vont nourrir un projet civilisationnel majeur lequel sera susceptible d’embrasser l’ensemble de la planète.

Mais tout aussi parallèlement les entrepreneurs politiques vont être amenés à négocier des transformations majeures avec leurs sujets lesquels vont progressivement devenir des citoyens réputés libres à l’intérieur d’espaces devenus démocratiques. L’Occident mercantile et prédateur se fait aussi libéral et va accoucher d’une nouvelle représentation de l’homme… qu’il va croire universelle : l’homme est un être qui est porteur de droits. D’abord animal politique, puis créature de dieu, puis sujet de puissants maitrisant les appareils d’Etat, il devient porteur de droits appelés droits de l’homme.

Pertes de repères et déclin de l’Occident

L’histoire ne peut évidemment s’arrêter et il faudra déterminer le contenu de ces droits et son évolution. La définition la plus simple souvent ramenée au trio vie, propriété, liberté, cache mal la hiérarchie entre ces termes : la propriété et la vie ne sont que les boucliers de la liberté, laquelle est la fin ultime. Comme si les contraintes majeures de la condition humaine avaient totalement disparu.

Il convient d’étudier avec précision cet effacement des contraintes. La première est bien sûr la nécessité d’organiser la famille aux fins de la reproduction de la vie. Aujourd’hui il n’y a plus de  « pénurie de vie » qu’il faudrait  combattre par une organisation politique de la famille. Personne ne se pose la question de la survie de la communauté dans lequel il se trouve inséré, et même les Nations connaissant un déficit démographique voient leurs libres citoyens en quête de meilleure fortune, déserter le pays. De façon moins tranchée, la question de la conservation par l’accès à la nourriture est assez largement résolue et l’idée de revenu universel fait son chemin…y compris dans les pays réputés pauvres…. De façon encore moins tranchée la régulation globale de la communauté, c’est-à-dire la loi est également contestée : puisque la vie est aujourd’hui plus ou moins garantie pourquoi se soumettre à des règles contraignantes qui seraient la loi de la communauté ?  Il y a plus à vivre qu’à agir comme le faisaient les anciens en choisissant plus ou moins librement le devenir de la cité. Il n’y a plus vraiment à se fixer des objectifs collectifs impérieux, et il y a sans doute davantage à organiser les menues règles qui permettront à chacun de jouir librement de son individualité. Il s’ensuit que la loi qui permettait à la cité antique d’agir n’a plus à nous commander et nous fixer un cap, mais à nous procurer de nouvelles autorisations dans les domaines qu’il nous plaira. Et parce que la démocratie rapproche davantage chacun des citoyens de cet Etat « machine à contraintes publiques », l’utilisation privative de ladite machine peut se développer sans limite. Oui, d’une certaine façon les libertariens ont raison : la démocratie est la possibilité pour chacun de voler tous les autres. Plus modérément, il faudra pourtant reconnaitre que si la liberté devient le concept central de droits de l’homme dont le contour n’est pas défini, les règles produites par la machine publique seront de plus en plus individualisées, adaptées à chaque individu. Ainsi l’Etat-providence à la Française ne peut qu’être de plus en plus contesté : Il ne peut plus y avoir de règles globales selon le principe de l’Universalité, et le dit Etat-providence doit au contraire s’adapter à chaque situation. il ne peut plus non plus s’arrêter aux frontières de la famille en voie de dislocation et doit répondre aux nouvelles exigences des nouveaux modes de vie, d’où par exemple les débats concernant les familles monoparentales.

Bizarrement, les entrepreneurs politiques soucieux de conquérir un pouvoir désormais contesté, ou de le conserver au terme d’une élection, ne peuvent plus que scier chaque jour un peu plus la branche sur laquelle ils sont assis. Parce que l’homme est en Occident un être qui a des droits, les marchés politiques vont être le lieu où l’on va offrir en permanence de nouveaux droits : les thèmes d’émancipation, de libération, d’autonomisation, etc. sont les produits « vache à lait » des marchés politiques. Il en résultera plusieurs constatations : un empilement colossal de règles de plus en plus étrangères à la rigueur traditionnelle du droit, un étouffement de l’Etat lui-même qui se délitera dans une multitude d’agences appelées « Autorités Administratives Indépendantes », une rétraction de l’agir collectif au profit d’intérêts privés, un rejet quasi complet des organisations et entrepreneurs politiques. L’Occident dans sa phase ascendante connaissait des Etats porteurs de règles produisant de l’homogénéisation. Parvenu dans une maturité incapable de donner du contenu aux droits de l’homme, les Etats éclopés ne produisent plus que de l’hétérogénéité. La petite cité de l’occident naissant s’auto-déterminait. Le gros Etat de l’Occident d’aujourd’hui ne sait plus où il va et se trouve dépourvu de tout désir réel d’agir.

En passant de l’identité initiale (l’homme est un animal politique) à une identité floue et par essence instable, tel un gaz qui a tendance à occuper tout l’espace disponible (l’homme est un être titulaire de droits), l’Occident a autorisé la puissance de l’agir privé et miné celle de l’agir public.

La libération de l’agir privé s’est bien sûr d’abord portée sur l’économique. Parce que dans l’Occident naissant l’agir collectif l’emportait sur le privé, la place réservée aux intérêts économiques privés était faible, et une partie du produit économique échouant à ses entrepreneurs était absorbée par l’intérêt public. C’est bien sûr le cas de l’évergétisme qui est un véritable transfert de la puissance de l’agir privé vers l’agir public, avec cette autre lecture possible : un contre-don contre un autre don qui serait l’accès à la légitimité de l’inégalité sociale engendrée par les activités économiques.

Avec l’Occident triomphant c’est l’agir privé qui est libéré et les réglementations qui limitent l’économie doivent disparaitre au nom de la liberté, ce qu’on appelle le laisser faire, laisser passer. Il peut exister de l’évergétisme, mais il est complètement marginalisé et n’émerge que lors d’occurrences spécifiques (incendie de Notre-Dame). Telle l’ouverture d’une retenue d’eau, la liberté économique va entrainer un gonflement puissant d’un flux de marchandises en continuel renouvellement qualitatif. Et l’aisance matérielle qui pourra s’en suivre permettra - en prenant le chemin de l’impôt plutôt que celui de l’évergétisme - d’ouvrir d’autres retenues, et notamment celle du financement de toutes les nouvelles libertés individuelles exigées. Liberté économique et liberté en tant que matérialisation d’un désir se rejoignent et les perdants du jeu économique pourront être compensés, outre des indemnités telles celles concernant le chômage,   par des réformes sociétales allant dans le sens de leurs désirs : reconnaissance de droits spécifiques pour des minorités, mariage pour tous, accès illimité et sans contraintes à toutes les institutions, etc.

Et parce que la liberté économique engendre une concurrence qui ne laisse vivant que les seuls innovateurs, la logique du marché doit occuper l’ensemble de l’espace marchand. Nous avons  là l’idée d’une  mondialisation elle-même impulsée par des rendements d’échelle, et un effondrement des coûts de transports lui-même aidé par un effondrement semblable des coûts  de communication.

Ce double mouvement de l’agir au sein de l’Occident doit évidement être tempéré, voire contesté selon les lieux. C’est manifestement dans l’Union Européenne que l’effondrement de l’agir collectif est le plus manifeste et c’est cet effondrement qui nourrit ce qu’on appelle la crise européenne. Parce qu’entièrement conçue sur la libération de l’agir privé, elle se trouve incapables de répondre aux grands défis de l’avenir : la question écologique bien sûr, mais aussi la sécurité au sein d’un environnement où les droits de l’homme ne s’étant pas exprimés (Asie, Russie, etc.), un agir collectif ennemi est possible. De fait l’UE est l’avant-garde sacrifiée d’un Occident malade de son identité culturelle. On notera que son agir collectif est lui - même miné par des règles collectives qui ne font que renforcer la puissance de l’agir privé. Tel est bien sûr le cas d’une fiscalité hétérogène facilitant grandement les intérêts privés. Ce même agir collectif est aussi détourné par des combats douteux concernant les démocraties « illibérales » ne respectant pas ce concentré des droits de l’homme que sont les « critères de Copenhague ».

Un autre gros morceau de l’Occident menacé est sans doute les Etats-Unis. Le pays y est plus qu’en Europe confronté à l’inflation des droits de l’homme avec des débats sans fin sur les minorités, la race, le sexe, les termes du politiquement correct, etc. Toutefois la puissance de l’agir privé est partiellement un outil de l’agir collectif, d’où les dépenses disproportionnées au titre de la sécurité nationale. Les Etats-Unis savent que la mondialisation n’est qu’une internationalisation et que des  empires d’un type nouveau (Chine, Inde, etc.) équilibrent beaucoup mieux que l’Occident l’agir privé et l’agir public. Affaire à suivre.

 

 

 

 


 [J1]

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1 avril 2019 1 01 /04 /avril /2019 09:27

La vidéo proposée ci-dessous nous semble une bonne piste d’entrée pour aborder la question de l’engourdissement de l’Occident dans ce premier tiers du 21ième siècle.

Nous invitons le lecteur à visionner une ou deux fois la bande et à revenir au présent texte pour aborder les corrections qui nous semblent nécessaires et les questions complémentaires qui s’y rattachent.

L’idée de comparer les taux de marché à ce que Wicksell appelait le taux naturel de l’intérêt est intéressante. Il est exact de considérer que ce dernier taux correspond approximativement à la rentabilité au sein de l’économie réelle. Ce taux souvent repris dans certaines publications de la Banque de France était fixé par son auteur dans l’hypothèse d’un équilibre du marché des biens et des services et donc de celui de l’égalité de l’épargne et de l’Investissement. Compte tenu de l’élasticité considérable du système financier aujourd’hui, il est maintenant habituellement défini comme étant le taux impliquant ni hausse ni baisse d’inflation. Plus simplement et plus habituellement, il est souvent admis que  le taux naturel est le taux de rendement marginal du capital

On comprend aisément que la décision d’investir relève de la simple comparaison entre taux constaté sur le marché bancaire et rendement du capital dans l’économie réelle. Si dans un espace concret, le taux de l’intérêt est inférieur au rendement du capital, on comprend qu’il est intéressant d’investir avec pour effet une économie en croissance…sous réserve, bien sûr, de disponibilités de facteurs de la production. Si maintenant le rendement est égal au taux de l’intérêt, il y a compte tenu du risque de l’investissement, disparition de l’incitation à investir et donc tendance à la stagnation. D’où - à priori- l’intérêt de débattre dans la vidéo de « l’inversion de la courbe des taux », avec la régularité historiquement constatée, qu’à chaque inversion une récession économique se manifeste. Et effectivement le rendement des obligations américaines est récemment devenu égal ou inférieur aux taux à 3 mois tandis, que l’Allemagne émet des titres à 10 ans pour un taux négatif, et qu’enfin le stock mondial de titres souverains à taux négatifs approche les 10000 milliards de dollars…soit près de la moitié du PIB américain.

Mais nous ne pouvons être d’accord avec le raisonnement car manifestement il y a confusion : le taux long évoqué (marché financier) n’a rien à voir avec le rendement du capital (économie réelle) et le renversement de la courbe des taux n’intéresse que le monde financier. Or l’auteur de la vidéo se livre à cette confusion. Logiquement à l’échelle de l’Occident, une entité ramenée pour l’essentiel à l’OCDE, l’écart entre taux bancaire et rendement du capital étant élevé, l’investissement devrait être considérable et la croissance élevée, ce qui n’est pas le cas. Particulièrement en ce qui concerne la zone euro.

Cette anomalie pourrait à priori être expliquée par la faible profitabilité du système bancaire lequel, créateur de monnaie gratuite, est aussi victime de taux de marché réduit avec comme résultat une maladie de l’industrie de l’épargne. Cette faible profitabilité est par ailleurs renforcée par la réglementation de Bâle 3, qui oblige le système bancaire à détenir davantage de réserves de liquidité et des obligations sans risques (dettes publiques à faible rendement). Cette même régulation impose une forte hausse des fonds propres (7,5% du bilan en 2005 contre 9,5% en 2018). Toutefois une  explication par la faible profitabilité n’est guère convaincante et l’indicateur de faible profitabilité, qu’est la fort basse capitalisation boursière du système bancaire, a surtout pour origine le maintien d’actifs pourris, notamment en Italie, en Espagne et bien sûr en Allemagne avec le cas de Deutsche Bank. On sait aussi que ce très faible cours boursier empêche les banques européennes de se recapitaliser : le cout du capital est trop élevé. Mais cette faiblesse n’est nullement convaincante car le fantastique développement du shadow banking fut un moyen d’échapper à l’espace règlementé tout en bénéficiant de la création monétaire des banques auxquelles le dit shadow banking  reste adossé. En clair la banque dit « de l’ombre » est venue corriger les difficultés du système bancaire et la faiblesse des taux est très largement compensée, voire utilisée pour des activités spéculatives fort éloignées de l’investissement. Au total L’anomalie de la faiblesse de l’investissement dans l’économie réelle, en particulier dans la zone euro, n’est donc pas levée par de possibles difficultés financières.

Pour tenter de comprendre l’anomalie il faut considérer que l’espace entre taux bancaire et taux de rendement marginal du capital est occupé soit plutôt par de l’investissement réel, soit plutôt par de la spéculation, soit enfin par un mix équilibré des deux. Aujourd’hui l’investissement réel est faible et se trouve remplacé par la spéculation, ce qu’on appelle « l’hypertrophie financière », une hypertrophie qui se repère dans le poids croissant de la finance dans le PIB (quasi doublement aux USA entre 1980 et 2006). Pour autant finance et économie réelle ne s’opposent pas nécessairement, et il est clair que la mondialisation et la fin des taux de change fixes, exigent une sécurisation accrue de l’économie réelle par l’irruption de la finance. Quand une entreprise industrielle quitte un marché national pour se déployer vers un espace mondial, la question des monnaies devient un souci majeur. Plus les chaines de la valeur sont longues et plus les risques, notamment de change doivent être couverts par des produit financiers de plus en plus sophistiqués, lesquels donnent lieu à des marchés dont on recherche la liquidité par la taille et la présence de très nombreux acteurs financiers. En retour, la sécurisation de plus en plus recherchée est couteuse et les produits financiers viennent capter la valeur ajoutée d’une économie réelle adossée aux risques de la mondialisation. Il doit par conséquent exister une combinaison optimale  « d’économie réelle » et de finance, une combinaison qui devrait en théorie être celle qui maximise la croissance économique. Au-delà du problème des banques, disposer d’un taux d’intérêt très faible n’est donc pas à priori une difficulté pour la finance, laquelle voit dans ce taux une matière première bon marché pour son travail de sécurisation de l’économie réelle mondialisée…une sécurisation assurée au moindre cout…pour ladite économie réelle.

Si donc l’investissement  est si faible dans cette économie, c’est aussi probablement parce que le rendement marginal du capital devient inférieur à celui des investissements financiers. D’où les dérives du private equity, l’endettement massif pour des rachats d’actions eux-mêmes massifs (1000 milliards de dollars pour les entreprises américaines en 2018), la transformation du métier de banquier devenu trader très éloigné de l’évaluation du rendement d’un investissement de PME industrielle, etc. Cette hypothèse de baisse du rendement marginal du capital nous renvoie d’ailleurs à celle de l’inefficacité des politiques monétaires complaisantes avancée par nombre d’économistes : la croissance ne provient pas de facilités monétaires, et s’inscrit d’abord dans un potentiel fait de ressources disponibles dont- entre autres- celles de la qualification des travailleurs. Exprimé autrement, le trop plein d’épargne réelle ou fictive ne règle pas la question du trop peu d’investissements.

De fait la mondialisation initiée par l’Occident va entrainer des difficultés de croissance dans tous les pays correspondants et ce au bénéfice des émergents. La concurrence des bas salaires de ces derniers impulse une forte modération salariale dans les pays occidentaux, modération aggravée par la conjonction d’autres facteurs : désyndicalisation, hausse de l’intensité capitalistique, et apparition massive d’entreprises à fortes rentes d’innovation et de monopole bénéficiant du principe du « winer takes all » (nouvelles technologies). Au total le salaire réel ne suit plus la productivité par tête. Sur une base 100 en 1995 pour l’OCDE, la productivité par tête passe à 138 en 2018 tandis que les salaires réels ne passent qu’à 118. Prix à l’importation contenus par effet de mondialisation, et faiblesse de la masse salariale (cette dernière baisse de 2,5% de PIB dans l’OCDE entre 2000 et 2018) entrainent une inflation très faible. En retour cela justifie une politique monétaire expansionniste, donc de taux faibles de la part des banques centrales, taux qui génèrent des opportunités d’endettement plus risqués. Ainsi l’endettement des ménages de l’OCDE passe de 60% du PIB en 1990 à 70% en 2018 en étant passé à 8O% en 2008, alors même que la masse salariale baisse de 2,5 points dans le même temps. La limitation de la demande globale qui va lui correspondre ne justifie pas de forts investissements dans l’économie réelle, d’où un taux d’autofinancement anormalement élevé : le ratio de cash flow à l’investissement devient supérieur à 100% alors qu’il n’était que de 75% en 2000.

Les liquidités disponibles deviennent considérables et fort mal utilisées : la dette se substitue aux salaires, ne se transforme pas facilement en investissements et donc se déploie dans ce qui est  partiellement improductif : la finance et la spéculation. La tendance au rapprochement du taux naturel de wicksell et du taux bancaire est inscrite dans le jeu des acteurs. Les dettes publiques et privées augmentent et correspondent de moins en moins à des investissements publics et privés réels.

Et quand l’Occident s’enlise dans une mer de liquidités pour : sauver ses banques, accélérer les mouvements de fusion/acquisition sans investissements et donc sans croissance autre que la revalorisation des actifs, permettre sans limite des rachats d’actions, etc. ; la Chine, elle, équipée d’un Etat fort transforme son épargne en investissements réels, lesquels viendront demain bousculer les vestiges de ce qui fut la gloire dudit Occident

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29 mars 2019 5 29 /03 /mars /2019 08:21

Nous invitons à réfléchir sur l'interview de Gael Giraud, chef économiste à l'Agence française de développement. Nous avons là en 90 minutes l'essentiel de ce qu'il faut comprendre pour l'avenir de l'humanité.

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26 mars 2019 2 26 /03 /mars /2019 09:40
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16 mars 2019 6 16 /03 /mars /2019 07:28

 

Nous publions ci -dessous la dernière lettre de Leosthene publiée par Hélène Nouaille. IL S'agit d'un texte d'analyse géopolitique du plus haut intérêt. La dernière lettre concerne l'Allemagne et bien évidemment l'Union européenne. Bonne lecture à toutes et à tous.

 

Disons-le tout net : il y a de quoi rester pantois.

 

Mais lorsque celle qui a succédé en décembre à Angela Merkel à la tête de son parti, la CDU, prend la parole pour définir « le cap, et la capacité (de l’Union européenne) d'agir sur des questions essentielles de notre époque », sa vision a le mérite de la clarté. « Faisons l’Europe comme il faut ». En bref, l’Europe doit être allemande. Annegret Kramp-Karrenbauer s’est exprimée dans Welt am Sonntag le 10 mars (1) en réponse à la tribune en 24 langues par laquelle Emmanuel Macron exposait ses idées pour « une renaissance européenne » (2). Le lendemain, Angela Merkel, qui n’avait pas répondu au président français, se rangeait aux côtés de sa dauphine : « Je pense qu’il s’agit d’un très bon concept pour l’avenir » (3). Ajoutant, selon Reuters : « Je pense qu’il est très bien que la leader de la CDU ait clairement énoncé les positions de la CDU avant les élections européennes », et le projet « où elle pense que nous nous dirigeons ».

 

Pas d’ambiguïtés, donc. Si « Mme Kramp-Karrenbauer n’est pas membre du gouvernement et ne détient aucun mandat » (Cécile Boutelet dans Le Monde), Angela Merkel parle de la même voix que celle qui peut être la prochaine chancelière. Et oui, « sa lettre en dit long sur les divergences de vue qui opposent le président français et la chef de file du premier parti d’Allemagne, plus libérale et conservatrice que la chancelière » (4).

 

En effet, rien ne va plus. Si le président français se situe, sans le dire clairement, sur une ligne fédéraliste, ce que le député LREM Aurélien Taché affirmait le 2 décembre dernier sur C8 (« Le fait de transférer une grande partie de la souveraineté nationale au niveau européen, c’est le cœur de ce qu’on proposera aux élections européennes, ça c'est très clair » (5)), Annegret Kramp-Karrenbauer remet les pendules à l’heure : « Aucun super-État européen ne saurait répondre à l'objectif d'une Europe capable d'agir. Le fonctionnement des institutions européennes ne peut revendiquer aucune supériorité morale par rapport à la coopération entre les gouvernements nationaux. Refonder l'Europe ne se fera pas sans les États-nations : ce sont eux qui fondent la légitimité démocratique et l'identification des peuples. Ce sont les États membres qui formulent leurs propres intérêts et en font la synthèse à l'échelon européen » (1). Ce qui confirme la position de la Cour de Karlsruhe. Et, dans le même mouvement, la position allemande : lorsqu’Annegret Kramp-Karrenbauer évoque la « nécessité de préserver les fondements de notre prospérité », relève Die Tageszeitung, il faut comprendre de la « prospérité de l’Allemagne ». Dont les citoyens, d’un bout à l’autre de l’échiquier politique d’ailleurs, ne veulent pas, on peut les comprendre. Payer pour les autres est pour eux exclu. Il n’est donc pas question de mutualisation des dettes européennes, d’indemnisation européenne du chômage - pas de « bouclier social » (2) comme le demandait Emmanuel Macron. Non. Chacun doit être responsable de soi : « Nous devons miser sans ambages sur un système reposant sur la subsidiarité, la responsabilité individuelle et les devoirs qui en découlent ».

 

« En créant l'Union économique et monétaire et en stabilisant la zone euro, nous nous sommes engagés sur la bonne voie ». Que la zone euro ne soit pas une zone monétaire optimale et que, du fait de l’euro (7) – c’est le très sérieux Centrum für Europäische Politik qui le dit -, les économies européennes divergent fortement ? L’Allemagne est largement gagnante. Donc, simplement, il faut « aspirer à la convergence ». Et mettre en place « une stratégie de promotion de la convergence, qui associe habilement les démarches nationales et européennes ».

 

Et pour ce qui est des démarches européennes, nous l’avons dit ici (8), l’Allemagne est bien placée. Avec la nomination – controversée - de Martin Selmayr (prononcer Selmayeur) à la tour de contrôle de la Commission, son Secrétariat général, tous les postes les plus importants de la mécanique UE seront occupés par des Allemands : BCE (avec l’ultra orthodoxe de l’austérité Jens Weidmann, poussé par la chandelière pour l’après Draghi), Mécanisme européen de stabilité (Klaus Regling) appelé à devenir Fonds monétaire européen, et Banque européenne d’investissement (Werner Hoyer) – plus Klaus Welle, secrétaire général du Parlement, Helga Schmid, du Service européen d’action Extérieur. Pour la présidence elle-même de la Commission, Manfred Weber, soutenu par la chancelière, est en compétition avec le français Michel Barnier – ce qui se décidera après les élections européennes. Pour ce qui est de la prospérité, le pays se porte bien, si l’avenir se profile moins rose de son propre aveu (croissance révisée à 0,7% en 2019) et que les attaques de Donald Trump – en particulier contre le secteur automobile allemand - donnent des cauchemars à Angela Merkel. Et quand il faut reconnaître une erreur (l’ouverture inconsidérée des frontières par la chancelière en 2015), Annegret Kramp-Karrenbauer reparle de Schengen, sans complexe : « Nous allons donc devoir réorganiser la politique migratoire commune de l'UE selon le principe des vases communicants ». Qui est d’accord, au fait ? Et de Frontex, parce qu’il faut arriver à « un accord sur une protection sans faille des frontières »

 

Frontières qui ne devraient pas être si étanches quand elles concernent le Rhin. Nous nous en étions préoccupés lors de la signature du traité d’Aix-la-Chapelle (9). Que signifiait cet appétit pour les « eurodistricts » et « une grande région transfrontalière entre la France et l’Allemagne » ? Lorsqu’on laisse une spécialiste, Yvonne Bollmann, bilingue comme il se doit, se pencher sur le sujet - hors polémique mais avec toutes les références utiles, la question s’éclaire (10). A lire absolument, pour comprendre.

 

Mais, direz-vous, que manque-t-il donc à l’Allemagne ?

 

Ce qui est l’apanage, de longue main, de la France : sa défense, son siège au Conseil de sécurité de l’ONU, ses technologies avancées en matière de défense (le transfert vers l’Allemagne a plutôt bien marché avec Airbus, et aurait pu se reproduire avec la fusion Alstom-Siemens), par exemple. Et ses accords bilatéraux de défense avec les Britanniques (Accords de Lancaster) auxquels Berlin veut s’associer. Alors, bien sûr, on dit les choses convenablement : « L'UE devrait à l'avenir être représentée par un siège permanent commun au Conseil de sécurité des Nations Unies » - sans dire si la France devrait du fait renoncer au sien. On parle défense selon la règle allemande d’allégeance aux Etats-Unis (« Nous devons demeurer transatlantiques tout en devenant plus européens »). On parle aussi collaboration, franco-allemande pour le futur avion de combat, « européenne » pour un éventuel futur porte-avions – sans qu’on sache autour de quelle politique commune (?) ni à qui en reviendrait le commandement. Tous domaines qui complèteraient la puissance allemande, directement ou via une Union européenne de fait dominée et conduite par Berlin. Nous sommes très loin de la vision européenne défendue par Emmanuel Macron dans sa tribune, même si certains mots (campagne électorale oblige) sont présents : climat, Afrique, immigration, frontières, discussions en commun. Il y a aussi à rebours des leçon à entendre : « Aux États membres d'Europe centrale et orientale, nous devons témoigner notre respect pour leur démarche et leur contribution spécifique à notre histoire et notre culture européenne communes » - sans transiger sur nos « valeurs et principes essentiels » s’entend. Mais avec respect, qu’on se le dise.

 

Oui, la vision d’Annegret Kramp-Karrenbauer est bien celle d’une Europe allemande. Qu’après tout elle a le droit de proposer et de défendre. Et surtout la possibilité, du fait de l’absence politique française depuis des lustres. Regardons honnêtement, de François Mitterrand qui a cru avec l’euro piéger les Allemands avec le résultat que l’on voit pour la France et l’UE, à Jacques Chirac dont on se demande toujours pourquoi il a cédé sur la parité franco-allemande au Parlement européen (Traité de Nice) – ce qui a fortement mécontenté nos partenaires -, de Nicolas Sarkozy à François Hollande qui ont totalement échoué à obtenir ce qu’ils avaient promis à leur électeurs, un infléchissement de la politique d’Angela Merkel, une défense loyale de nos intérêts, un équilibre des puissances en Europe, nécessaire à tous. Qui d’autre que la France pouvait tracer des lignes rouges, rééquilibrer l’attelage ? Equilibre sans lequel c’est tout l’édifice qui est à risque aujourd’hui. D’illusions en renoncements, sans vision et sans direction ferme, toute en évitements, la France n’a pas su monnayer ses faiblesses et ses forces. Imposer d’être respectée – aurait-elle égarée son intelligence historique ? Perdu de vue ses intérêts stratégiques, son avenir même ? Dans l’Union européenne telle qu’elle est donc devenue, les citoyens britanniques ont préféré jeter l’éponge. Partout, d’autres, qui préfèreraient être ensemble pourtant, et qui en savent l’utilité dans le monde tel qu’il est, grondent pour se sentir en malaise dans un navire qui leur paraît errer en perdition sans boussole et sans carte. Un navire parti pour dessaler, allemand ou pas.

 

En France, à ce que nous entendons, on aboie entre politiciens autour de l’élection de parlementaires qui n’ont, par construction, pas de pouvoirs. C’est de l’inconséquence. Pourtant, personne ne demande à la France de tirer des plans sur la comète, mais de jouer son rôle. Brisons le silence : c’est notre absence qui est mortelle.

 

Oui, on en reste pantois.

 

Hélène Nouaille

 

 

Notes :

 

 

(1) Le Figaro, le 10 mars 2019, Annegret Kramp-Karrenbauer : « Faisons l’Europe comme il faut »

http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2019/03/10/31002-20190310ARTFIG00083-annegret-kramp-karrenbauer-faisons-l-europe-comme-il-faut.php

 

(2) Elysée, le 4 mars 2019, Emmanuel Macron, Pour une renaissance européenne

https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/03/04/pour-une-renaissance-europeenne

 

(3) RTBF, le 11 mars 2019, Merkel prend ses distances avec Merkel sur l’Europe

https://www.rtbf.be/info/monde/detail_merkel-prend-ses-distances-avec-macron-sur-l-europe?id=10167453

Reuters, le 11 mars 2019, Merkel backs CDU leader’s positions on Europe

https://uk.reuters.com/article/uk-eu-reform-germany-merkel/merkel-backs-cdu-leaders-position-on-europe-idUKKBN1QS1PQ

 

(4) Le Monde, le 11 mars 2019, Cécile Boutelet, La réplique sans concession des conservateurs allemands aux propositions de Macron sur l’Europe (sur abonnement)

https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/11/la-replique-sans-concession-des-conservateurs-allemands-a-emmanuel-macron_5434359_3210.html

 

(5) Marianne, le 3 décembre 2018, Louis Nadau, Le programme de LREM ? « Transférer la souveraineté de la France à l’Europe » prévient le député Aurélien Taché (avec vidéo, accès libre)

https://www.marianne.net/politique/c8-les-terriens-du-dimanche-aurelien-tache-souverainete-europe?_ope=eyJndWlkIjoiYzRmNmQ0MzMxOWEyN2FjYTQyZjFhMTM3ODk4NTUxYjQifQ%3D%3D

 

(6) TAZ, le 11 mars 2019, Ingo Artz über antwort auf Macron : Flugzeugträger statt Mindestlohn

http://www.taz.de/!5576360/

 

(7) Centrum für Europäische Politik, février 2019, Alessandro Gasparotti et Matthias Kullas, 20 Years of the Euro : Winners ans Losers

https://www.cep.eu/fileadmin/user_upload/cep.eu/Studien/20_Jahre_Euro_-_Gewinner_und_Verlierer/cepStudy_20_years_Euro_-_Winners_and_Losers.pdf

 

(8) Voir Léosthène n° 1273/2018, du 7 mars 2018, Europe : du rififi à Bruxelles

Faut-il s’émouvoir, avec l’ensemble des médias, du Financial Times à Ouest-France, du Milano Finanza au Spiegel, des Echos au Monde, de l’Opinion au Temps helvétique – pour ne pas parler de la presse britannique, hors d’elle - de la promotion express d’un homme de 47 ans, Martin Selmayr (prononcer Selmayeur), de nationalité allemande, au poste de Secrétaire général de la Commission ? Pourquoi a-t-il droit aux surnoms de Raspoutine (le FT), de Machiavel ou de Monstre de Berlaymont (siège de la Commission à Bruxelles) voire bien pire sur les blogs ? Et qui est-il ? Il apparaît que le nouveau patron, depuis le 1er mars, de ce puissant Secrétariat – toutes les décisions prises par la Commission y transitent – entend accaparer le pouvoir, à l’intérieur et au-delà. Grand connaisseur, Jean Quatremer (Libération) nous explique comment. Parce qu’entre les écarts de l’ancien président Manuel Barroso et les dysfonctionnements de la Commission, il y a bien du rififi dans la bulle bruxelloise – où l’on s’efforce tout de même de garder ses turpitudes entre soi.

 

(9) Voir Léosthène n° 1351/2019 du 30 janvier 2019, Traité d’Aix-la-Chapelle : une ambition supranationale ?

 

(10) Le Canard Républicain, le 12 mars 2019, Yvonne Bollmann, Traité d’Aix-la-Chapelle : de quel droit ?

https://www.lecanardrépublicain.net/spip.php?article866

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9 mars 2019 6 09 /03 /mars /2019 12:43

Nous publions ici une vidéo de jacques Sapir consacrée une fois de plus aux méfaits de l'euro. Curieusement le Centre de Politique Européenne de Fribourg-en- Brisgau, think tank traditionnellement  européiste a récemment publié une étude consacrée aux effets de l'euro sur les croissances de différents pays de la zone. Cette étude est largement commentée par Jacques Sapir qui y voit confirmation des travaux du FMI concernant les taux de change dévalués pour l'Allemagne et surévalués pour l'Italie et la France. 

Parallèlement , et avec une méthode voisine, l'Institut des Libertés publie une analyse de  Charles Gave allant dans le même sens (https://institutdeslibertes.org/retour-en-terre-de-connaissance-leuro-un-transfert-de-richesse-du-sud-vers-le-nord/. Ce dernier critique la méthode du centre de recherche allemand et mobilise les taux de croissance des différents pays sur une période longue ( 1960-2000) La comparaison étant difficile pour l'Allemagne en raison de la réunification, Charles Gave remplace l'Allemagne par les pays bas. Les résultats confirment les chiffres de la vidéo de Jacques Sapir: perte de 55000 euros par habitant sur 20 ans pour la France ( depuis l'avènement de l'euro et donc la fin des taux de change flexibles), de 75000 euros par habitant pour l'Italie, et gain de 20000 euros par habitant pour la Hollande.

On peut évidemment discuter des méthodologies retenues qui de fait sont assez semblables ( simulation de la croissance à partir d'un groupe de référence pour l'institut allemand, et simple prolongation des croissances en très longue période pour l'Institut français), on notera toutefois la très grande convergence des conclusions. Oui, l'irruption de l'euro est porteuse de la naissance de divergences considérables entre le nord et le sud de la zone.

Il faut toutefois aller plus loin car cette divergence dont la naissance remonte au début des années 2000 doit logiquement entrainer des déformations structurelles à l'intérieur de chaque pays. Une croissance plus élevée, toutes choses égales par ailleurs, entraine des recettes fiscales plus importantes ( l'Etat profite fiscalement du boum des affaires) et des dépenses publiques plus réduites (les dépenses sociales se réduisent avec une situation de l'emploi plus favorable) Globalement, et indépendamment des paramètres culturels de chaque pays, Les comptes publics et extérieurs doivent plutôt s'équilibrer dans le nord de la zone. En revanche dans le sud, avec une croissance plus faible, les déficits publics et extérieurs doivent menacer. 

Si maintenant on ajoute à ces données fondamentales les paramètres culturels, il est évident qu'un pays comme la France s'acheminera logiquement vers des déséquilibres majeurs. Parce que le modèle social repose sur une forte solidarité, la faible croissance entrainera des déficits que l'on ne peut réduire sans mette en cause la nature même du vivre ensemble. Et des déficits qui seront les jumeaux des déficits extérieurs. Symétriquement si le vivre ensemble passe moins par la solidarité et repose davantage sur la responsabilité individuelle ( Allemagne, Hollande, etc.) l'épargne croissante viendra consolider l'équilibre interne et autorisera des excédents extérieurs. On sait aujourd'hui grâce aux travaux de Natixis (Flash eco N°331- 8 mars 2019) que c'est l'épargne exceptionnellement élevée en Allemagne qui explique l'essentiel d'un surplus extérieur devenu mondialement inacceptable.

En conclusion l'euro introduit des divergences majeures en termes d'évolution des PIB. mais surtout il entraine des évolutions structurelles internes qui font qu'au delà de leur taille les différents pays se ressemblent de moins en moins: Etat de plus en plus gros pour la France, Etat beaucoup plus modeste pour le nord de la zone. Le modèle social français était compatible avec celui des autres pays par le biais d'un taux de change flexible. Il n'entrainait pas non plus  mécaniquement un accroissement irrésistible de la taille de l'Etat, un accroissement que l'on tente aujourd'hui de limiter par la réduction des dépenses régaliennes pour mieux faire face à un accroissement des dépenses sociales engendrées par un déficit de croissance du PIB. Si aujourd'hui notre Etat est si gros comme est considérable notre déficit externe, c'est tout simplement parce qu'un taux de change inadapté bloque une croissance qui devrait limiter les dépenses sociales….lesquelles pèseraient moins sur la compétitivité et donc sur le solde extérieur…. Retrouver de la croissance c'est permettre de baisser progressivement des dépenses publiques qui atteignent aujourd'hui près de 57% du PIB. Il existe 2 façons de réduire le poids de l'Etat: des réformes structurelles ( baisse généralisée des couts directs et indirects du travail), baisse dont on sait que le pays ne veut pas, et croissance plus élevée du PIB...qui suppose la fin de la contrainte monétaire...

La solution à la crise des gilets jaunes ne peut logiquement passer par la pérennisation de la baisse généralisée du cout du travail. le paysage politique est donc relativement clair: soit un retour brutal à l'ordre et un affaissement des valeurs solidaristes, soit la restauration de la souveraineté monétaire. 

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10 février 2019 7 10 /02 /février /2019 01:53
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6 février 2019 3 06 /02 /février /2019 12:59

 Les crises sociales traditionnellement vécues concernaient jusqu’à aujourd’hui le partage classique salaires/profits. Bien évidemment ses acteurs étaient les salariés insatisfaits du pouvoir d’achat qui leur était alloué par les entreprises et leurs dirigeants. La grande nouveauté est que la présente revendication contre l’insuffisance du pouvoir d’achat est moins dirigée contre l’employeur capitaliste et davantage contre l’Etat.

On sait que depuis très longtemps ce dernier était, dans le cadre du fordisme classique français, un acteur important dans la formation du pouvoir d’achat. A cette époque, l’Etat surplombait encore la réalité économique et se trouvait être le grand régulateur des marchés, notamment la répartition jugée équitable des gains de productivité, ou une large socialisation du cout global du travail. Accessoirement cet Etat exprimait une forte présence assurantielle tant sociale qu’économique.

Ultérieurement ce même Etat, en se pliant ou en encourageant la mondialisation par toute une série de mesures règlementaires, se devait de réguler un marché d’un type nouveau : acceptant la concurrence des bas salaires de ce qui devenait le monde émergent, il encourageait la modération du cout du travail par la libre importation de l’ensemble des biens de consommation courants, tout en maintenant une politique sociale favorable aux travailleurs. De quoi préserver une sorte de « rente de citoyenneté »[1] avec des biens locaux encore protégés par un Etat bienveillant, et des biens mondiaux dévalorisés par un cout dérisoire du travail dans les pays émergents.

C’est cette « rente de citoyenneté » qui aujourd’hui s’efface lentement sous l’effet d’une mondialisation parvenant à maturité. Cette forme nouvelle de mondialisation déplace le statut de l’Etat – un Etat impécunieux ramené au second rang de la scène – et, simultanément, cesse d’assurer la dévalorisation constante des biens de consommation importés, le cout du travail périphérique commençant à croitre.

Parce que ramené au second rang, l’Etat n’est plus acteur dans la formation du pouvoir d’achat et n’a plus la possibilité de conserver un rôle dans le partage des gains de productivité en particulier dans cette nouvelle entreprise où le « winner takes all » en « oubliant » de payer l’impôt. Il n’a plus non plus la possibilité de participer à la construction macro-économique du plein-emploi. S’agissant de la France, les choix dans le taux de change fixé à la naissance de l’euro, le marché unique avec ses contraintes en matière de circulation du capital, de fiscalité, de choix budgétaires etc. sont autant d’interdictions d’exercer les fonctions qui naguère étaient les siennes : veiller au plein- emploi.

Le résultat est aujourd’hui l’apparition d’une foule de statuts divers forts éloignés de l’emploi permanent de jadis : 2,6 millions de CDD dont le turn- over ne cesse de s’accélérer en raison de leur durée de plus en plus brève ; 1,6 millions de temps partiels subis ; 1 million d’intérimaires ; 3,1 millions d’indépendants dont environ la moitié composée d’auto-entrepreneurs ; 1 million d’apprentis.

Ces nouveaux statuts sont vécus par 8,3 millions de personnes qui sont dans le monde du travail comme les 20 autres millions qui eux bénéficient d’un CDI et qu’on appelle volontiers les « insiders »[2].

Il faudrait sans doute aller plus loin car nombre de CDI sont assortis de rémunérations faibles, souvent compensées par des aides publiques qui montrent que malgré les difficultés l’Etat tente de maintenir une certaine « rente de citoyenneté »[3]. C’est dire aussi que pour la bonne dizaine de millions de citoyens qui ne sont pas les « vrais insiders », le pouvoir d’achat relève de plus en plus de l’Etat et de moins en moins de l’entreprise. Comme si la lutte des classes se dessinait aujourd’hui entre citoyens et Etats... Ce qui nous amène à mieux comprendre le mouvement des gilets jaunes qui se battent contre l’Etat et non contre les employeurs.

Il faudrait sans doute nuancer les chiffres que l’on vient d’énoncer et voir que derrière la précarisation il existe d’autres forces que la seule mondialisation, par exemple la tertiarisation ou les nouvelles révolutions technologiques. Il n’empêche que la réalité nouvelle est bien le clivage entre insiders- souvent bien protégés, et obtenant une évolution des rémunérations supérieure à la croissance de la productivité dans l’entreprise[4]-  et les outsiders qui n’ont que l’Etat pour assurer la subsistance.

Maintenant quand l’Etat fragilisé n’a plus que la dette pour maintenir la subsistance des plus démunis et qu’il tente de  contenir la dite dette par diverses taxes universelles et simplement proportionnelles, tout se passe comme s’il diminuait le « salaire » des outsiders. D’où la crise sociale.

Curieusement on pourra voir dans cette crise de nouvelles configurations et des jeux d’alliances complexes. Parce que l’Etat devenu acteur de second rang prétend encore à l’universalité, il pourra se heurter à des coalitions inédites entre employeurs et salariés qu’ils soient insiders ou outsiders. Par ses taxes proportionnelles qu’il impose pour se sauver lui-même, l’Etat, grand pourvoyeur de revenus, diminue de fait les « salaires » vrais ou faux des uns et des autres. Les employeurs d’insiders n’acceptent pas qu’une partie des rémunérations payées passe dans les poches de l’Etat et peuvent craindre des exigences nouvelles de rémunérations… ce qui nous renvoie à cette vieille histoire, déjà racontée par Ricardo, avec cet autre acteur qu’était à l’époque le propriétaire foncier, venant diminuer le taux de profit en incorporant souterrainement la rente foncière dans le cout du travail. D’où le slogan selon lequel il « faut diminuer les dépenses publiques ». Et il est vrai qu’insiders et entreprises modernes n’ont qu’un besoin limité de services publics : le marché assure l’essentiel. Beaucoup plus directement les outsiders ne peuvent accepter la baisse de leur rémunération largement publique, ce qui peut entrainer la solidarité des insiders, voire des employeurs eux-mêmes qui verront dans le mouvement de gilets jaunes des aspects positifs. D’où des revendications contradictoires de la part de ces derniers qui exigeront « moins de taxes et plus de services publics » de la part d’un Etat lui-même en faillite…D’où aussi des revendications plus rationnelles : il faut remettre l’Etat à sa place en se le réappropriant par le biais d’une démocratie directe…

Dans ce contexte cet Etat et son personnel politico administratif se trouve fort démuni. Fondamentalement il sait probablement qu’il faudrait refondre intégralement les règles du jeu. Ce n’est pourtant pas ce qui est attendu de lui par les bénéficiaires de la mondialisation, qui tout en pouvant manifester un regard de sympathie vis-à-vis des gilets jaunes, peuvent accélérer les pratiques sécessionnistes et déserter un peu plus une terre devenue fort aride. Le plus probable est donc que L’Etat et son personnel politico administratif tentera une fois de plus de gagner du temps et, si possible, de passer entre les gouttes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Expression que nous empruntons à Branic Milanovic dans son ouvrage : « Inégalités mondiales- Le destin des classes moyennes- Les ultra-riches et l’égalité des chances » : La Découverte : février 2019.

[2] Ajoutons que le nombre d’actifs est lui-même faible puisque le taux d’activité n’est que de 65%, alors qu’il est de 75% en Allemagne.

[3] Parmi les 5 millions de personnes qui vont bénéficier de la prime pour l’emploi, il y a un pourcentage non négligeable de titulaires de CDI dont la rémunération est supérieure au Smig.

[4] Selon Natixis (Flash Economie N°150 du 1-02-2019) le salaire réel par tête passe de 100 à 125 entre 98 et 2018, alors que la productivité par tête entre les deux mêmes dates passe de 100 à 125.

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1 février 2019 5 01 /02 /février /2019 09:56

Fréderic Lordon émet un point de vue radical concernant l'ISF. On trouvera ci-dessous la vidéo dans laquelle il essaie de  démontrer que la fin de l'ISF est un choix symboliquement fort et politiquement très injuste.

Le raisonnement consiste à démontrer que les ressources laissées à la disposition des ménages les plus aisés ne seront pas mobilisées vers l'investissement productif. Pour cela, il met en avant ce qu'il croit être l'inutilité de la bourse qui ne draine annuellement qu'environ 10 milliards de nouvelles actions émises par les entreprises. Ce chiffre est à rapprocher de l'investissement global de ces mêmes entreprises soit environ 304 milliards d'euros pour l'année 2018. La Bourse serait donc à priori un outil très marginal dans le financement des entreprises. Il serait par contre un outil majeur dans la spéculation sur la matière première qu'est la capitalisation boursière laquelle se monte à environ 3 300 milliards d'euros. Dans la vision de l'auteur de la vidéo, il est clair que les sommes supplémentaires mises à la disposition des ménages très riches, sont ainsi massivement utilisées pour des échanges de titres qui correspondent à des investissements déjà réalisés et non pas des investissements nouveaux. D'où l'idée selon laquelle les sommes abandonnées par le Trésor au titre de l'impôt disparu ne sont que du gaspillage sur l'hôtel de la spéculation.

Sans chercher à mettre en cause le raisonnement de Frédéric Lordon, il est pourtant possible de le compléter sur un certain nombre de points lesquels concernent tous les effets indirects économiquement positifs ou négatifs d'une disparition de l'ISF.

En premier lieu, il y a l'attractivité des patrimoines des résidents, qu'ils soient français ou étrangers, et ce avec leurs conséquences en termes de consommations et d'activités. Cela concerne par conséquent aussi l'épineuse question de l'exode des plus fortunés. Il s'agit donc de comparer les ressources fiscales directement perdues par la fin de l'ISF et la chaine des effets secondaires liées aux déplacements de capitaux. Question difficile car l'attractivité est fonction d'une multitude de paramètres qu'il est bien difficile d'individualiser. 

En second lieu, les achats spéculatifs de titres à partir des ressources nouvelles laissées par l'administration fiscale -ceux qui correspondent à des investissements déjà réalisés et donc non porteurs de capital productif neuf - sont susceptibles d'entrainer des effets d'enrichissement sur nombre d'agents économiques. On notera, en particulier, les entreprises qui peuvent se constituer du cash par vente d'actions, et cash qui peut se transformer en investissements...rendant ainsi moins scandaleux la fin de l'ISF. Cet effet est certainement très limité car probablement compensé par des stratégies de rachat d'actions financés par du cash ne se transformant pas en investissements. D'autres agents peuvent être concernés par cet effet d'enrichissement, ainsi les ménages épargnants, pas nécessairement les plus aisés qui peuvent voir leurs produits d'épargne mieux rémunérés par la bonne tenue de la Bourse elle-même boostée par la fin de l'ISF. On sait toutefois que cet effet d'enrichissement est beaucoup moins porteur en Europe qu'aux USA où il est économétriquement établi qu'une hausse de 10% de la capitalisation boursière engendre une hausse de la consommation de 0,8%. 

Globalement il est donc difficile de mesurer l'impact d'un effet enrichissement à partir de la suppression de l'ISF

En troisième lieu, il est inexact de considérer que seule la Bourse, elle-même réputée inutile selon Lordon, voit le déversement des fonds non taxés se diriger vers elle. Il existe en effet une immense majorité d'entreprises complètement éloignées de la bourse et dont le capital, d'essence familiale, peut s'enrichir de la fin de la ponction ISF. La véritable question est ici de savoir quelle part des sommes rendues disponibles se dirigent vers des actifs financiers et quelle part se dirige vers un véritable investissement productif. Ces parts dépendent aussi de la confiance des acteurs dans l'irréversibilité de la nouvelle législation. Nous manquons à ce jour d'informations suffisantes.

En dernier lieu, l'hypothèse d'une inutilité de la Bourse est très contestable. Parce qu'elle assure aussi la liquidité du capital productif, elle permet -même sans apports nouveaux- de procéder à toutes les restructurations porteuses d'investissements immatériels: rapprochement de compétences, augmentation de parts de marchés, mutualisation de réseaux, de laboratoires, élaboration de normes, etc. Tous effets potentiellement porteurs de gains de productivité et très difficilement évaluables...

Au final, il est très difficile d'évaluer de façon précise ce que peut apporter la fin de l'ISF en termes de surplus d'investissements. Trop d'effets secondaires et souvent contradictoires interviennent et rendent très complexes une évaluation. Et c'est cette complexité qui, à contrario, ne permet pas de conclure, au vue de l'évolution du rythme de l'investissement en 2018, que la fin de l'ISF n'a pas apporté de résultats concluants. De fait ce rythme est resté le même pour les entreprises non financières avec une FBCF de 274,7 milliards d'euros courants en 2016, puis 288,9 en 2017 et 304,1 en 2018, soit une variation inchangée (5% en valeur sur la période) alors que le fin de l'ISF intervient en son milieu.

Face aux énormes difficultés d'évaluation, la question de l'ISF doit être appréciée de façon autrement plus large : son aspect symbolique, dans une société où les inégalités deviennent abyssales et probablement insupportables,  et sa réelle grande faiblesse redistributive dans un monde où il était quantitativement marginal (comparativement aux grands impôts non redistributifs : TVA, CSG, TIPP, etc.). De ce point de vue, si les inégalités de revenus paraissent en France moins insupportables que dans nombre d'autres pays, la ponction fiscale/sociale et ses contreparties en termes de prestations sociales  sont trop peu redistributives, d'où un véritable problème pour les classes moyennes. 

Ces remarques n'effacent pas le mérite de Frédéric Lordon qui permet de poser une question qui sera amplement débattue dans un avenir proche.

 

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30 janvier 2019 3 30 /01 /janvier /2019 09:57

Eric Anceau, organisateur de notre colloque de 2016 sur Ernest Renan présente ici notre livre collectif.

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