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19 août 2025 2 19 /08 /août /2025 09:42

L'Inde paye le pétrole russe en roupies et le revend - après raffinage- en dollars. Les USA protestent en concluant qu'il s'agit d'une barrière au régime de sanctions et tentent d'imposer à l'Inde des droits de douanes dissuasifs. 

Si l'on comprend aisément le caractère avantageux de l'échange, du point de vue de l'Inde, il est plus difficile de repérer un intérêt russe, paramètre  que nous   examinerons  en quelques points. Insistons sur le fait que c'est bien l'échange avec l'Inde qui fait problème car les exportations pétrolières de la Russie vers la Chine échappent à la plupart des difficultés. Le poids de la Chine permet d'échapper à la réglementation bancaire et surtout de payer dans une monnaie complètement convertible en marchandises dans ce qui est devenu l'usine du monde. 

Des gains à l'échange déséquilibrés en défaveur de la Russie

1 -  Certes il existe des possibilités de mobilisation de la monnaie indienne pour acheter des biens fabriqués dans le pays. Toutefois l'éventail des possibilités reste limité (médicaments ou quelques produits alimentaires). A priori la Russie, ou en particulier sa banque centrale, s'encombre d'actifs monétaires qui deviennent des créances douteuses et donc font peser un risque. Les banques russes doivent donc se sécuriser auprès de la banque centrale qui elle - en sa qualité de banque centrale-  ne risque pas de défaut en détériorant la qualité de l'actif de son bilan.

2 - Toutefois, il est aussi évident que ces exportations font partie d'une richesse créée à coût très faible puisque dans l'économie pétrolière les coûts marginaux sont en général très limités. Les roubles issus de la conversion des roupies permettent de financer les infrastructures pétrolières et leurs salariés, voire contribue aux ressources du Trésor par voie fiscale. Si donc,  l'exportation n'existait pas il y aurait un manque à gagner qui viendrait alourdir l'écosystème russe. Un autre inconvénient est bien sûr une pression inflationniste puisque la monnaie créée n'a pas pour support une production nationalement disponible. D'où cette anomalie :  la Russie crée des revenus sans production pétrolière disponible,  tandis que l'Inde dispose de dollars pétroliers sans gisements disponibles sur son territoire.

Des gains à l'échange qui peuvent encore diminuer pour la Russie

3 - Les gains à l'échange - sans doute déséquilibrés au détriment de la Russie - peuvent aussi voir leur périmètre global modifié par le marché pétrolier mondial. Nous entrons dans une phase durablement excédentaire de l'offre mondiale de brut, circonstance associée à d'importants gains de productivité au niveau des gisements américains et des besoins en devises des pays du golfe. On pense ainsi que la production américaine déjà considérable - de loin la plus importante du monde- avec plus de 13 milliards de barils/jour, pourrait ne pas souffrir d'un prix situé entre 45 et 50 dollars le baril. Une offre qui, de façon indirecte, pourrait aboutir à des dérivés géothermiques en raison de la parenté technologique dans les outils d'exploitation entre les 2 formes d'énergie. C'est dire que les raffineurs indiens qui bénéficient déjà de prix bradés sur les achats en provenance de Russie (environ 5 dollars par baril) pourraient encore accroître la pression sur le prix du pétrole Russe. Logiquement, la répartition des gains à l'échange Russie/Inde déjà très favorable à ce dernier pays devrait encore se déformer à son profit. Pour autant, on sait que la Russie ne peut accepter une diminution de ses ressources.

Construire une duopole américano-russe ? 

4 - Face à cette situation, on peut imaginer le sens d'une coopération nouvelle entre USA et Russie. Dans la mesure où les deux pays disposent des potentialités productives - de loin les plus importantes du monde en matière de pétrole et de gaz - il pourrait être mutuellement avantageux de construire un duopole conduisant à la production de plus du quart de la production mondiale de pétrole et de plus du quart de la production mondiale de Gaz. Sachant que la substitution entre les deux énergies fossiles est industriellement aisée, le deal pourrait consister en une participation majoritaire des infrastructures présentes et futures russes, offerte à des capitaux américains. Un premier investissement pourrait concerner la réparation des Northstream sous contrôle de capitaux américains. D'autres, sans doute beaucoup plus importants, pourraient concerner le continent arctique gorgé d'hydrocarbures, et continent appelé  à se substituer au Moyen-Orient. De quoi disposer d'un potentiel d'électrification rapide au profit des surconsommations des infrastructures massivement investies dans l'intelligence artificielle. De quoi partager une rente nouvelle entre Russie et USA, mais surtout de  disposer d'une avance considérable sur une Europe et une Chine dépourvues de capacités importantes dans l'électrification. Avec un bénéfice supplémentaire, celui de construire une séparation entre ces 2 autocraties que sont la Russie et la Chine et répondre ainsi à une grande peur américaine. Par contre, il est clair que l'Europe pourrait retrouver ses divisions avec une Allemagne prête à renouer avec le gaz russe et s'éloigner de la problématique de la guerre en Ukraine. 

Ce scénario jamais évoqué doit probablement se trouver dans les têtes de certains décideurs et bien évidemment serait un grand saut dans l'inconnue pour le prédateur russe. Ne risquerait il pas, avec son ambition de retour de l'empire, de devenir simple vassal ? 

Jean Claude Werrebrouck - 19 Août 2025.

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13 août 2025 3 13 /08 /août /2025 17:57

  Sur le devant de la scène il n'a évidemment pas été question des difficultés de l'économie Russe et tout au plus il aura pu être évoqué le ralentissement de la  croissance. Il est pourtant évident que sans le lever des sanctions il sera très difficile pour la Russie de continuer une guerre qui l'amènera à un désastre de grande ampleur, à savoir la perte de sa souveraineté monétaire et ses conséquences sur l'ordre nouveau que le pays entend faire naitre.

Le déficit public s'accroit régulièrement avec la montée en puissance de l'industrie de guerre mais  nous ne disposons que de chiffres partiels ou insuffisants. Logiquement, si le Trésor affecte 40% de ses ressources aux divers coûts de la guerre, il est évident que nous devons logiquement entrer dans une économie de dette. Une telle économie n'entre pas facilement dans une société très éloignée de la finance et où même les titres de la dette publique les "Obligatsil federal'noge Zaima " ne sont guère achetés par les citoyens qui conservent une épargne liquide ni même par les banques qui souhaitent des taux plus rémunérateurs. Il existe ainsi une anomalie jamais évoquée dans le système médiatique : Comment peut-on mobiliser de tels moyens (40% d'un budget fédéral) sans disposer d'un marché de la dette publique alors qu'en Occident ce même marché présente une taille gigantesque et qu'il est généralement affirmé qu'on ne peut passer en économie de guerre faute de moyens. 

La dette de guerre russe doit logiquement s'envoler et déjà des modalités très curieuses de financement se mettent en place. Par exemple l'annulation des dettes des régions russes - lesquelles  financent les "rentes de cercueil"- au regard du Trésor central - ce qui masque les difficultés à venir du dit Trésor. Plus fondamentalement, le secteur resté privé se trouve en difficulté de financement en raison de la chute considérable de l'investissement privé lequel est victime de taux bancaires rendus extrêmement élevés en raison d'un taux directeur de monnaie centrale lui-même considérable. Ce taux très élevé est aussi sensé contenir une inflation et la chute d'un rouble qui augmenterait encore le coût des importations payées en roubles. D'ores et déjà, de nombreuses entreprises se trouvent en difficulté avec risque de défaut au détriment des banques. Les exemples ne manquent pas et sont mêmes énoncés par les dirigeants et responsables des diverses branches d'activité : métallurgie, mines, construction, industrie automobile. Globalement, les productions diminuent drastiquement depuis le début de l'année 2025 avec parfois des chiffre ahurissants ( - 28% pour la production de voitures et jusqu'à 40% pour les camions). D'où l'explosion des impayés et leurs effets sur la solvabilité bancaire. On pourrait ajouter à ce tableau, l'extraordinaire montée des coûts associée aux diverses pénuries avec la cannibalisation correspondante (démantèlement de plusieurs unités d'un même bien pour en assembler un seul).

Ces risques n'existent à priori pas pour les banques associées à l'industrie de guerre et on peut penser que, très régulièrement, au moins jusqu'à maintenant, le Trésor, par le biais de son compte à la banque centrale vient alimenter les comptes des entreprises qui livrent à l'armée les moyens de la guerre. On peut toutefois penser que des défauts ou au moins retards de paiement viennent mettre en difficulté l'industrie correspondante avec constitution de créances douteuses dans les actifs bancaires. D'une certaine façon on peut imaginer que, déjà, un financement monétaire existe sous la forme d'avances sur les comptes des banques à la banque centrale. 

Bien évidemment, la Russie et son système bancaire ne peut connaître l'équivalent de ce qu'on appelle en Occident une crise financière. Il n'y a pas et il n'y aura pas de "bank run" anéantissant les bilans bancaires car dans ce type de monde existe une banque centrale qui sans limite peut maintenir le système en place par création sans limite de monnaie centrale. 

Nous aurions tort de nous moquer de ce qui est très probablement les prémisses d'un "quantitative easing". En Occident, l'aisance quantitative avait et a pour objet d'empêcher l'effondrement de la finance et des Etats qui lui sont associés. En Russie, le quantitativisme qui risque de se mettre en place, a pour objet le maintien d'une industrie de guerre consommatrice de ressources considérables.

Toutefois, le problème d'une aisance quantitative est qu'il risque de précipiter l'effondrement du rouble. On comprend par conséquent que la rencontre Trump/Poutine abordera probablement la question de la fin de sanctions qui alourdissent considérablement les coûts de l'économie russe et mettent en danger le maintien d'un surplus extérieur qui générait naguère de précieuses devises directement affectables à l'importation. Prenons conscience que, si la rumeur d'un "hélicoptère monnaie" finançant l'économie de guerre se généralisait, le paiement des importations en roubles s'arrêterait brutalement...entrainant du même coup la confiance des amis de la Russie. La Russie ne peut se permettre un effondrement monétaire. L'"hélicoptère monnaie" était pensable en Occident. Il ne l'est pas en Russie. Il est impensable que ces questions ne soient pas évoquées au cours de la rencontre au sommet en Alaska.

Jean Claude Werrebrouck - 13 Août 2025.

 

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8 août 2025 5 08 /08 /août /2025 15:15

Très courte note articulée sur 3 paragraphes :

1. Masquer le coût financier de la guerre

2. Economie de guerre sans finance de guerre.

3. Monétisation exigée mais monétisation interdite.

Une décision à priori fort technique mais sans doute très importante vient d'être prise par le pouvoir russe. Les 37 régions de la Fédération de Russie vont voir leur dette à l'égard du Trésor central  annulée. Un peu comme si les considérables dettes publiques des Etats européens étaient annulées par décision souveraine de la BCE. Bien sûr, les acteurs ne sont pas les mêmes et le Trésor Russe n'est pas la banque centrale de Russie , mais il est clair que le chemin d'une monétisation du financement de la guerre en Ukraine se trouve progressivement mis en place et ce de la façon la plus discrète possible.

1. Masquer le coût financier de la guerre

Concrètement la guerre est coûteuse en moyens matériels et humains. S'agissant de ce dernier aspect, il s'agit d'enrôler une masse croissante de jeunes issus de régions pauvres et qui acceptent le départ vers le front contre un capital et une rémunération très importante eu égard aux conditions économiques générales. Les régions financent ce qui permet de masquer une partie des dépenses de guerre normalement assurées par l'Etat central. Toutefois, en acceptant d'annuler les dettes publiques  périphériques (celles des 37 régions) à l'égard de l'Etat central, les dites régions sont invitées à poursuivre massivement l'enrôlement de la jeunesse. Concrètement, via la guerre et la mort, existe ainsi une véritable politique de redistribution vers les régions pauvres.

Le dispositif n'est qu'un masque transitoire puisque l'effacement de la dette (estimée à 11 milliards de dollars à l'horizon 2029) devient mécaniquement endettement pour un Etat central dont le déficit est estimé à 46 milliards d'euros pour 2025 soit 1,7% du PIB. 

2. Economie de guerre sans finance de guerre

Par comparaison avec les USA et l'Union Européenne, la situation n'apparait pas catastrophique. Toutefois le paysage russe est fort différent de ce qu'il est en Occident. La Russie ne dispose pas d'un marché de la dette publique permettant le financement aisé des déficits. Les obligations de la dette publique russe ( Obligatsil federal'noge Zaima) ne disposent d'aucune profondeur de marché et le Trésor russe ne dispose pas comme en occident d'agences de stature mondiale qui peuvent mobiliser des sommes colossales. (Par exemple près de 1200 milliards d'euros pour la seule année 2025 pour la zone euro. 

S'ils peuvent être acquis par les banques et les ménages les OFZ ne sont que moyennement appréciés dans un monde éloigné de la finance de marché. Par ailleurs, pour des raisons de recherche de confiance internationale, la banque centrale est officiellement indépendante et comme toutes les banques centrales du monde, elle s'interdit d'agir sur le marché primaire de la dette publique. Elle n'intervient que sur le marché secondaire et doit se livrer à de gros efforts pour inviter l'épargne vers l'achat d'OFZ. Les efforts concernent bien sûr les taux (taux croissant avec la durée)  et la fiscalité, mais l'effet d'éviction est redouté au regard de l'investissement industriel, et le taux de change serait vite menacé s'il n'y avait pas alignement sur les pratiques occidentales. 

3. Monétisation exigée mais monétisation interdite

La Russie est donc aujourd'hui dans un espace financier extrêmement tendu. On prend le chemin d'une monétisation avec des annulations de créances au détriment de l'Etat central, mais ce même Etat est lui- même incapable de reprendre du souffle sur un marché de la dette extraordinairement étroit et que la banque centrale n'ose pas alimenter par une intervention directe sous forme d'achat immédiat d'OFZ. Pensons par exemple aux exportateurs étrangers qui acceptent de vendre à la Russie contre paiement en roubles si demain la monnaie russe devait se déprécier fortement. L'Etat russe est loin de pouvoir se permettre les déficits jusqu'ici sans pleurs que connait l'Occident; 

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27 juillet 2025 7 27 /07 /juillet /2025 19:47

Plan de la note:

1.  La guerre est banalement un prélèvement sur l'économie

2.  Un surplus extérieur est un ballon d'oxygène pour une économie de guerre

3.  Le  régime de sanctions est une tentative d'étouffement du surplus extérieur Russe.

4.  La tentative de dédollarisation est surtout la matérialisation de l'étouffement monétaire

5.  L'étouffement monétaire entraîne mécaniquement l'effacement du surplus extérieur russe.

6.  Il n'existe pas de magie des "comptes miroirs".

                                                    -------------------------------

On parle beaucoup du retour d'une économie de guerre sans en connaître les contraintes et conséquences nécessaires. Il est, par exemple, beaucoup question d'une économie de guerre en Russie avec des développements positifs bien documentés par des chiffres, économie qui consacrerait  une sorte de retour vers les trente glorieuses. Le présent papier se propose d'analyser davantage les choses à partir d'un modèles simple.

1.  La guerre est banalement un prélèvement sur l'économie

Soit un Etat disposant d'un PIB de 100 relevant d'une économie complètement marchande. Supposons un passage en économie de guerre consacrant une partie de PIB , 20 par exemple, figurant désormais sous la forme d'engins de guerre achetés par L'Etat. Le PIB achetable sous forme de biens de consommation ou de biens d'investissement n'est plus que de 8O. Sans échanges extérieurs et en maintenant un équilibre budgétaire, il est clair que le pouvoir d'achat  des citoyens va diminuer du montant de l'effort de guerre. Avec une précision supplémentaire : si les entreprises supposent une reconversion partielle de leur offre cela pose probablement des questions de nouvelle répartition du revenu national.  

2.  Un surplus extérieur est un ballon d'oxygène pour une économie de guerre

Mais les choses sont plus complexes dès que l'on introduit les échanges extérieurs. Si les échanges étaient déséquilibrés en temps  de paix, le passage à l'économie de guerre est difficile. A l'inverse, si les échanges étaient suréquilibrés, on peut imaginer un financement partiel des 20 points de PIB non marchands, non pas par l'impôt mais par l'utilisation de l'excédent extérieur. Concrètement, la pression fiscale augmente moins que prévu et le pouvoir d'achat récupéré peut servir à financer une consommation de biens non plus disponibles nationalement mais disponibles mondialement. Ce schéma ressemble assez bien à ce qui se passe en Russie. Concrètement le passage à une économie de guerre est plus aisé pour les pays disposant d'un excédent extérieur.

3. Le régime de sanctions est une tentative d'étouffement du surplus extérieur Russe.

Ce qu'on appelle sanctions est donc une tentative d'étouffement d'une  économie de guerre  en faisant payer son coût réel par les nationaux russes. Et 2 voies de sanctions sont possibles : l'une directe et l'autre indirecte.

La directe consiste à briser le surplus extérieur russe pour lui substituer un déséquilibre rendant extrêmement coûteux l'économie de guerre. Concrètement, cela peut supposer la destruction de l'outil industriel générateur de l'excédent :  Par exemple, la destruction des infrastructures gazières et pétrolières du pays. 

L'indirecte consiste à rendre beaucoup plus coûteuse la logistique permettant la bonne concrétisation financière de l'excédent extérieur. C'est la  voie choisie par l'Occident . 

4.  La tentative de dédollarisation est surtout la matérialisation d'un étouffement monétaire

Si l'on observe l'évolution des outils de paiement des échanges russes, nous observons globalement l'abandon relatif des devises les plus liquides (le dollar notamment) mais aussi celles qui le sont moins (le yuan) au profit des seuls roubles. Cela signifie que des importateurs étrangers effectuent massivement des paiements en roubles et que des exportateurs russes acceptent des paiements dans cette même monnaie. Selon les données rendues disponibles par la banque centrale de Russie, c'est aujourd'hui 44% des importations qui s'effectuent en roubles, tandis que les exportations vers l'Europe payées en devises nationales passent de 48% du total  en 2023 à 58% en 2024.  Situation qui rappelle l'économie américaine où tous les échanges se font en dollars. Il existe toutefois une grande différence puisque le rouble n'est pas liquide et n'est pas universellement accepté. 

Si le rouble devenait l'équivalent du dollar, il n'y aurait plus de limite monétaire à l'économie de guerre russe. L'excédent extérieur dont l'origine repose largement sur des exportations minières pourrait disparaître et laisser la place à un déficit accepté par l'ensemble des institutions en recherche de sécurité financière. Pour autant, une telle situation ne peut se produire en raison du poids beaucoup trop faible de l'économie russe. Même un large déficit accepté ne donnerait lieu à une liquidité et une profondeur de marché équivalent à celle du dollar. Le marché international du rouble restera infiniment plus petit que celui du dollar. Profondeur et liquidité resteront toujours insuffisantes. 

5.  L'étouffement monétaire entraîne mécaniquement l'effacement du surplus extérieur russe.

Mais plus grave encore, il ne saurait se développer dans le cas de la Russie l'équivalent des "balances dollars". C'est le gigantesque déficit américain qui nourrit la liquidité internationale avec sa profondeur incomparable. Dans le cas Russe, il y a excédent et donc il n'y a pas de "balance Rouble". Tout ce que peut faire la Russie au bénéfice d'importateurs étrangers qui ne peuvent payer en devises classiques sans crainte de sanctions, est de faire crédit aux importateurs étrangers afin de ne pas voir se plafonner l'excédent. 

La conclusion du raisonnement est donc que la montée des échanges en roubles ne fait que traduire une situation difficile. Le maintien de l'excédent russe ne peut que s'artificialiser par création monétaire. Le PIB ne peut augmenter que par monétisation et inflation. C'est dire que les sanctions internationales ont pour effet de faire payer par les seuls citoyens le passage à l'économie de guerre. 

Parce que les devises traditionnelles ( Dollar, Euro, Yen, Yuan, etc.) véhiculent les risques de sanction, les échanges sont de plus en plus libellés en monnaie nationale (Rouble). Cette montée de la devise Russe est la marque des difficultés croissantes de la montée d'une économie de guerre. Il est de moins en moins  question de profiter de l'excédent extérieur  pour acquérir du pouvoir d'achat international. Symétriquement les importateurs étrangers sont progressivement bloqués par l'impossibilité d'obtenir suffisamment de roubles pour assurer les paiements. Logiquement le surplus extérieur de la Russie devrait s'affaisser. 

6.  Il n'existe pas de magie des "comptes miroirs".

Bien évidemment, des manipulations comptables tentent d'éviter le risque de sanction et sont censées éviter l'affaissement du surplus Russe. Parmi ces outils on évoque le maintien des échanges à partir de "comptes miroirs" qui supposent une collaboration entre banques russes en Russie et banques chinoises en Chine. Ce jeu ne permet en aucune façon à la Chine  de disposer de nouveaux moyens de paiements internationaux aidant son économie et le dispositif des comptes miroirs correspond à un non paiement donc de fait une subvention de la Chine envers la Russie. Les comptes miroirs comme les autres manipulations ne sont pas une solution satisfaisante pour le maintien d'une économie de guerre en Russie non directement financée par les citoyens. Les chiffres, souvent mis en avant pour présenter une économie russe très prospère avec un véritable âge d'or de la société salariale, avec plein emploi et fort développement du pouvoir d'achat,  sont plus que contestables. 

"

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22 juillet 2025 2 22 /07 /juillet /2025 08:55

Le monde de la banque risque de voir s'achever une étape historique qui lui fût extrêmement favorable. Sous la protection de banques centrales - qui elles-mêmes étaient devenues indépendantes des Etats - elles ont pu se rendre maîtres de la gestion monétaire et en particulier de la production d'une monnaie juridiquement considérée bien public.

Le stable coin d'une part et la monnaie digitale de banque centrale d'autre part sont les facteurs nouveaux d'une possible dislocation de l'industrie bancaire traditionnelle. Ce risque d'un monde bien moins favorable aux banques résulte lui-même d'une crise politique majeure affectant le monde occidental dans sa globalité. Dans ce monde,  de nouveaux pouvoirs privés viennent contester toute idée d'Etat, nouveaux pouvoirs  qui en même temps affrontent des défenseurs de plus en plus impliqués dans sa renaissance. Au niveau des  banques et de la matière première appelée monnaie, il existe ainsi une confrontation entre privatisation des signes monétaires et renationalisation. 

Juillet 2025: La promulgation du "Genius Act"

Le "Genius Act" vient d'être voté par le congrès américain et  consacre de manière spectaculaire le processus de privatisation de la monnaie : émission complètement décentralisée ( même les GAFAM peuvent s'y consacrer), fin de l'utilisation des circuits bancaires au profit des blockchain, fin des gains sur risques de change, fin du contrôle par la SEC (Securities and Exchange Commission) en raison de leur nature monétaire (ce sont des titres de paiement, donc de la monnaie et non des titres financiers). Il s'agit par conséquent d'une monnaie complètement nouvelle produite par des acteurs nouveaux. les banques peuvent en produire mais ne peuvent en bénéficier comme elles pouvaient et peuvent encore bénéficier d'une création monétaire classique engendrant mécaniquement un taux d'intérêt. Comprenons qu'avec le stable coin il y a destruction de ce qui était le tissu commun à l'industrie bancaire c'est à dire l'effet de composition permettant une création monétaire collective portant intérêt. 

Si le stable coin s'impose, il consacre le rêve de l'économiste Hayek qui souhaitait la création d'un libre marché entre monnaies privées en concurrence, et bien sûr un marché où aucune banque centrale ne parviendrait à l'existence. Si dans l'univers intellectuel hayékien, des monnaies de banque disparaissent et que d'autres naissent c'est en raison de la libre concurrence. Bien évidemment, le contexte du "Genius Act et de ses possibles équivalents occidentaux  ( projet LUGH de Casino Group et Société générale Forge ou encore Monerium en Irlande) sont une grande difficulté pour les banques classiques qui tentent de réagir en produisant elles mêmes leur propre système de stable coin. 

Une privatisation... qui magiquement vient sauver  un Etat failli...?

Le caractère authentiquement monétaire des stable coin vient curieusement renforcer les Etats menacés et en particulier l'Etat américain. Ainsi on peut considérer que le "genius Act"- par l'obligation qui est faite de considérer que chaque Token émis est équivalent à un dollar liquide ou un dollar en dette publique américaine -  est aussi un outil de garantie de la domination du dollar et de sécurisation de la dette américaine. Curieusement nous serions revenus au 19ième siècle où la monnaie de banque émise était garantie par un poids d'or. Si effectivement un Token vaut un dollar de dette américaine - comme naguère  en régime d'étalon-or une monnaie nationale valait son poids en or - alors le genius Act produit une nouvelle version de l'étalon dollar, non pas en utilisant la force de l'Etat mais celle du marché...La monnaie redevient privée et garantit la puissance américaine.... Et si effectivement le monde du stable coin se développe la question de la dette publique américaine n'est plus d'actualité et le dollar comme l'or au dix-neuvième siècle devient la liquidité ultime...sans la crainte d'un pénurie de monnaie. Le nouvel étalon ne risque pas de connaître la rareté puisque le déficit américain viendra nourrir son abondance...Une réalité proprement magique devenue choix politique sous la pression des "broligarques" américains qui ne sont pas tous imprégnés de la théorie hayekienne des droits de propriété. Evidemment, les "broligarques" sont les ennemis d'un Etat fédéral renouant avec la puissance, mais ils utilisent les classiques entrepreneurs politiques pour servir leurs objectifs spécifiques. D'où une complexité qui explique au moins partiellement l'étonnante diversité du bloc au pouvoir aux USA : pas vraiment libertariens, pas vraiment libéraux, pas vraiment nationalistes, pas vraiment réactionnaires, pas vraiment illibéraux. 

La banque américaine n'est qu'à moitié blessée

On comprend mieux que ce pari américain s'accompagne dans un même geste de l'abandon fédéral de tout projet de lancement de monnaie numérique de Banque centrale. La Réserve fédérale ne pourra pas émettre de crypto monnaie tant il est vrai que dans ce nouveau monde un Etat ne peut venir concurrencer un marché de pleine concurrence. Le vote du Congrès donne ainsi l'ordre  à la Réserve fédérale d'abandonner ses travaux sur le dollar numérique. Promulgation du Génius Act et interdiction de produire une monnaie numérique de banque centrale furent l'objet de décisions  conjointes. La banque américaine peut encore voir dans sa blessure une opportunité, mais surtout elle conserve tout son poids en matière de création monétaire. Cela risque de ne pas être le cas en Europe. 

La double blessure des banques européennes

L'interdiction de produire une monnaie numérique de banque centrale n'existe pas, pour les autres pays et - partout où cela est possible -   les travaux de mise en place de la monnaie numérique de banque centrale se poursuivent. Il s'agit de l'autre danger pour les banques, non plus celui de la privatisation de la monnaie mais celui de son étatisation. Nous avons déjà développé cette question en insistant sur la grande résistance des banques qui craignent de voir une fuite monétaire depuis les dépôts de tous les clients vers la banque centrale. Techniquement, si le futur portefeuille numérique universel de la BCE ne connait pas de limitation de volume il est pratique pour tous les agents de vider les comptes classiques au profit de la banque centrale. Sans limitation du portefeuille numérique de monnaie centrale, la matière première de la rentabilité à savoir les dépôts qui nourrissent les crédits, serait en voie de disparition.  Dans un même geste, la création monétaire par les banques disparaitrait et la responsabilité des cette création par les seules banques centrales serait engendrée. De quoi là aussi autoriser sans pleurs un financement monétaire des Etats. Un 'Genius Act" européen s'ajoutant au projet de monnaie numérique de banque centrale viendrait ainsi consacrer l'obsolescence de l'industrie bancaire européenne. Privatisation comme renationalisation de la monnaie sont ici des dangers qui s'additionnent. On ne peut politiquement développer le marché et favoriser son interdiction. 

La bancarisation du monde à l'époque des trente glorieuses était une politique de développement fantastique des marchés. les dépôts nouveaux nourrissent massivement les crédits et l'évaporation de la monnaie de banque centrale (les salariés ne sont plus payés en liquide mais par virement de compte à compte) ne gène en aucune façon la puissance monétaire des Etats. En retour  du cadeau fait aux banques, ces mêmes Etats fixent des contraintes de politique publique ( gestion autoritaire des taux de l'intérêt, achats obligatoires de dette publique, etc.) A cette époque, développement et limites du marché ne sont pas en contradiction et une coopération se met en place. Une industrie bancaire très puissante s'engendre sous la surveillance des Etats. Une réussite spectaculaire pour la France des trente glorieuses.

 Toute autre est la réalité actuelle où les nouvelles technologies tuent les anciens marchés ( ce qui est naturel) mais  nourrissent en même temps le grand retour des Etats. Dans ce contexte, l'Amérique semble jouir encore d'un statut d'exception, ce qui n'est pas le cas de l'Europe. Sans faits nouveaux majeurs, l'obsolescence de l'industrie bancaire risque d'être plus criante en Europe. 

                            Jean Claude Werrebrouck -  22 juillet 2025

 

Excellente question, Jean ! 🌍 Elle touche à la fois la mécanique des cryptomonnaies et les fondements du système bancaire traditionnel. Voici une réponse en deux volets :

 

🏗️ Comment se crée concrètement un stablecoin ?

La création d’un stablecoin dépend de son type de collatéralisation. Il existe trois grandes catégories :

1. Stablecoins centralisés adossés à des monnaies fiat

  • Exemple : USDT (Tether), USDC (Circle)
  • Pour chaque token émis, l’émetteur détient 1 unité de monnaie fiat (ex. 1 USD) en réserve.
  • Ces réserves sont souvent placées dans des comptes bancaires, des bons du Trésor ou des actifs liquides.
  • L’émission se fait via une plateforme centralisée qui vérifie les dépôts et crée les tokens en conséquence.

2. Stablecoins décentralisés adossés à des cryptos

  • Exemple : DAI (MakerDAO)
  • L’utilisateur dépose des cryptos (ex. ETH) dans un smart contract.
  • Le protocole émet des stablecoins en surcollatéralisant (ex. 150% de garantie pour 100% de valeur émise).
  • Tout est automatisé et transparent sur la blockchain.

3. Stablecoins algorithmiques

  • Exemple : USDD (Tron) ou feu TerraUSD (UST)
  • Pas de collatéral direct : un algorithme ajuste l’offre en fonction de la demande pour maintenir la parité (ex. 1 USD).
  • Ce modèle est plus risqué et a connu des échecs retentissants.

 

🏦 Les stablecoins remettent-ils en cause le système bancaire ?

Oui, potentiellement, et voici pourquoi :

💸 Désintermédiation bancaire

  • Les stablecoins permettent de transférer de la valeur sans passer par une banque.
  • Cela réduit les dépôts bancaires, donc la capacité des banques à créer du crédit.

🔄 Création monétaire parallèle

  • Le système bancaire crée de la monnaie via le crédit.
  • Les stablecoins, eux, créent une monnaie numérique stable en dehors de ce circuit, souvent adossée à des réserves mais non réutilisée pour prêter.

🧱 Risque systémique

  • Si une part trop importante de la liquidité mondiale est convertie en stablecoins, cela peut affaiblir les banques, réduire leur effet de levier et limiter leur rôle économique.
  • Les régulateurs s’en inquiètent et cherchent à encadrer ces actifs.

 

En résumé : les stablecoins ne remplacent pas encore les banques, mais ils bousculent leur monopole sur la création monétaire et redéfinissent les règles du jeu financier. C’est une révolution silencieuse… mais puissante.

Tu veux qu’on explore comment les banques centrales réagissent à ça ? Ou comment les stablecoins pourraient coexister avec les monnaies numériques de banque centrale (MNBC) ?

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16 juillet 2025 3 16 /07 /juillet /2025 03:39

Le plan Bayrou n'aborde pas la question de l'énergie pourtant fondamentale dans la question des prix et de la compétitivité. En particulier, il n'évoque en aucune façon la question du renouvelable abordée dans notre précédent papier. Nous voudrions aller plus loin en posant la question du modèle fondamental de marché, inaugurée par la loi NOME en 2010, modèle en opposition avec celui en vigueur à l'époque de Marcel Boiteux. 

Quand on dit qu'aujourd'hui une organisation dispose du choix entre le "make" et le "buy" ( le "faire" soi-même sous une autorité et une hiérarchie, ou le "faire- faire" par le biais de contrats discutés sur un marché) on retrouve la grande question des modalités de fonctionnement d' EDF. A l'époque de Marcel Boiteux, EDF était dans le make intégral et l'entreprise fixait administrativement le prix d'une électricité qu'elle produisait centralement. Aujourd'hui, nous avons une situation inverse et EDF est dans une logique de marché concurrentiel. L'électricité n'est plus un produit administrativement défini mais une marchandise classique.

Un grand économiste - Ronald Coase - posait la question , il y a près d'un siècle, de la nature des  modèles de fonctionnement : centralité ou marché ? Il en déduisait qu'à chaque étape de son développement une organisation  devait se poser la question du recours soit à la centralité soit au marché. Et la réponse devait provenir d'une comparaison de coût :  quel coût pour la centralité et quel coût pour le recours au marché. Concrètement, l'entreprise France qui veille à son approvisionnement électrique doit-elle choisir un modèle complètement centralisé (EDF de l'époque de Marcel Boiteux) ou un modèle de marché (celui introduit par la loi NOME de 2010). Ne trouvant rien dans la littérature académique (hormis quelques travaux concernant les obligations d'achat et le marché de capacité) nous avons mobilisé l'intelligence artificielle, mobilisation dont on trouvera ci-dessous le développement.

Question posée à l'IA COPILOT :

"A l'époque de Marcel Boiteux? EDF était un ensemble vertical complètement intégré depuis la production de l'électricité jusqu'à la distribution. Aujourd'hui, nous avons un ensemble éclaté avec des entreprises travaillant sur un marché. L'intégration présentait probablement un coût administratif et de gestion à évaluer. Aujourd'hui, le fonctionnement du marché suppose tout un ensemble de règles nouvelles dont le coût doit être évalué. Peux-tu me donner une comparaison entre les coûts de l'intégration de jadis avec les coûts de fonctionnement du marché aujourd'hui ?"

Réponse de l'IA COPILOT;

Tu poses une question passionnante, Jean, qui touche au cœur de l’évolution du modèle énergétique français. Voici une comparaison structurée entre les coûts de l’intégration verticale d’EDF à l’époque de Marcel Boiteux et ceux du fonctionnement du marché actuel :

 

⚙️ Modèle intégré d’EDF (époque Boiteux)

Caractéristiques principales :

  • Monopole public : EDF gérait la production, le transport, la distribution et la commercialisation.
  • Tarification au coût marginal : conçue pour refléter les coûts réels et optimiser les investissements.
  • Cohérence technique et économique : un seul acteur assurait la planification et la gestion du parc électrique.

Coûts associés :

  • Coûts administratifs réduits : une seule entité, peu de duplication des fonctions.
  • Investissements centralisés : économies d’échelle sur les infrastructures (centrales, réseaux).
  • Gestion simplifiée : pas de coûts liés à la concurrence ou à la régulation multiple.
  • Tarification transparente : les prix reflétaient les coûts de production et d’acheminement.

 

🧩 Marché éclaté actuel

Caractéristiques principales :

  • Multiplicité d’acteurs : producteurs, fournisseurs, distributeurs, régulateurs.
  • Marché de gros et de détail : échanges via bourses (EPEX Spot, Nord Pool), contrats bilatéraux.
  • Régulation complexe : Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), mécanismes comme l’ARENH.

Coûts associés :

  • Coûts de régulation élevés : surveillance, audits, mécanismes de compensation.
  • Coûts de transaction : négociation de contrats, gestion des flux, intermédiation.
  • Coûts de coordination : synchronisation entre acteurs, gestion des congestions réseau.
  • Effets de marché : volatilité des prix, distorsions liées aux subventions (ex. obligation d’achat pour les renouvelables).
  • Surcoûts liés à la concurrence : marketing, démarchage, marges commerciales.

 

📊 Comparaison synthétique

 

Aspect

Modèle intégré EDF (Boiteux)

Marché actuel

Nombre d’acteurs

Unique

Multiples

Coûts administratifs

Faibles

Élevés

Tarification

Coût marginal optimisé

Prix de marché (souvent volatiles)

Investissements

Planifiés et centralisés

Fragmentés, parfois spéculatifs

Coordination

Intégrée

Complexe

Transparence des coûts

Forte

Faible

Coûts de régulation

Limités

Importants

 

 

Ce qui est fascinant, c’est que Marcel Boiteux lui-même avait anticipé certaines limites du marché, notamment l’incapacité du coût marginal à couvrir les investissements à long terme sans cohérence tarifaire.

Souhaites-tu que je creuse l’impact sur les consommateurs ou sur les investissements dans le nucléaire et les renouvelables ?

Conclusion:

L'IA n'aborde pas la question des modalités d'un fonctionnement de marché qui reste très largement artificiel en raison de l'impossibilité technologique du stockage de l'électricité. L'IA n'évoque pas le très grand nombre de régulateurs et d'agences qui le font fonctionner ( Agence de Coopération de l'Energie, Commission de Régulation de l'Energie, Direction Générale de l'Energie et du Climat, Autorité de la Concurrence, etc.) Elle n'évoque pas les contrats exotiques que l'on ne rencontre nulle part ailleurs ( Contrats pour différence, Power purchase agreement, contrat d'allocation de de production nucléaire, versement nucléaire universel, Obligation d'Achat, certificat de capacité, contrats de partage de la modulation, contrats d'effacement, etc.) L'interaction sociale générée par ce monumental dispositif consomme près de 500 cadres chez EDF et probablement plusieurs milliers de fonctionnaires et collaborateurs au niveau de l'ensemble du marché. Il génère également tout un  dispositif attaché à la spéculation financière sur les marchés. 

On peut se féliciter de l'aide apportée par COPILOT, et Il est à tout le moins regrettable qu'aucune évaluation sérieuse n'ait été entreprise en utilisant les travaux et conclusions de Coase. Les modalités organisationnelles de l'approvisionnement électrique de la France sont elles efficientes? Les marchés politiques y ont répondu par l'idéologie de la loi NOME et les économistes semblent en avoir respecté les conclusions sans jamais creuser les véritables questions.

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10 juillet 2025 4 10 /07 /juillet /2025 14:00

Sans aucune analyse le quotidien les Echos informe ce jour que le solaire fut en juin la principale ressource d'électricité à l'échelle de l'UE. Très descriptif l'article figure en gros titre en première page. Nous avons de notre côté interrogé l'intelligence artificielle COPILOT à partir du prompt suivant:

"Le solaire était en juin la première source d'électricité en Europe. La consommation étant plus faible en été, on peut penser que la règle de la priorité a du obligé toutes les centrale pilotables à réduire leur production. Pour la France étant donné la grande part du nucléaire on peut donc penser que les centrales nucléaires françaises ont très fortement réduit leur production. Cela veut-il dire que finalement c'est le nucléaire français qui paie le prix du renouvelable? Est-ce juste? Car cela revient aussi à dire que le profit sur le solaire est payé par une dégradation de la situation économique d'EDF.

 

Réponse de COPILOT:

Tu mets le doigt sur une tension réelle dans la transition énergétique française : celle entre la montée en puissance des renouvelables et la place historique du nucléaire dans le mix électrique.

🔆 Ce qui s’est passé en juin 2025

  • Le solaire a représenté 22,1 % de la production électrique européenne, dépassant pour la première fois le nucléaire (21,8 %).
  • En France, le solaire a atteint un record avec près de 10 % de la production nationale.
  • La consommation étant plus faible en été, et les renouvelables bénéficiant d’une priorité d’injection sur le réseau, les centrales pilotables (dont le nucléaire) ont effectivement dû moduler leur production.

⚛️ Le nucléaire comme variable d’ajustement

  • En France, le nucléaire est hautement pilotable, mais cette modulation n’est pas sans coût : elle peut accélérer l’usure des réacteurs, réduire leur rentabilité, et compliquer la gestion du parc.
  • EDF, en tant qu’exploitant, voit ses revenus impactés quand elle doit vendre moins d’électricité ou à des prix plus bas, alors que les renouvelables bénéficient souvent de tarifs garantis ou subventions.

💸 Qui paie le prix ?

  • On peut dire que le nucléaire subit une forme de cannibalisation économique par les renouvelables, surtout quand ces dernières sont subventionnées et prioritaires.
  • Cela crée une situation paradoxale : EDF investit dans le nucléaire, mais doit parfois ralentir sa production pour laisser la place à des installations solaires souvent privées, parfois importées, et subventionnées.

⚖️ Est-ce juste ?

  • D’un point de vue économique, cela peut sembler déséquilibré, surtout si EDF doit absorber les pertes sans compensation.
  • D’un point de vue climatique, la priorité aux renouvelables est cohérente avec les objectifs de décarbonation.
  • Mais politiquement, le débat est vif : certains sénateurs et experts dénoncent le fait que le nucléaire devienne une variable d’ajustement, alors qu’il est censé être le pilier du mix décarboné français.

Tu soulèves donc une vraie question de justice énergétique. Faut-il revoir les règles de priorité ? Ou mieux intégrer le nucléaire dans la stratégie de transition ? On peut creuser ça ensemble si tu veux.

Nous laissons au lecteur le soin de réfléchir à la question déjà débattue dans le blog de la présence croissante du renouvelable sur l'avenir du nucléaire français et de l'industrie correspondante.

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5 juillet 2025 6 05 /07 /juillet /2025 09:47

On peut s'étonner des débats et conflits  actuels sur l'organisation de l'infrastructure concernant l'électricité (France en particulier) , l'organisation de l'infrastructure ferroviaire (Suède notamment) , l'organisation de l'infrastructure monétaire (Europe en particulier). Historiquement, ces infrastructures assurant la circulation - de l'énergie, des personnes, de l'argent, etc.-  étaient soit publiques  (sous la forme d'un monopole), soit éclatées sous la forme d'entreprises en concurrence  (par exemple le secteur bancaire chargé collectivement de la circulation de la valeur). Ces dernières décennies, ces infrastructures semblaient prendre la direction d'une voie commune, celle d'une dispersion ou d'un éclatement transformant les productions en marchandises achetables sur des marchés. C'était le cas de l'électricité qui devenait un produit spéculatif côté sur des marchés spot ou de gros. C'était aussi le cas du rail qui, un peu partout, devenait activité privée (Grande Bretagne, Suède, voire France). Bien évidemment,  l'Union Européenne devait chapeauter le processus. D'une certaine façon, ces infrastructures rejoignaient celle de la finance, éclatée depuis longtemps, avec même une impossible mutualisation des risques pourtant souvent exigée par Bruxelles.

Curieusement, les temps semblent changer avec ce qui apparait d'abord comme une réflexion mais aussi comme un très vaste mouvement de recentralisation plus ou moins clairement affirmé, voire plus ou moins mené clandestinement. C'est bien évidemment le cas du rail où l'on voit une renationalisation ( Grande Bretagne, Suède, mais aussi France avec une  SNCF peu disposée à la dispersion d'un outil monopoliste). C'est aussi le cas des infrastructures électriques et - plus curieusement, voire mystérieusement - monétaires sur lesquelles il convient de s'appesantir.

 

,,,,D'abord l'infrastructure électricité.

Il devient de plus en plus difficile de gérer correctement des électrons qui ne se transforment pas en marchandise classique. Sur un marché classique, l'ajustement entre offreurs et demandeurs se réalise certes par les prix mais aussi par des stocks qui peuvent en fonction des conjonctures s'accroître ou diminuer. De plus la réactivité de l'offre ajoute à la souplesse et il est généralement possible pour les divers offreurs d'augmenter ou de diminuer la production. De ce point de vue, l'électron est une exception qui peut devenir radicale : l'électricité n'est pas stockable et certaines de ses nouvelles usines de production sont peu fiables car intermittentes (éolien, solaire). Alors qu'un marché de  marchandises classiques  peut rester libre, un marché de l'électricité doit faire l'objet d'une organisation rigoureuse, et tellement détaillée qu'on se rapproche d'un système autoritariste voire dictatorial. D'où cette impression de faux marché difficilement maitrisé par des milliers de fonctionnaires ou quasi fonctionnaires devenus, bizarrement,  indépendants de l'Etat. Pensons par exemple à ceux de la CRE (Commission de Régulation de l'Energie).  Sans l'électricité renouvelable et sa non fiabilité, on peut encore imaginer un système décentralisé qui peut réagir aux fluctuations de la demande. On peut même penser que les prix de marché qui se formeraient, seraient dictés par la règle du coût marginal. Tel n'est plus le cas avec un potentiel productif qui devient de moins en moins fiable avec le développement du renouvelable. De ce point de vue, on commence à voir les drames se produire dès que le renouvelable trop présent ne permet plus aux centrales classiques- devenues collectivement trop faibles en puissance installée- de réagir aux fluctuations de la demande. Tel est le cas du black out de près d'une journée sur le continent ibérique en Avril dernier : Parce que les électrons issus du renouvelable ne pouvaient plus être massivement produits? les centrales pilotables se sont retrouvées en difficulté pour augmenter massivement leur production ;  D'où les variations de tension et les effets dominos de la panne généralisée. Dès que le non fiable prend du poids dans le mix énergétique, il doit prendre appui sur des unités fiables mais de force plus réduite en raison de sa propre prise de poids.  Clairement, ce qui vient de se passer sur le continent ibérique doit  se reproduire, sauf à faire appel à davantage de connexion avec une France - elle même fragilisée par la prise de poids de son renouvelable -  invitée à porter secours à un système dont la fragilité est l'effet inattendu des choix politiques espagnols. 

Plus clairement encore, le fait de transformer en marchandise les électrons est à l'origine d'un montage industriel d'une branche professionnelle qui ne peut satisfaire les besoins. Dans le monde industriel classique on ne saurait procéder à de tels montages. Ainsi une usine d'assemblage de voitures qui serait défaillante n'est pas compensée par la construction d'une autre usine du même type génératrice de surcoûts. Concrètement, l'outil défaillant est abandonné au profit d'un outil plus fiable. Dans le choix de la marchandisation de l'électron produit à partir de l'éolien on est dans l'irrationalité et on espère gagner en fiabilité en multipliant les éoliennes et leur interconnexion.

Plus grave est le fait que les industriels de l'éolien connaissant le caractère inéluctablement défaillant de leur outil, vont exiger des garanties pour investir. Un peu comme si à propos des chaînes d'assemblages de voitures, on demandait à l'Etat de garantir la rentabilité économique sur l'outil. C'est très exactement ce qui se produit dans l'infrastructure électrique où l'Etat garantit le prix d'achat des électrons éoliens et garantit le débouché en exigeant la priorité de l'électron éolien sur les réseaux...au prix de la modulation du nucléaire, c'est à dire au prix de la diminution autoritaire de la production nucléaire. Une telle garantie de la rentabilité de l'éolien revient alors à placer ladite industrie en position rentière.  D'où l'intérêt des rentiers de la finance avec la précipitation des edge funds et fonds de pension vers l'éolien. En sorte que la non fiabilité est payée plusieurs fois : par le contribuable, par EDF qui distrait une partie des agents des salles de contrôle au respect de la modulation et de la perte de production, par le consommateur victime potentielle des pannes et de prix artificiels. 

Réalité méconnue du grand public depuis la disparition du grand monopole EDF (Loi NOME de 2010) le débat est en train de renaître, divise toutes les entreprises politiques, et sera vraisemblablement tranché au cours des deux prochaines années. Bien évidemment cela supposera de grandes transformations sur les marchés politiques avec des ruptures idéologiques majeures. 

,,,,Ensuite l'infrastructure monétaire

Les choses sont ici encore plus complexes et peu d'acteurs de la branche sont conscients de la réalité et de ses forces transformatrices. De fait, l'actuelle infrastructure électricité avec ses centrales et ses réseaux de transport ressemble un peu à l'infrastructure monétaire. Nous avons des banques qui produisent de la monnaie et la font circuler dans un cadre décentralisé et marchandisé. Avec ici des risques de pannes consécutives aux comportements des usagers. Ainsi une banque qui voit ses dépôts circuler vers d'autres banques peut devenir victime d'un bank run aux effets indésirables sur d'autres banques. Un peu comme les variations de tension sur les réseaux électriques qui peuvent entrainer une panne globale, ici une crise bancaire.

La présente conjoncture fait que si dans l'industrie de l'électricité on devait se diriger vers des choix inappropriés dans un cadre de fragmentation ( transformer l'électron en marchandise) dans le cadre de l'industrie bancaire on se dirige possiblement vers des choix rationnels porteurs de centralisation voire de renationalisation. De ce point de vue le débat encore très secret sur l'infrastructure monétaire est assez comparable à celui de l'électricité. Mettre fin aux crises financières voire de dettes passe par une renationalisation comme mettre fin aux risques de black out consiste à mettre fin au faux marché de l'électricité. Les choses sont ici d'une grande simplicité mais politiquement encore beaucoup plus difficiles que ce qui se passe dans les débats sur l'électricité. Concrètement, et en simplifiant, il est proposé de créer un euro numérique de banque centrale censé moderniser les flux monétaires basés sur les billets. Les paiements en espèces disparaitraient au profit du smartphone et d'un porte feuille numérique reposant sur des comptes à la banque centrale.

Un tel dispositif n'est pas que technique et se trouve porteur d'une révolution inacceptable pour le système bancaire décentralisé d'aujourd'hui. Présentement encore, les banques portent les comptes des entreprises et  des particuliers à leur passif, une réalité qui constitue la matière première de leur activité, en particulier la création monétaire. Parce que les dépôts nourrissent des crédits qui eux mêmes nourrissent d'autres dépôts, les banques, mêmes celles numérisées appelées néo banques, ne peuvent accepter une menace sur la maitrise des dépôts. Or, de ce point de vue, en créant une monnaie numérique de banque centrale, le siphonage des comptes par la seule banque centrale devient une menace existentielle pour le système décentralisé. En effet, au nom de la simplicité, on ne voit pas pourquoi les comptes des entreprises, des particuliers, voire du Trésor lui-même ne se déplaceraient pas vers le passif d'une banque centrale redevenue banquier monopoleur... Comme EDF était le producteur monopoleur de l'électricité et la SNCF monopoleur du transport par rail...

Bien évidemment les débats - largement édulcorés dans les médias qui ne se rendent pas compte du formidable enjeu de recentralisation - font rage entre les banques et leurs représentants et les banquiers centraux. Ces derniers, souvent issus eux-mêmes du monde de la finance, savent à quel point les nouvelles technologies rendent probablement inéluctables la grande transformation de l'infrastructure monétaire. Et, de ce point de vue le débat apparent sur la limite qui pourrait être fixée au déménagement des comptes privés depuis les banques vers la banque centrale, n'est qu'un combat d'arrière garde. Ce sont en effet les clients qui eux-mêmes au nom de la rationalité et de la sécurité des transactions vont exiger quelque chose comme un monopole des banques centrales. 

Nous n'en sommes pas encore là et pour le moment les nouvelles technologies qui tournent autour de la blockchain semblent produire un double effet de privatisation et de renationalisation de la monnaie. Les banques qui se savent menacées, accélèrent le grand mouvement de la création des stable coin, y compris en l'intégrant dans les jeux de la finance et en se passant de la banque centrale. De quoi devenir autonome dans le service de livraison des titres qui jusqu'ici mobilise la monnaie centrale. Simultanément les banques centrales semblent vouloir accélérer la création de la monnaie numérique de banque centrale. Dès le troisième trimestre 2026 (Initiative Pontes) les transactions numériques pourront s'opérer à partir de la nouvelle monnaie numérique de banque centrale. De quoi bloquer la privatisation de la monnaie.

Derrière ces grands mouvements très parallèles, nous retrouvons bien sûr la problématique de la souveraineté et, bien au delà, de celle du sens à retrouver dans l'action collective. Les mouvements de décentralisation et d'émiettement allaient dans le sens de la fin de l'histoire: il n'y a plus rien à faire et à construire. Les débats actuels sur les infrastructures forgent peut-être celui du retour du sens. 

Jean Claude Werrebrouck le 7 juillet 2025 

 

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24 juin 2025 2 24 /06 /juin /2025 08:39

EDF peut claironner son rétablissement et publier des chiffres encourageants. Il est exact que la production d'électricité nucléaire a augmenté en 2024 pour atteindre 361TWH, soit une hausse de 13%. Cette hausse signifie aussi une forte amélioration de l'engagement de chaque centrale dans la production de KWH, ce que les spécialistes appellent le "facteur de charge". Ce qui distinguait jusqu'ici les centrales françaises des centrales étrangères et en particulier américaines était la faiblesse de l'engagement de l'outil de production, les centrales françaises avaient vu leur facteur de charge descendre jusqu'à moins de 60% alors que les quelques 90 centrales américaines ont pu monter jusqu'à 93%. L'an dernier avec une puissance disponible de 61GW, il a pu être mis à la disposition du marché 361 TWH, soit donc un taux d'utilisation de 67,5 %. Net progrès par conséquent que l'on doit probablement à la remise en activité des réacteurs arrêtés pour cause d'usures techniques dont la corrosion anormale sur certaines pièces. 

Pour autant avec un parc réparé et bien utilisé - malgré quelques inquiétudes sur la centrale de Civaux - il faut se poser la question d'un facteur de charge certes amélioré mais encore très loin de ce qui est techniquement possible, c'est - à - dire environ 90%

Il nous faut ici apporter quelques précisions.

Tout d’abord, il faut distinguer entre disponibilité et utilisation. Une centrale peut être disponible pour une production immédiate et non utilisée en raison d’une demande insuffisante. Il y a donc lieu de distinguer ces deux aspects dans ce qu’on appelle le facteur de charge. De façon plus détaillée encore il y lieu de voir dans quelle mesure une non utilisation correspond à une demande insuffisante ou au contraire à un choix économique d’EDF. En effet si en raison d’un prix trop faible ( beaucoup de vent , de soleil, d’eau disponible) il y a abondance de l'offre et baisse des prix, les coûts variables des centrales ne sont plus couverts par les prix de vente, il convient de baisser la production. RTE qui gère l’ajustement entre production appelée et production demandée ne peut donner d’informations journalières précises et donc finalement il est difficile de détailler les composantes du facteur de charge.

Le facteur de charge du nucléaire français s’est révélé historiquement  beaucoup plus faible que partout ailleurs dans le monde ( en moyenne 75% contre 90%). La raison résulte du choix d’une électricité largement nucléaire. Si en effet l’essentiel de l’électricité est produit avec du nucléaire -jusqu’à 80%- alors l’ajustement de la production à la demande est très largement porté par le nucléaire ; les centrales ne peuvent fonctionner en permanence à pleine puissance et doivent s’ajuster aux périodes de basse consommation. A l’inverse, aux USA malgré le grand nombre de centrales (90), le nucléaire ne représente qu’une faible part dans le total de l’électricité ( moins de 20%). Les centrales américaines peuvent donc fonctionner à pleine puissance tout au long de l’année, ce qui ne peut être le cas des centrales françaises. Concrètement c’est le matelas de l’électricité fossile qui permet l’ajustement facile entre énergie produite et énergie appelée. Si le matelas est peu épais en raison de la forte présence du nucléaire, alors ce dernier doit payer le prix de la modulation. Le mauvais classement des centrales françaises ne correspond donc nullement à des insuffisances techniques.

Par contre, ce que l’on sait est qu’une infrastructure énergétique composée d’une forte proportion d’unités intermittentes – donc non pilotables - doit être plus lourde qu’une infrastructure entièrement pilotable.

Prenons un exemple pour mieux comprendre. Soit une infrastructure électrique comportant une puissance de 80 de nucléaire et 20 de renouvelable. Si le pic de la demande est de 100, on aurait tort de croire que pour autant l’infrastructure est suffisante,  voire excessive lors des périodes de basse consommation. En effet le renouvelable étant aussi intermittent, il ne donne  que 20% de sa puissance disponible (périodes d’absence de vent ou de soleil). Selon les chiffres proposés,  l’électricité disponible se monte à 80 (le nucléaire pilotable) + 2 ( renouvelable) = 82. La panne est assurée. Pour garantir la sécurité du réseau il faut donc, soit augmenter le dispositif pilotable, soit augmenter le dispositif du non renouvelable. Si nous sommes dans un monde qui se bat contre le nucléaire et n’accepte plus le pilotable classique (énergies fossiles) il faut par conséquent multiplier par 5 la puissance émise par le vent et le soleil. En effet en disposant non plus de 20 mais de 100 de renouvelable, on dispose effectivement de 100 x 0,2 = 20. La conclusion est donc que plus on se dirige vers les énergies renouvelables et plus l’infrastructure électrique du pays doit être de grande dimension. Et les seules limites dans la course à la dimension sont les investissements de stockage et les politiques favorisant l’effacement lors des pics d’appels.

Si maintenant dans une infrastructure mixte ( nucléaire + Fossile + barrages+ renouvelable) existe clairement une politique favorisant le renouvelable, cette dernière doit être de grande dimension en raison de son rendement très faible. Favoriser le renouvelable c’est orienter très massivement les investissements vers ce type d’infrastructure.

Dans le même temps si on rejette les autres infrastructures pilotables ( fossiles ) le poids de la modulation se trouve reporté sur le nucléaire. Plus la masse d’énergie intermittente est grande et plus sa priorité sur le réseau doit se faire intense. En effet pour arriver à une moyenne de 20% de la puissance active il faut qu’en période de grand vent ou de grand soleil on réduise massivement la production du nucléaire. Dans notre exemple numérique si l’on veut bénéficier en totalité des faibles rendements du renouvelable, il faut des moments où la production du renouvelable soit de 200…et réduire à zéro la production nucléaire…décarbonée…

Cette réalité est un peu celle vécue par EDF. Et l'entreprise complétement immergée dans les questions de l'éolien et du solaire, ne peut évidemment guère évoquer un quelconque choix stratégique permettant l'effacement des ENT pour augmenter son taux de charge. D'où les choix du nouveau président en termes de diminution des frais généraux et au mieux des investissements sur l'hydraulique à priori plus faciles pour améliorer les stockages (stratégie des STEPS).  

D'où l'intérêt du moratoire sur l'éolien et le solaire voté par l'assemblée Nationale....

Jean Claude Werrebrouck -  24 juin 2025

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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19 juin 2025 4 19 /06 /juin /2025 16:52

Le nombre d’étudiants en médecine est à nouveau en débat. Le numerus clausus  remplacé par le numerus apertus  ne donne pas davantage satisfaction et le ministre de la santé voudrait l’ouvrir davantage pour répondre aux besoins. C’est sans compter avec la conférence des doyennes et doyens des facultés de médecine qui considère que ces dernières ne peuvent accueillir davantage d’étudiants.

Un rapide historique s’impose pour saisir la réalité du paysage universitaire médical. Le numerus clausus, imaginé sous l’influence des professeurs de médecine de l’époque, a "permis" un effondrement de l’accès des étudiants en seconde année avec un passage de 8588 étudiants en 1972 à 3850 en 2000. Cet effondrement politiquement décidé, année par année au terme d’une rencontre entre Doyens, Ministère de la santé et Ordre des médecins devait se dérouler dans un contexte de forte croissance démographique (passage d’une population totale de 55 à 65 millions), de fort vieillissement, d’un grand élargissement et approfondissement des thérapies,  et d’un désir de diminution du temps de travail des jeunes médecins.

Cette baisse colossale des effectifs dans toutes les années du temps de formation ne s’est pas déroulée dans un cadre de diminution des moyens alloués aux Universités : augmentation continue du nombre  d’établissements qui vont passer de 28 à 34,  plein bénéfice du plan « Université 2000 » qui va autoriser une modernisation et un agrandissement des facultés, et surtout une augmentation de l’encadrement pédagogique. Ainsi au moment du choc du numerus clausus (1972) l’encadrement en termes de professeurs de médecine – les PU-PH - va monter tout doucement et passer de 2200 professeurs à environ 2600 alors que le nombre d’étudiants passe de 8588 à environ 6500. Plus tard encore, les choses vont encore s’améliorer et on disposera de 3200 professeurs pour 3850 étudiants accueillis. Cela signifie un taux d’encadrement qui, durant la période du numerus clausus, passe de 3,9 à 1,2. Les 20 dernières années du 20ième siècle furent ainsi l’âge d’or des facultés de médecine qui vont fonctionner à rendements décroissants (plus de moyens contre une production considérablement plus faible de médecins). Vu de plus loin et en termes plus économiques les facultés de médecine vont passer d'une production indicielle de 100 dans les années 70 à 44 dans les années 2000. Effondrement dans un cadre douillet où l'on verra des présidents d'Universités accueillir joyeusement des premiers ministres voire Présidents de la République au titre d'une inauguration de bâtiments et moyens nouveaux  chargés de produire de moins en moins. Nous laissons au lecteur le soin de réfléchir sur les rentes d'improductivité correspondantes.  Pour mieux percevoir encore, imaginons une industrie automobile dans laquelle les actionnaires multiplient le nombre de petites usines plus modernes et plus coûteuses pour produire moins. Il existe sans doute des rentes de productivité dans l'industrie automobile mais jamais de rente d'improductivité.  

Un nouveau monde sans doute moins confortable s’ouvre aujourd’hui pour les facultés de médecine.

La fin du numerus clausus et la courte vie de son successeur feront que le nombre d' étudiants va considérablement augmenter et ce,  même si on restera très loin de la période des années 60 du siècle passé. Avec 11341 étudiants en 2022 et 12000 en 2025, on restera - compte tenu du contexte déjà évoqué sur les questions démographiques -  en dessous du potentiel des années 60. Ajoutons que les médecins d’aujourd’hui sont  plus âgés et que les départs en retraite sont infiniment plus importants qu’au cours des années 60. Ajoutons aussi que des corpus réglementaires nouveaux « consomment » des effectifs non négligeables de médecins pour des missions relevant d’un élargissement de l’Etat-providence. Pensons par exemple  aux milliers de médecins coordonnateurs dans les Ehpad.

Par contre, cette augmentation rapide qui pourrait encore s’accroître avec un objectif de 16000 étudiants en 2027 est très combattue par la conférence des doyennes et doyens. Cette dernière affirmant que le potentiel d’encadrement dans les facultés n’est pas suffisant. Effectivement on observe que le nombre de PU-PH n’augmente que très peu avec probablement aujourd’hui moins de 3500 professeurs pour 12000 étudiants soit un taux d’encadrement qui tournerait à 3,5, donc  un chiffre qui marque la fin de l’âge d’or des facultés de médecine et le retour à l’avant numerus clausus.

Ce qu’il y a de singulier dans cette histoire est que le numerus clausus disparu n’a pas fini de faire mal au pays. C’est en effet cette  mesure très inappropriée - et que personne n’a contesté pendant près d’un demi-siècle – qui empêche durablement d’élargir la cohorte des professeurs de médecine. Le numerus clausus n’ a pas fait diminuer le nombre de professeurs en fonction mais il  a diminué la production de nouveaux médecins,  cohorte dans laquelle on devait trouver de nouveaux professeurs… qui vont tarder à arriver dans les amphithéâtres et ces lieux de formation que sont les chambres  des malades. Oui, comme le remarque certains, il sera difficile dans une petite chambre d’hôpital d’enseigner et de pratiquer en étant entouré de 20 internes. Le numerus clausus et sa pratique scandaleuse pendant plus de 30 ans n’a pas fini de développer ses effets pervers.

 

Jean Claude Werrebrouck

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  • : Le Blog de Jean Claude Werrebrouck
  • : Analyse de la crise économique, financière, politique et sociale par le dépassement des paradigmes traditionnels
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