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12 janvier 2012 4 12 /01 /janvier /2012 08:49

 

L’utilisation du terme « indépendance » pour qualifier ce qui serait la réalité des banques centrales est à lui seul problématique.

Un signifiant qui ne correspond pas au signifié

 Dans sa conception première, il signifie une absence de relation et donc bien sûr une absence de tout lien hiérarchique. C’est sans doute le paradigme  mathématique qui exprime le mieux cette absence de lien lorsque l’on parle de « variables indépendantes ». Or la réalité des banques centrales ne saurait correspondre à cela, sauf à considérer qu’elles constituent des pièces complètement détachées du système social dans lequel elles s’activent. L’emploi d’un terme qui ne saurait correspondre à la réalité a donc un sens : il s’agit d’exprimer une représentation souhaitée du monde, plutôt que d’en désigner la réalité. Plus correct serait l’emploi du terme autonomie. Expression qui a été largement éradiquée  car trop réductrice aux yeux des promoteurs des nouvelles banques centrales : parler d’autonomie est en effet immédiatement interprété comme dépendance d’un système qu’il faut questionner. Or précisément, il s’agissait au moment de la construction et de la généralisation des nouvelles banques centrales, de se dégager de l’idée de dépendance.

Curieusement, il s’agit toujours de banques  proches des Etats mais dès leur naissance – dixseptième siècle pour la première, mais surtout 19ième pour la France, l’Allemagne, etc. -  elles furent symboliquement relativement éloignées de leurs géniteurs. Pour une raison simple : assurer ou restaurer une confiance monétaire très souvent malmenée historiquement. La monnaie est certes pure convention, mais on le sait, pure convention qui a découlé dans les mondes marchands d’un mimétisme produisant le métal comme loi d’airain. Et chaque fois que les entrepreneurs politiques ont cherché à sortir de leur prison monétaire, le prix en fût très élevé. Les premières banques centrales modernes, bien que de conceptions diverses se rattachent toutes à cette idée : il nous faut, nous entrepreneurs politiques, afficher le respect de la loi d’airain, reconnaitre que la monnaie est- de fait- tout sauf une convention sociale.

Lorsque des évènements graves se produisent - 1848, 1870 en France ; 1914 dans les pays belligérants de la première guerre mondiale – le non respect de la loi d’airain n’est accepté qu’en raison de la reconnaissance du caractère exceptionnel du moment, avec la certitude du retour au métal dès que possible. D’où les très grandes difficultés de l’après première  guerre mondiale, et les gestions calamiteuses des premières années de la crise de l’entre deux guerres. De fait, il faudra attendre la préparation de la seconde guerre mondiale, et ultérieurement les 30 glorieuses, pour que l’humanité accepte de s’affranchir de la loi d’airain de la monnaie.

Le succès d’un mot …

Si le terme d’indépendance est relativement peu employé, il faudra attendre les années 1970 pour le voir monter en puissance. A la même époque se développe parallèlement, dans beaucoup de pays, de nouvelles institutions dites indépendantes. Celles-ci désignées en France par l’expression d’ « Autorités Administratives Indépendantes » sont chargées d’assurer la régulation d’un secteur, et se rapprochent souvent des entreprises pour mieux coopérer, voire les surveiller ou les sanctionner. Encore peu nombreuses en France- environ une quarantaine- elles le sont bien davantage en Allemagne (189) , aux Pays-Bas, en Grande Bretagne etc. De fait, il s’agit d’un vaste mouvement qui correspond à une étape de l’aventure étatique, celle pour laquelle les entrepreneurs politiques - au-delà de la concurrence démocratique qui existe entre eux pour le contrôle des outils de la contrainte publique – sont amenés à partager le contrôle avec des groupes privés. Là aussi le terme « d’indépendance » est incorrect, et la jurisprudence du Conseil Constitutionnel considère encore les AAI comme des administrations de l’Etat, mais il est employé, car il correspond bien à l’idéologie du moment.

Le logiciel du droit traditionnel est fort gêné par cette transformation de forme d’action de l’Etat, d’où en France l’inquiétude d’un Sénat qui parle « d’objets juridiques non identifiés » pour désigner les AAI, ou l’utilisation  d’expressions forts étranges pour le juriste, comme celle de « personne publique sui generis ». Appellation qui deviendra pourtant la règle pour la banque centrale, après le Traité d’Amsterdam qui va en faire une institution particulière présentant des caractéristiques propres, ce que confirmera, en France, le Conseil d’Etat dans un avis en date du 9 décembre 1999.

…Que la science va justifier

Mais cette idée de séparation d’un certain nombre d’entités jusqu’ici rattachées à la machinerie étatique, en particulier les banques centrales, est d’abord le fait de la théorie économique. Théorie économique qui aura parfois tellement peur de la non indépendance qu’elle recommandera l’absence de banque centrale. C’est évidemment le cas de la théorie autrichienne, avec sa forte influence aux USA pour retarder la création de la FED, laquelle ne verra le jour qu’en décembre 1913. C’est que, même indépendante de l’Etat,  une banque dite centrale n’a pas à développer en tant que prêteur en dernier ressort , de par sa seule présence un risque de « moral hazard ». D’où la dissolution de la « Second Bank of the United States » en 1830 par le président Andrew Jackson.

150 années plus tard, lorsque se déploie à nouveau l’idéologie de l’indépendance, avec ce que Jean Pierre Patat va appeler « l’ère des banques centrales », la théorie économique va largement profiter, d’une montée empiriquement vérifiée de la stagflation, pour mettre en valeur les vertus supposées d’une indépendance.

D’abord en attaquant le modèle keynésien interventionniste, et en révélant la verticalité croissante de la courbe de Phillips, les monétaristes vont affirmer, que l’injection autoritaire de monnaie supplémentaire, laissera le taux de chômage à son niveau naturel, tandis que la confiance dans la monnaie faiblira en raison de l’inflation . Si Friedman s’insurge contre « la manipulation par l’Etat » de la politique monétaire, il n’ira toutefois pas jusqu’à recommander l’indépendance des banques centrales, en raison des craintes qu’il exprime, au regard d’une telle concentration de pouvoirs, au profit de personnes elles mêmes exemptes de tout contrôle politique. A peu prés à la même époque, T Sargent et N Wallace confirmeront l’ineptie d’une « manipulation par l’Etat » de la monnaie en raison des anticipations rationnelles.

Ces premières attaques se feront aussi sur la base d’un nécessaire retour à la stabilisation des prix, stabilisation érigée en bien public. Il s’agit là d’un retour à la loi d’airain de la monnaie sous une forme modernisée : certes on peut désormais se passer de l’or, mais se libérer de toute contrainte monétaire ne permet pas de promouvoir la confiance des épargnants, lesquels exigeront des primes de risques, et donc feront monter les taux de l’intérêt. Avec les conséquences souvent reprises par ces banquiers centraux entrain de conquérir leur indépendance, à savoir la non maximisation de la croissance et de l’emploi.  Evidemment la démonstration n’est guère convaincante, et il suffit de se plonger dans le passé, pour constater que dans les périodes de forte répression financière, où la notion de prime de risques n’avait guère de sens, la croissance était plus vive, et le plein emploi souvent constaté. De fait, la théorie économique n’a jamais pu être convaincante sur le sujet, et aurait pu  se borner à expliquer quels intérêts, en tout premier lieu, allaient être satisfaits en organisant l’éloignement de l’Etat.

Ces premières attaques au profit de l’indépendance, pouvaient très bien se solder par une indépendance de fait des banques centrales, sans toucher à leur réalité institutionnelle. Il suffisait au fond, de dénoncer toute manipulation politique, et d’exiger que les Etats laissent une complète autonomie de gestion aux banquiers centraux. Mais les développements de la théorie économique iront plus loin et il en découlera une impérative mise en cause organisationnelle des banques centrales.

Des travaux économétriques vont révéler –Bade et Paker (1985), Alesina et Summers (1993), Fischer (1994) – une forte corrélation entre inflation et degré d’indépendance des banques centrales : plus les banques sont indépendantes et plus la stabilité des prix est assurée. Certains de ces travaux en appelleront d’autres à vocation utilitaire. Ainsi GrillI, Masciandaro et Tabellini vont mettre sur pieds un indice, comportant pas moins de 16 variables, permettant de mesurer le niveau d’indépendance des banques centrales. D’autres travaux – notamment la théorie du cycle électoral de Nordhaus (1975) -vont révéler l’irrépressible tentation d’utiliser la politique monétaire à des fins électorales. Travaux qui seront confirmés par de très nombreux autres : Kydland et Prescott (1977), Barro et Gordon ( 1983). Ces derniers vont utiliser la théorie des jeux pour montrer que les stratégies dominantes des entrepreneurs politiques et des agents privés vont aboutir à un « détestable équilibre de Nash ». Avec comme seules solutions possibles pour sortir de ce « dilemme du prisonnier » : la réputation ou la délégation. Comme les entrepreneurs politiques auraient depuis longtemps épuisé leur capital de confiance, il ne reste plus que la délégation du pouvoir monétaire à la banque centrale, laquelle n’aurait comme seul objectif que la stabilité des prix. Tous ces travaux furent à l’origine de très nombreuses thèses universitaires allant souvent dans le même sens, même si parfois des études critiques relativisaient ce formidable engouement pour l’indépendance des banques centrales ( Cukierman 1992).

Hélas, il faut se méfier de tout

Mais bien évidemment, on sent qu’il faudrait aller beaucoup plus loin : qui peut nous assurer de la crédibilité de la banque centrale ? Si la réputation des entrepreneurs politique n’est pas rattrapable, comment forger celle des banquiers centraux ?

Non seulement l’indépendance devient une exigence, mais il faut l’assortir de nouvelles contraintes. D’où, au-delà d’une indépendance juridique, exiger des plans organisationnels et comportementaux, efficients, et donc rassurants, sur l’objectif de stabilité des prix. Là encore, les travaux universitaires se sont multipliés. Ceux de K Rogoff  (1985) conduiront seulement à la prudence : il faut choisir un banquier central très réputé pour sa très forte aversion à l’inflation. Ceux de Blinder (2000) n’iront pas beaucoup plus loin : il faut jouer sur l’effet de réputation pour asseoir la crédibilité.  Plus sévères seront ceux de Walsh (1995) qui, dans le paradigme de la théorie de l’Agence, vont déboucher sur la nécessité  de lourdes sanctions financières automatiques envers le banquier central inefficient.

Mais au-delà des comportements, et de la réputation du banquier central, sur quel corpus théorique doit-il s’appuyer, pour effectivement garantir la stabilité des prix ? Faut-il mettre en avant les hypothèses monétaristes au risque de privilégier le long terme sur le court terme ? Faut-il croire dans la théorie des anticipations rationnelles et « surprendre » les agents économiques dans le court terme ? Faut-il privilégier une règle, telle la règle de Taylor dont la simplicité et le bon sens, se heurte à des difficultés de mesure et à de trop fréquentes interventions de taux ?

Et s’agissant de ces règles, il faut aussi, pour maximiser la crédibilité, que l’on soit assuré qu’elles soient prises à bon escient, ce qui veut dire aussi, un fonctionnement relativement transparent. Quelles seraient donc les règles de transparence ? Les travaux sont ici beaucoup moins nombreux, et il est facile de prendre conscience qu’il doit exister des limites à la transparence, notamment au regard des interventions au quotidien sur telle ou telle banque, la présente période montrant à quel point, des développements  systémiques, sont toujours à craindre, à partir de telle ou telle information.

Si l’on résume le chemin parcouru dans le raisonnement : nous sommes parti d’un constat empirique, la stagflation des années 70, pour mettre en cause la théorie keynésienne justifiant la dépendance des  banques centrales vis-à-vis des Etats, ce qui va justifier la séparation, mais surtout qui va justifier une indépendance au seul titre de la stabilité des prix, et stabilité qu’il faudra assurer par une certaine organisation, et un certain fonctionnement des banques centrales.

Mais la vraie question devient alors : pourquoi la stabilité des prix est-elle devenue si extraordinairement importante ?

Une clef pour comprendre…

De fait, la stagflation des années 70, est favorable à l’économie réelle et aux détenteurs d’actifs réels, et simultanément défavorables aux entreprises financière, et à tout ce qui touche la finance. Cela est très lisible dans les bilans. Dans les entreprises industrielles le passif est rogné par l’inflation, tandis que l’actif se trouve valorisé. Les ménages investissant dans le logement, se sentiront dans les années 70, les plus concernés par cette déformation des bilans : l’emprunteur immobilier voit le poids du remboursement de son crédit s’alléger, tandis que l’actif immobilier s’apprécie continument. Les banques connaissent à l’inverse, la poursuite de la répression financière engagée depuis si longtemps par l’Etat. L’actif devrait pouvoir se développer comme il le faisait pour les entreprises industrielles, mais comme il est composé d’éléments financiers, toute augmentation de taille, se paie d’une dévalorisation absolue importante. A l’inverse, les encaisses monétaires figurant au passif, sont frappées d’une taxe d’inflation. De fait, la stagflation des années 70 ne fait que prolonger, par d’autres moyens, les rigueurs de l’antique «  circuit du Trésor ».

Parvenir à la stabilité des prix est donc une révolte, qui ne peut être menée que par les perdants de l’inflation,  avec en tout premier lieu les banques. Il faut donc parvenir à une redéfinition des tâches des entrepreneurs politiques, dont la maitrise des outils de la contrainte publique, et en particulier les banques centrales, doit être rediscutée.

Si maintenant, il peut être trouvé des économistes qui peuvent démontrer l’impossibilité pour les entrepreneurs politiques d’établir la stabilité des prix, et si l’on peut démontrer que seules des banques centrales devenues réellement indépendantes, sont en capacité d’étouffer l’inflation, il y a possibilité de gagner sur deux tableaux : mettre fin au mode hiérarchique de la dette publique, et passer à une économie de dette.

Mettre fin au mode hiérarchique de la dette publique en interdisant aux Etats de s’approvisionner directement auprès de leurs banques centrales, lesquelles voient leurs liens de dépendance financière coupés, c’est la possibilité pour les banques de second rang de voir s’ouvrir un immense marché de la dette publique. Et un marché qui ne peut que s’accroitre, car le choc désinflationniste qui va se mettre en place va alimenter la dette publique : le resserrement monétaire pour cause de lutte contre l’inflation, augmente le coût du service de la dette en formation, et freine l’augmentation attendue des  ressources budgétaires. C’est ce que constatent Richard Black, Donald Coletti, et Sophie Monnier (1997), auteurs qui, regroupant toute une série d’études croient aussi pouvoir montrer sur un mode utilitariste, que le choix de la désinflation est inefficient sur le plan macro économique. Mais la fin de l’inflation correspond au commencement de la dette.

A ce premier intérêt pour les banques, qui se voient assurées d’un débouché croissant, auprès de celui qui est devenu un client, c’est – à-  dire l’Etat, s’ajoute un second : les actifs bancaires peuvent désormais se développer sans réelle limite, puisqu’ils ne sont plus soumis à l’impôt d’inflation. Si désormais existe dans le système financier un gardien crédible de la stabilité des prix, alors les joies de la dette peuvent s’épanouir. Les bilans peuvent grossir : souvent comparables aux bilans industriels des années 60, les bilans bancaires peuvent désormais dépasser la taille du PIB du pays qui les accueille. Chacun aura évidemment en tête celui de la BNP , banque « plus grosse que la France ». Et curieusement, on pourra même choisir un indice des prix, qui pourra laisser de côté tout ce qui est actif, et en particulier tout ce qui est actif non financier pouvant servir d’appui à des actifs financiers. Nous avons là bien sûr l’immobilier et les « commodities » dont la hausse continue n’infirmera pas la parfaite stabilité des prix, mais qui à l’inverse, pourra nourrir l’économie de dette et donc la finance.

Peut-on alors parler d’indépendance et de crédibilité des banques centrales ? Ces mots n’ont guère de sens. Ce qui s’est produit tout au long de la période de désinflation, qui va parallèlement proclamer l’indépendance des banques centrales, et qui va en Europe édifier la BCE, n’est qu’un progressif basculement de rapports de forces entre acteurs sociaux : les entrepreneurs politiques dans leur quête de reconduction au pouvoir, sont amenés à délaisser de vieilles solidarités, par exemple celles qui se sont nouées au moment de la création du « well fare », au profit de la finance.

Fait historique qui permet de comprendre au-delà des définitions économicistes des banques centrales, la vraie nature de ces dernières. D’où la définition que nous proposons :

 « une banque centrale est une institution, logée dans l’interface entre pouvoir financier et pouvoir politique, et chargée d’exprimer le rapport de forces entre les deux, par des actions concernant la circulation monétaire, la monnaie elle-même, et la dette. La position relative des deux pouvoirs : absorption plus ou moins complète de l’un par l’autre, séparation radicale/opposition radicale, coopération mutuellement avantageuse, servitude volontaire, etc. dépend des forces que chacun d’eux mobilisent et organisent, et se trouve être la source ultime de la compréhension des faits monétaires ».

Définition à méditer.

 

 

 

 

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 07:20

Variations historiques des formes d'Etat et correspondances en termes de dette, de monnaie, de structure des banques centrales et de dette publique

Formes de l’Etat

Formes de la dette envers l’Etat

Formes de la monnaie

Formes de la banque centrale/Formes d’action de l’Etat

Réalité et importance de la dette publique

Despotisme

radical

infinie

Absence ou monnaies primitives

Peuple fournisseur infini

Nulle ou inter étatique

Despotisme avec émergence du droit : version1

Infinie mais contestée : dette privée comme externalité négative

Outils de comptage + monnaie de simple circulation

Idem+ annulation régulière des dettes privées pour maximiser la créance publique

Nulle ou inter étatique

Despotisme avec émergence du droit : version 2

finie

Norme monétaire métallique = richesse accumulable

loi d'airain

La mine de métal fonctionne comme banque centrale

Nulle ou inter étatique

Etat moderne

Partage des outils de la contrainte publique

Finie mais contestée et partagée

Norme monétaire métallique= richesse accumulable

Hôtel des monnaies surestarie/dépréciation

Premières banques centrales modernes

Importante et le plus souvent intra étatique

Marchés politiques actifs et démocratie de moyennisation

(compromis fordien)

finie

Renouvellement de la norme monétaire et libération vis à vis de la loi d'airain

Richesse accumulable

 

Généralisation des banques centrales modernes

Rapide réduction

Marchés politiques actifs et démocratie contestée=mondialisation

Finie mais contestée et partagée

Retour à la loi d’airain de la monnaie et privatisation

Richesse accumulable

Séparation des banques centrales vis-à-vis des États

Rapide augmentation en intra et/ou en inter étatique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le présent tableau permet de disposer d'une vue synthétique pour comprendre le monde tel qu'il est. Il faut le lire à partir du paradigme de l'Etat tel que je l'utilise généralement dans le blog, à savoir une entité historiquement engendrée par le fonctionnement normal des  collectivités humaines, entité dont les moyens - ce que nous appelons la "contrainte publique"-  sont gérés à titre privé , et parfois mis à la disposition de tel ou tel groupe social, par des entrepreneurs politiques. Parce que fondamentalement prédatrice, l'entité Etat prélève des ressources sur les communautés contraintes. Ce qu'on appelait "sacrifice" à l'aube de l'humanité a pu ainsi devenir au cours de la longue histoire, dette de vie, dette de sang, dette de travail, impôt, etc. En même temps avec la transformation des formes de L'Etat, la prédation fût partagée entre entrepreneurs politiques et groupes dominants, pour finalement aboutir à des formes d'Etat providence qui ont pu correspondre aux "30 glorieuses" et à ce que les économistes ont appelés  le "Fordisme", et aujourd'hui sa forme extrêmement dégradée qu'est la mondialisation.

Si à l'origine la monnaie était un instrument de coopération efficace n'assurant que la simple circulation sans jamais devenir réserve de valeur, elle s'est plus tard transformée en "extériorité", et  à ce titre, est devenue une structure voisine de l'Etat. Et le plus souvent existe une loi d'airain de la monnaie comme il existe une loi d'airain de  l'Etat. cela signifie que l'humanité croit généralement en une rareté des signes monétaires, et une rareté vécue comme aussi naturelle et objective que ne l'ait l'Etat. Seule la période dite démocratique de l'aventure étatique ,a pu correspondre à une libération vis à vis de la loi d'airain de la monnaie.

Parce qu'extériorité semblable  à celle des Etats, la monnaie fait l'objet d'enjeux gigantesques, et l'idée de banque centrale est probablement aussi vieille que l'Etat lui même. Les Etats et leurs entrepreneurs politiques, ont du se battre pour contrôler la prédation qui pouvait aussi passer par la monnaie. D'où l'annulation des dettes privées, en concurrence avec la rente publique, par le pouvoir politique durant toute l'antiquité: Mésopotamie, Grèce, Rome,etc. D'où aussi une étrange resemblance entre le "complexe militaro monétaire" de l'antiquité, avec contrôle des mines de métal au profit du paiement des soldes militaires , et celui d'aujourd'hui, où la puissance militaire américaine repose sur une création monétaire dépourvue de loi d'airain. C'est aussi avec la fin des surestaries abusive, le seigneuriage, la dilution des monnaies etc. qu'à pu s'établir un Etat plus moderne, et une prédation mieux partagée avec ceux qui allaient devenir des rentiers: la dette ne fonctionne plus qu'au profit de la puissance des entrepreneurs politiques, mais se trouve redistribuée au profit des rentiers. la démocratie, stade de l'aventure étatique  qui semble s'éloigner aujourd'hui  , a pu être en raison de son large partage des outils de la contrainte publique, une période très difficile pour les rentiers, et très favorable aux bénéficiaires de l'Etat providence. cette période est aussi celle d'un contrôle strict des banques centrales par les entrepreneurs politiques.

Et derrière cette architecture, se dresse la réalité de ce qu'on appelle la "dette publique". Elle était évidemment nulle dans les premières formes de l'Etat: c'était le peuple qui était soumis à la dette infinie de l'esclavage. Lorsque le despotisme se fait plus modéré, des échanges marchands peuvent être initiés, et la dette privée peut commencer à concurrencer la dette publique. Plus tard la concurrence sera vive entre entrepreneurs politiques et banquiers, et le jeu sera souvent collectivement perdant, notamment dans le moyen -âge européen. Il faudra attendre les banques centrales modernes pour améliorer le résultat du jeu et en particulier la banque centrale anglaise, qui de fait, assurera la victoire définitive sur Napoléon. La fin précaire de la loi d'airain, et la mise sous tutelle des banques centrales, étouffera au vingtième siècle le jeu de la rente et de la dette publique qui lui est associée. Le basculement vers la mondialisation, comme nouvel équilibre des marchés politiques, dictera la fin de la mise sous tutelle des banques centrales, et une croissance considérable de la dette publique. Et avec elle le retour de l'âge d'or de la rente. la dette publique longtemps gigantesque, mais finalement anéantie, retrouve le déploiement qui était le sien jusqu'au début du 19ième siècle.

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21 décembre 2011 3 21 /12 /décembre /2011 13:19

 

Dans « Zone euro : les clandestins le resteront jusqu’au bout » nous disions que la prochaine étape de la clandestinité serait sans le dire l’ouverture maximale des robinets de la BCE. C’est chose faite aujourd’hui avec le lancement  d’offres à 3 ans sur la base d’un collatéral qualitativement  généreux et quantitativement illimité, le tout assorti d’un taux d’intérêt très inférieur aux meilleurs taux offerts sur les dettes souveraines de qualité. Et cette ouverture maximale porte un nom chez les financiers : le « Sarko trade » pour ainsi désigner ce que le président Français aurait obtenu, au terme d’interminables négociations.

A priori, il s’agit d’un cadeau direct aux banques assorti d’un cadeau indirect aux Etats.

Cadeau direct aux banques en ce que ces dernières peuvent se soulager d’une masse considérable d’actifs, dont la qualité sera fort peu vérifiée par la  BCE, contre des liquidités offrant des potentialités importantes. C’est ce qui vient de se passer concrètement pour les banques,  qui viennent d’acheter de la dette espagnole, à partir des fonds de la BCE, opération ayant rapportée 300 points de base.

Mais aussi cadeau indirect aux Etats, qui se trouvent en présence d’un système financier davantage acheteur, en raison de béquilles offertes par la BCE. De quoi financer la dette en espérant des taux acceptables.

Pour autant les effets secondaires méritent d’être analysés.

Dans cette opération il n’y a pas de disparition de collatéral, et celui cédé à la BCE est remplacé par de la dette souveraine fraiche. Seule la différence de qualité peut être évoquée, et il est évident, que si à l’avenir la BCE se fait plus exigeante, en refusant par exemple du crédit à la consommation espagnol comme collatéral, il est possible que l’image des bilans bancaires ne s’améliore guère. Ce qui , de fait, signifie  que l’amélioration de l’image des bilans ne puisse se réaliser que si la BCE accepte un statut de « Bad bank ».

Or la pression en ce sens ne peut que s’aggraver. Si en effet la BCE cherche à se protéger par la qualité, ses opérations d’offre de liquidités vont de fait aggraver la situation des banques avec apparition d’un « collateral crunch ». Parce que dans cette hypothèse la proportion d’actifs de mauvaise qualité augmente dans les bilans, il se crée une pénurie relative de collatéral de bonne qualité – le Bund allemand – par exemple, ce qui signifie un financement inter bancaire toujours aussi fermé. Comme par ailleurs, de façon mécanique, la crise accroit partout le taux de mauvaises créances,  la base des actifs éligibles se réduit. Ce qui réduit, là encore,  la capacité de fonctionnement du marché inter bancaire . Parallèlement, la diminution de la qualité des bilans entraine tout aussi mécaniquement, une moindre incitation à financer des crédits non éligibles en collatéral, comme celui accordé aux PME.

La pression ira donc mécaniquement dans le sens de la facilité : une BCE peu exigeante, et des banques maximisant leur espérance de gain, en prêtant plus aux Etats, et moins aux entreprises et ménages. Choix se matérialisant par moins de croissance, et donc moins de rentrées fiscales …donc une augmentation de la dette …

Mais la recherche de la rentabilité maximale passe aussi par la sélection des dettes souveraines. Si le choix des Etats au détriment des entreprises est acquis, il convient de choisir quelle dette souveraine assurera la meilleure rentabilité bancaire : dette allemande moins rentable mais moins risquée, ou dette espagnole plus rentable mais plus risquée ? Alternative qui invite à penser, que la transmission du cadeau de la BCE fait aux banques, ne se dirigera pas prioritairement vers les dettes souveraines des Etats faibles. Si en effet le cadeau se dirige massivement vers le Trésor  espagnnol, il en résulterait une diminution du spread de taux vis-à-vis  du Bund allemand, situation instable puisqu’affectation non optimale des liquidités acquises sur la BCE. Ce qui signifie un redéploiement de la dite liquidité , assurant le maintien de spreads, dont les déterminants reposent sur des considérations macroéconomiques bien connues. La conclusion est simple, même l’ouverture maximale du robinet de la BCE ne peut réduire la difficulté des Etats périphériques de la zone euro.

Le « Sarko trade » n’est donc que la prolongation prévue de l’agonie du bateau des passagers clandestins. On connait l’étape suivante : fin de l’indépendance de la BCE avec  financement direct des Etats,  et reconfiguration complète voire disparition de l’euro – zone. Affaire à suivre…

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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 14:13

                 

A plusieurs reprises nous nous sommes interrogés sur les risques posés par le possible démantèlement  de la zone euro. Les aspects purement techniques et purement nationaux  sont gérables et font maintenant l’objet d’un large consensus : l’unité de compte nouvelle pour chaque pays correspond à un euro, ce qui ne change pas le système de prix ; surcharge d’un tampon sur chaque billet avant impression de nouveaux billets, comme ce fût le cas dans de nombreuses zones monétaires ; échange rapide des pièces qui ont toujours bénéficié d’une face nationale ; etc.

 

 

Ce qui est moins technique est la décision elle-même, dont la portée internationale est évidemment considérable.

Un principe simple et universel : le respect de tous les contrats

En la matière il s’agit de découvrir un principe simple, aisément communicable, peu sujet à interprétations diverses, et si possible universel, pour ne pas transformer une décision de démantèlement de l’euro-zone en incontrôlable panique. Ce principe doit être une garantie juridique concernant le maintien de la valeur de tous les actifs dans tous les pays concernés, valeur de marché à la date de la prise de décision. Cela peut supposer un arrêt des cotations pendant plusieurs jours.

La garantie publique de maintien de la valeur, suppose au préalable l’existence d’un point fixe, qui ne peut-être que la définition de nouvelles parités, lesquelles deviennent intangibles  pendant le temps de la concrétisation de la garantie, ce qui ne devrait pas excéder quelques jours. Au-delà, après la constatation du respect intégral des contrats,  il faut imaginer un système de flottement concerté faisant l’objet de marges de fluctuations à discuter. Bien évidemment, le champ de la garantie s’étend aux seuls agents résidents détenteurs d’actifs étrangers, et aux seuls agents non résidents détenteurs d’actifs nationaux .

La notion d’actif doit aussi être précisée. Il s’agit :

 -De tous les contrats commerciaux  signés avant la décision de démantèlement et donnant lieu à paiement après sa prise d’effets ;

-De tous les titres financiers : actions, obligations corporate, obligations publiques, produits structurés, etc. Pour  ces titres la garantie repose sur la seule perte mécanique de valeur, calculée sur la base du nouveau taux de change.

Il est bien évident qu’un tel principe est plus douloureux pour les pays qui : procèdent à une dévaluation massive ; connaissent un fort déficit extérieur ; sont lourdement chargés en dette extérieure ; sont le fait d’une dette publique massive et largement internationalisée ; et ne disposent que peu de créances sur l’étranger. Douleur d’autant plus vive si, au-delà, les perspectives de croissance et d’exportations sont limitées. Cette douleur peut être chiffrée. Ainsi la Grèce avec une dette extérieure nette de 115 % de son PIB, devrait pour retrouver une certaine compétitivité, dévaluer de 56,7% selon une estimation publiée dans le Financial Times, ce qui porterait sa dette à 180% de PIB, en principe payable en Euros. Soit la somme astronomique de 410 milliards d’euros. Ainsi le Portugal avec une dette extérieure nette de 88% de son PIB et une dévaluation nécessaire estimée à 42% verrait sa dette passer à 214 milliards d’euros. On pourrait naturellement multiplier les exemples.

Un outil de respect des contrats: le « tiers payeur » extérieur à tous.

Il est clair que pour ces pays,  qui sont déjà la zone la plus fragile du système, la règle de garantie publique est intenable : les moyens des Etats considérés ne sont pas à la hauteur de l’engagement requis. La solution consiste- là aussi sur la base d’un principe universel, donc applicable à tous les pays- à décider que la garantie soit supportée par les banques centrales qui retrouvent les statuts d’avant les années 70. Puisque le démantèlement de l’euro ne peut, par miracle, changer l’existant, à savoir l’insolvabilité absolue de nombre d’Etats, la garantie imaginée, au titre du refus de l’abandon vers la panique la plus radicale, ne peut provenir que d’une extériorité qui surplombe la communauté des Etats : les engagements extérieurs publics ou privés, ne peuvent être assortis d’une clause de respect absolu et universel, que s’il existe un « tiers payeur » qui est la banque centrale. Chaque banque centrale est ainsi, par le biais de chaque Trésor qu’elle alimente, amenée à solder les comptes, c'est-à-dire l’ensemble des engagements et contrats avec son extérieur. Bien annoncée , cette disposition apaise l’inquiétude légitime de l’ensemble des agents européens , mais aussi conforte le possible projet européen. Reconnaissons toutefois, que les croyances collectives et certains groupes d’intérêts qui les renforcent,  ne permettent pas facilement un tel changement qui apparait comme révolution copernicienne.

Resteraient à examiner les modalités de ce qui pourrait aussi être un processus d’extinction des dettes.

Deux solutions peuvent être envisagées dont l’une domine nettement l’autre.

La première consiste à payer en monnaie nationale nouvelle les divers engagements publics et privés. Ainsi, pour les contrats déjà signés, l’exportateur allemand de marchandises vers la Grèce se voit payé par son client dans la monnaie dont il dispose, auquel il faut ajouter le prix de la dévaluation, prix exprimé en drachmes, et au final supporté par le « tiers payeur » qu’est la banque centrale de Grèce. Ainsi la Société Générale voit, à l’actif de son bilan, ses obligations publiques grecques  transformées en drachmes, monnaie dont le montant est augmenté de la valeur de la dévaluation. Ainsi le titulaire d’un produit financier incorporant des sous -jacents grecs verrait son titre converti en drachmes, sur la base de la valeur de marché, calculée à partir du taux de change, et abondé de la dévaluation. On pourrait multiplier les exemples. Bien évidemment s’élève d’immenses balances en drachmes, lesquelles ne font que refléter une réalité que le « bateau des passagers clandestins » cachait si bien. Bien évidemment les détenteurs de ces balances ne sont pas encore satisfaits puisqu’ils deviennent  titulaires d’actifs sans valeurs : les drachmes ne sont pas transformables en marchandises, et l’insolvabilité grecque, est d’abord son immense déficit extérieur, que l’euro avait contribué à puissamment creuser, tout en le rendant invisible. Il faut donc imaginer que les balances en drachmes sont acheminées vers les banques centrales des Etats correspondants, lesquelles sont transformées en nouvelles monnaies nationales. De quoi grossir la taille des bilans, certes, mais qui n’est que la  contrepartie du respect intégral des contrats, le rétablissement de la compétitivité et la naissance d’un nouvel équilibre, indispensable garant  d’un possible avenir européen. La construction européenne ne pouvant continuer à n'être qu'un processus de dislocation devenu extrêmement dangereux avec la monnaie unique.

Une autre solution, de loin préférable, consiste à exiger de l’euro, un immense service avant sa disparition. Il s’agirait, au moment même où est décidé sa fin, de réquisitionner les banques centrales des pays débiteurs aux fins d’abonder le compte de chaque trésor, d’un montant en euros, sensiblement équivalent à la dette extérieure. De quoi obtenir immédiatement une énorme baisse sur le taux de change avant sa disparition, ce qui limitera les dévaluations qui suivront quant à la définition des nouvelles monnaies nationales. Le processus est beaucoup plus simple, et permet d’annuler une grande partie de la dette publique des Etats les plus fragiles. Il est par ailleurs tout aussi rassurant : tous les contrats sont garantis.  

Au final, et quelle que soit la solution retenue, la monnaie émise, que ce soit directement ou indirectement,  se trouve stockée dans les pays qui sont dans une situation favorable : peu ou pas de dévaluation, peu de dette extérieure, dette publique faible et autocentrée. De quoi provoquer une hausse des prix plus rapide que dans les pays ayant massivement monétisé.   Notons aussi que le dispositif retenu   évacue complètement l’idée de défaut, de soutien du système bancaire, etc. Autant de craintes qui disparaissent avec le rétablissement de l’autorité monétaire. Resterait toutefois à faire admettre – mais par quels moyens ?- que le démantèlement ne donne pas lieu au déclenchement cataclysmique de la montagne des CDS. Et de ce point de vue – fait positif- le respect intégral des contrats, est tout sauf un « accident de crédit ».   

Resterait à examiner le mode de décision du démantèlement.

Qui doit déclencher le démantèlement ?

Il est clair que le processus ne peut être législatif tant l’effet de surprise est la condition première de la réussite. Il ne peut non plus être réglementaire tant le dispositif euro se trouve élevé dans la hiérarchie des normes juridiques. De ce point de vue, il n’existe dans la zone, qu’un seul pays suffisamment armé pour prendre une décision rapide : la France. Ce pays dispose en effet d’un dispositif constitutionnel – l’article 16- qui permet à l’exécutif d’agir sans contrainte, avec la vitesse de l’éclair. Le poids du pays dans la zone  - 20 % du PIB total - est tel,  que la seule déclaration portant radiation de la loi du 3 janvier 1973,  entrainera l’effondrement de la valeur externe de l’euro, et l’abandon immédiat de tout projet privé de délocalisation. Les Ordonnances, immédiatement publiées, et exécutoires, rappelant dans leurs attendus, la volonté publique de respect intégral des contrats, rassureront tous les agents. Logiquement, un développement mimétique entrainera des prises de position dans l’ensemble de la zone,  avec ébranlement – exception faite de l’Allemagne qui ne pourra pas admettre le rétablissement de l’autorité étatique sur la banque centrale - d’un processus législatif accéléré. On peut imaginer qu’une négociation préalable ait pu déboucher sur un accord concernant les taux de change.

Le présent texte n’avait pas pour but de proposer un projet détaillé de démantèlement. Il avait simplement comme projet de montrer qu’un tel objectif est possible et surtout raisonnable. Au-delà, il cherchait à contrer toutes les affirmations rapides- dépourvues de toute démonstration sérieuse- que l’on rencontre dans les médias,  et qui annoncent avec force que la disparition de l’euro serait une catastrophe pour l’humanité. Parce que le vrai problème de la zone n’est pas le déficit public,  mais l’effet de déséquilibres extérieurs massifs que l’euro a engendré, il faudra, d’une façon ou d’une autre mettre fin à la présente architecture monétaire. Il n’est donc pas raisonnable de susciter de grandes peurs développées par de prétendus «experts » du sujet.

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28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 13:15

                 

Certains s’étonnent de la résistance de l’euro face aux tempêtes des spreads sur dettes souveraines et à leurs contreparties calamiteuses  dans des  bilans financiers : banques , fonds de pension, etc. Etonnement d’autant plus grand que rien n’est entrepris pour réellement changer les choses malgré l’extrême médiatisation de sommets et d’accords toujours trop tardifs ou toujours inapplicables.

De fait, si le bateau des passagers  clandestins n’a pas encore sombré, c’est en raison de l’acharnement de chacun des passagers à se maintenir à flot au détriment de tous les autres. Au final, il est possible que le résultat corresponde à celui de la logique du dilemme du prisonnier, mais le pire sera retardé jusqu’au bout,  avec un acharnement hors du commun.

Les spreads de taux sont un bon révélateur de la clandestinité des passagers, et sont le signe d’un conflit désormais radical. Jusqu’alors la clandestinité  était quasi coopérative, en ce qu’elle ne débouchait sur aucune externalité négative : L’Allemagne (avec ses acteurs internes)    pouvait fermer les yeux sur une clandestinité  Grecque ( avec ses acteurs internes) correspondant à une garantie de débouchés  pour les marchandises allemandes. En retour, la Grèce pouvait fermer les yeux sur son déséquilibre avec l’Allemagne, qui par le biais de la monnaie unique, lui garantissait haut pouvoir d’achat et taux de l’intérêt faible.

Le simple fonctionnement de la mécanique de la clandestinité, devait aboutir au renversement de la logique des externalités : elles deviennent négatives et sont porteuses de conflits, alors même que l’Euro peut continuer à bien se porter. Ainsi le spread de taux devient pollution pour l’Allemagne, et pas simplement pour ses banques, mais aussi pour sa propre dette publique. Et parce que chaque Etat est indissolublement associé à son système financier, les externalités négatives de chaque clandestin rejaillissent sur tous les autres : le temps du conflit est arrivé chez les porteurs d’un Euro en apparente bonne santé.

Ainsi, chaque clandestin cherche t’il à maintenir son statut en contestant la clandestinité de tous les autres. Ce qui ne va pas sans contradictions. Il est demandé à la Grèce, l’Irlande, Le Portugal, l’Italie, etc. de sortir de la clandestinité, en supprimant leurs déficits publics, lesquels passent  par une dévaluation interne des salaires et des prix. Mais si une telle stratégie est vraisemblablement apaisante sur le prix des Bunds, elle ne l’est guère sur la garantie de débouchés que le partenaire allemand avait acheté en adhérant à l’euro-zone. En sorte qu’il apparait que la déclandestinisation globale s’avère tâche particulièrement difficile.

Aucun acteur - ce que l’on appelait dans un autre texte les « petits un peu ronds » par opposition « aux grands minces » - ne voudra quitter de son plein gré la zone, car chacun espère que des solutions permettant de maintenir la clandestinité seront trouvées.

Tout d’abord celles mettant fin à la clandestinité seront refusées car beaucoup trop coûteuses sur les marchés politiques, et comme nous le disions, le fédéralisme européen ne peut-être un produit politique d’avenir. C’est dire que chaque marché politique interne débouchera par externalisation, et  par imitation, sur la désignation d’un bouc émissaire extérieur, et bouc émissaire  extérieur à tous  : l’indépendance de la BCE. La violence de la crise, se sublimant en processus girardien de désignation d’un coupable. Certes, cette indépendance est  aussi  un produit politique qui se vend bien dans certains pays (marché politique allemand notamment), mais le fait que la déclandestinisation globale s’avère impossible débouchera nécessairement sur la désignation unanime du bouc émissaire. Et d’une certaine façon, l’échec du mini sommet du 24 Novembre dernier révèle déjà cette désignation. Simplement - l’hypothèse du FESF s’éloignant car trop imprégnée de fédéralisme -  il est décidé que ce bouc émissaire, que chacun à en tête, sera caché : « il n’en sera pas parlé, ni positivement, ni négativement » dit-on dans la conférence de presse qui suit le mini sommet. Que le conflit s’aggrave avec l’élargissement des spreads, et le bouc émissaire tant dissimulé sera désigné  en pleine lumière. Il n’y a donc- malgré les commentaires- que peu de doutes sur la suite des événements, la BCE sera très rapidement amenée – par large consensus – à déclarer qu’elle s’apprête à acheter de la dette souveraine sur les marchés secondaire, et ce sur des quantités illimitées. De quoi combattre efficacement l’incendie, sans le réduire… pour très peu de temps encore…

Car la menace d’intervention illimitée sur les marchés secondaires, ne détruit que partiellement les externalités négatives de la clandestinité. Rien ne dit en effet que les marchés primaires sur la dette souveraine seront apaisés par les interventions de la BCE, le risque étant le maintien de spreads en raison de la méfiance vis-à-vis de la BCE en ce qui concerne la durée de son engagement. Et c’est ainsi, que très spontanément, la BCE sera amenée à déclarer son engagement sur une durée illimitée, après celui d’une quantité illimitée. Engagements lourds correspondants de fait au détournement de l’esprit des textes, mais engagements maintenant encore la clandestinité des passagers du bateau euro.

De fait si chacun restera clandestin en ce qu’il pourra encore bénéficier de la drogue euro, la clandestinité globale sera redistribuée.

A l’interne de chaque pays, les « producteurs de l’universel » gagneront tous, excepté ceux de l’Allemagne, qui maintiendra certes sa clandestinité au niveau des échanges extérieurs, mais la perdra au niveau de la valeur de sa monnaie. C’est dire  que seule l’Allemagne pourra retarder la désignation du bouc émissaire, ses « producteurs de l’universel » ne basculant qu’avec le basculement majoritaire des autres acteurs allemands.

Malheureusement le changement de politique de la BCE, si elle permet de maintenir la zone euro, ne permettra pas le règlement de la question fondamentale : comment faire disparaitre ce par quoi tout a commencé, à savoir les déséquilibres externe majeurs que l’euro a introduit. Car la monétisation maintiendra, voire même aggravera ces déséquilibres, qui en retour exigeront davantage de monétisation. L’hypothèse d’un fédéralisme réel, étant exclue par le fonctionnement normal des marchés politiques, d’une part, et la dévaluation interne étant elle-même exclue pour les mêmes raisons d’autre part, il ne reste plus que la dévaluation externe. Et la seule façon de maintenir un peu de clandestinité (un peu de drogue euro) est de rétablir des monnaies internes uniquement convertibles en euros, lesquels restent la monnaie commune. Seule l’introduction de monnaies internes permettra de rétablir l’équilibre intra zone et donc d’en finir avec les insupportables polarisations génératrices d’une dislocation européenne. Et en soustrayant les monnaies internes du grand marché international, donc de la spéculation, les passagers désormais beaucoup moins clandestins, cesseront de se polluer mutuellement.

En la matière, la meilleure façon de cesser le conflit, et d’en finir avec les externalités négatives que chacun produit, est d’imaginer des taux de change autorisant un relatif équilibre extérieur de chaque Etat. Les passagers de l’euro doivent se respecter, et l’apparition d’un déséquilibre significatif  entre deux pays, doit être corrigé par un changement des parités internes : le plus compétitif prenant en charge une réévaluation, et le moins compétitif prenant en charge une dévaluation. Double mouvement entrainant un rééquilibre. Double mouvement également moral : le plus compétitif doit payer le prix des dommages qu’il inflige, et le moins compétitif devant payer le prix de son improductivité.

Dotée d’un  cadre de fonctionnement passant par une double transformation, celle de la BCE qui monétise et celle de l’euro qui devient monnaie commune, la pérennisation de la zone euro est envisageable. Parce que les passagers clandestins veulent le rester le plus longtemps possible, la probabilité de l’avènement d’un tel monde n’est pas négligeable. Le jeu catastrophique rencontré dans l’habituel dilemme du prisonnier n’est peut-être pas celui que l’histoire européenne rencontrera.

 

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7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 15:37

 

Le présent texte vient commenter les deux schémas construits pour bien comprendre les enjeux notamment européens dans les semaines et mois à venir.

 schema8

 

 

Le premier représente le système monétaire et financier actuel, avec comme fait fondamental , l’indépendance de la banque centrale et le système de banque universelle qui, entre autres, dispose de la maitrise complète du réseau monétaire en tant que bien public fondamental. La capture du bien public – la monnaie et son réseau -par des intérêts privés signifie aussi la captation d’une rente monétaire que les Etats doivent payer. Les budgets publics, surtout en mondialisation, font eux aussi l’objet de vigoureuses empoignades entre les divers groupes sociaux, parmi lesquels  les entrepreneurs politiques, ce qui signifie des équilibres difficiles voire impossibles. La mondialisation, avec les gigantesques déséquilibres extérieurs qu'elle a engendrés, et son corollaire qu'est  la rente monétaire, explique l’essentiel des endettements publics. De ce point de vue, mondialisation et indépendance des banques centrales sont les deux machoires de l'étau dont l'une produit le déficit et l'autre le fait payer pour générer le gigantesque flux de rente.

La réforme proposée- et c’est l’enjeu du second schéma-  fait disparaitre la rente, voire la renverse au détriment du système financier en faisant disparaitre la fiction de la pénurie monétaire.

  schema7

 

 

 

Elle s’articule autour de plusieurs points :

 

1 Il est mis fin à l’indépendance des banques centrales- d’où la flèche entre la banque centrale et le Trésor sur le schéma-  lesquelles ont pour mission de fabriquer des signes monétaires selon les exigences de l’Etat, instance qui reprend le contrôle de l’accumulation et de son orientation globale.

 

2 La capture de la réglementation, et donc la privatisation de la chose publique, est parallèlement freinée par la déprofessionnalisation massive des fonctions politiques, mesure faisant l’objet d’une inscription constitutionnelle. L’équilibre des budgets de fonctionnement, peut aussi bénéficier d’un ancrage constitutionnel au motif que la fin de la rareté monétaire, ne se prolonge d’une surabondance inflationniste : les budgets de fonctionnement  ne peuvent être alimentés par une quelconque « planche à billets ». Il n'est nullement question d'en revenir aux Assignats.

 

3 Les banques se voient privées des facilités de la création monétaire, ce qui signifie pour l’essentiel le nécessaire achat de liquidités à une agence publique de vente de monnaie, laquelle commercialise une partie de la monnaie produite par la banque centrale. Ce que l’on repère dans le schéma par les rubriques « vente de monnaie » et « achat de monnaie par le système bancaire » .

 

4) La rente est "renversée", et ce n’est plus le Trésor qui paie la rente monétaire, mais le système financier qui alimente les budgets publics. Ce que l’on repère dans le schéma par la rubrique « appropriation de la rente monétaire par l’Etat » et la flèche correspondante.

 

5) La banque universelle disparait au profit de 3 structures, dont la première sert à couvrir le réseau, et à le faire fonctionner selon une logique de service public ( les BEM) et les autres à financer le crédit et l’investissement à partir de la création monétaire de la banque centrale , et création monétaire  commercialisée par l’Etat et l’ agence précitée.

 

Cette réforme n’a rien de technique, et se trouve fondamentalement politique : des groupes sociaux vont perdre, et d’autres vont gagner. Et cette nouvelle donne sociale repose toute entière sur la captation/production de monnaie. Les producteurs et les décideurs ne sont plus les mêmes : ce n’est plus le système  bancaire qui vend la monnaie, mais l’Etat. Renversement qui correspond à un bouleversement global de l’ensemble de la société. Sans toutefois la remettre dans son état antérieur à la loi du 3  janvier 1973 en France, et aux lois correspondantes dans nombre d’autres pays (34 banques centrales vont adopter une législation semblable entre 1990 et 2001). C’est que la situation antérieure, correspondait aussi à des marchés politiques, où partout la professionnalisation du politique était la règle avec les biais correspondants. Cela pouvait signifier parfois «  la planche à billets » que le dispositif proposé récuse. Il n’y a donc pas de retour en arrière, mais un monde autorisant les investissements publics massifs de naguère, tout en améliorant aujourd’hui une gestion budgétaire plus responsable et plus équilibrée.

 

Parmi les groupes sociaux gagnants, il faut compter :

 

1 Les salariés qui ne peuvent que bénéficier d’un retour du développement , lui -même autorisé par le caractère massif de l’investissement public et de la mobilisation des facteurs de la production  qui va lui correspondre ( en cette fin d'année l'INSEE nous indique que l'utilisation des  capacités de production ne cessent de baisser en France). Le renversement du contrôle de la monnaie rétablit le long terme, les projets, et la fin de la dictature d’un futur qui s’écrase sur le présent, en raison de la disparition des investissements publics, voire de l’investissement privé lui-même.

 

2 les entrepreneurs de l’économie réelle qui vont bénéficier des externalités nouvelles produites par le nouvel Etat investisseur et « réducteur d’incertitudes » .

 

3 les citoyens qui tout en continuant – fait invariant de toute société- à utiliser la contrainte publique à des fins privées, seront moins handicapés par le lourd tribut payé à l’entrepreneuriat politique, désormais beaucoup moins résistant en raison des nouvelles dispositions constitutionnelles. Ajoutons , fait essentiel, qu’il sont censés ne plus payer la rente au système financier, et au contraire à récupérer la rente inverse que le système financier devra à l’Etat. Ce qui signifie de nouvelles marges de négociations entre citoyens et les nouveaux gestionnaires - les nouveaux politiques - des outils  de la contrainte publique .

 

Parmi les groupes sociaux perdants, il faut compter :

 

1 les entrepreneurs politiques amenés à ne plus pouvoir investir dans une carrière de long terme et à ne plus pouvoir orienter la nature des produits politiques qu’ils vendent vers cette éternelle finalité : reconduction au pouvoir ou conquête du pouvoir.

 

2 Les entrepreneurs de l’économie financière et de l’économie casino , la dette publique n’étant plus la mère nourricière et le point d’appui de la créativité financière . Cela signifie une cure drastique d’amaigrissement des bilans, et la fin des miracles financiers et des rémunérations sans causes.

 

3 Les épargnants et usagers de l’économie casino. Les premiers, sans redevenir victimes de la répression financière du 20ième siècle devront se contenter de produits d’épargne beaucoup plus rustiques et d’une rentabilité plafonnée par la croissance de l’économie réelle. Les seconds, en raison de l’étroitesse nouvelle des terrains de jeux financiers, et de leur extrême surveillance, par des autorités et régulateurs nouveaux et démocratiquement contrôlés , constateront qu’il n’est plus possible de vivre en état d’apesanteur, et feront le douloureux apprentissage de la pratique de l’économie réelle, où valeur ajoutée n’est plus confondue avec « accroissement de la valeur » .

Le passage du schéma 1 au schéma 2 n’a rien de mécanique et les sociétés humaines ne sont pas des machines, ce qui signifie que des réactions suivront la brutale redistribution des positions sur l’échiquier social. En particulier il faut imaginer la fuite, vers d’autres terrains de jeu, des nouveaux perdants, à la recherche d’espaces moins contraignants. D’où la question de l’international.

 

  Car précisément  Le renversement de la rente ne se conçoit idéalement que dans le cadre d'Etats- Nations dont l'ouverture est plus ou moins contrôlée. De ce point de vue le schéma 2 est insuffisant en ce qu'il ne permet pas l'intégration de l'international.

A suivre...

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3 novembre 2011 4 03 /11 /novembre /2011 13:22

 

                          

L’architecture de base de la réforme financière analysée dans notre précédent texte apporte beaucoup, mais laisse sans solutions de très importantes questions.

Les apports solides de l’architecture de base

1 Ce qui semble réglé est le potentiel de croissance et les nouveaux horizons qui peuvent s’ouvrir : la banque centrale sous les ordres du Trésor, et l’Agence France Trésor mutée en « Agence Publique de Vente de Monnaie au Système Bancaire » autorise les investissements massifs dont le pays a besoin  (4OO milliards d’investissements publics et privé auraient été évité en France depuis 1980 selon Delpla et wyploz). En particulier il faut imaginer des investissements publics suffisamment massifs pour remettre en activité nombre de chômeurs et remplir nombre de carnets de commandes trop désertés : Embauches massives, pour remise en état des infrastructures (rail, route, canaux, etc ), pour remise en état du parc de logement, pour la mutation écologique, etc. Massifs investissements publics justifiant la relance de l’investissement privé, avec rapidement le desserrement actif  des contraintes budgétaires : baisse immédiate des dépenses liées au chômage de masse.

2 Ce qui semble également positif est l’émergence progressive d’un monde beaucoup moins soumis aux boursouflures spéculatives. Dans « Sortie de l’euro : en bon ordre ou en mode panique ? » et « Avertissement aux liquidateurs de la zone euro » noua avions insisté sur les grands risques associés à un changement de paradigme monétaire : grand chambardement dans les bilans bancaires avec toutes les conséquences largement imprévisibles d’un effet « aile de papillon » à l’échelle de la planète. L’architecture de base ne promet certes rien, mais elle est prudente en ce qu’elle ne propose pas de changement de paradigme et peut très bien assurer à un euro désormais produit et géré en dehors des aléas de marché un avenir véritable. Sans doute la zone euro restera t’elle « bateau de passagers clandestins », mais désormais les dits passagers, seront infiniment plus responsables en ce qu’ils ne pourront plus se lover dans les délices dangereux du marché. La réforme de la finance  telle que nous l’avons envisagée ne fait plus de la monnaie unique une drogue mais un outil de développement. De quoi sortir de l’euro sans le quitter.

Reste à imaginer les scénarios de l’internationalisation de la réforme de la finance, en nous limitant pour l’essentiel à la zone euro.

Plaçons-nous tout d’abord dans le scénario d’un seul Pays : la France. Avec deux hypothèses possibles : la zone euro ne réagit pas malgré le non respect des règles de la zone, ou à l’inverse les réactions sont possibles et à imaginer.

L’adoption de l’architecture de base par un seul, et l’immobilisme de tous les autres

Dans le premier cas nous sommes en présence d’un scénario idéal, ou presque…

Avec les possibles caractéristiques suivantes : la panique sur les stocks de dettes détenues par les non résidents (un peu plus de 1000 milliards d’euros) est brève puisque la capacité à rembourser devient illimitée, dans le cadre d’un taux de change inchangé en raison du maintien de l’euro. Les dettes des entreprises détenues par des non résidents ne sont pas affectées. Les échanges de biens et services à l’intérieur de la zone non plus. Les bilans bancaires sont peu affectés et seule la rente avec la rémunération de l’épargne se trouve affectée. Faits qui sont aussi la contrepartie d’un taux d’intérêt désormais maitrisé en raison du renversement des règles du jeu. Avec aussi des conséquences positives pour le financement des entreprises désormais libérées d’une contrainte forte.

A ces caractéristiques il convient d’en associer d’autres : compétitivité internationale inchangée, voire dégradée en raison des facilités procurées par de nouveaux débouchés intérieurs largement facilités et impulsés par l’Etat. Les débouchés domestiques devenant larges, l’effort à l’international se trouve moins encouragé. Mais aussi, autre conséquence, début de fuite de l’épargne et de capitaux financiers vers des cieux plus cléments envers la rente. Avec probable délocalisation d’activités que la réforme de la finance voulait en toute hypothèse étrangler : l’ensemble des entreprises casinos. Et même délocalisation de banques, qui à l’étranger peuvent retrouver les délices d’une création monétaire désormais interdite.

Pour autant,  en raison de son aspect libératoire au regard de la loi d’airain de la monnaie, ce scénario ne peut que développer un mouvement mimétique, dont les auteurs sont déjà connus : l’Europe du sud. Ce qui tend à élargir la zone de croissance mais aussi les inconvénients déjà cités. Tant que la croissance procède par réanimation de facteurs de la production non utilisés, les risques de dérapages inflationnistes sont limités. Il faut toutefois signaler- si le courant mimétique est suffisamment puissant et entraine de grands pays : Italie, Espagne etc.- une belle opportunité de dépréciation du taux de change de l’euro en raison des spécificités de sa production, laquelle devient – dans le cadre des présentes croyances monétaires et malgré les précautions prévues dans l’architecture de base – réputée inflationniste. Avec toutes les conséquences en matière de compétitivité nouvelle de la zone, et de possibles réactions chinoise, américaine, etc.

Si la réaction mimétique devait atteindre l’Europe du nord, ce qui est une hypothèse peu réaliste en raison des croyances monétaires dominantes en Allemagne, la zone euro serait métamorphosée, sans doute positivement, et serait internationalement plus compétitive au grand bénéfice de ceux qui l’étaient déjà. Par contre les inégales compétitivités à l’intérieur de la zone demeurent. Elles sont néanmoins relativement plus supportables – mais dans des limites très étroites -  pour les moins compétitifs, qui vont bénéficier d’un taux de change plus favorable dans leurs échanges avec l’extérieur de la zone.

Ce scénario global, qui postule un renversement progressif mais radical des croyances monétaires, est au fond assez optimiste, et le risque réel est plutôt l’hostilité globale, envers ceux des pays qui renoncent à la loi d’airain de la monnaie. D’où un second scénario.

L’adoption de l’architecture de base par un seul…. et l’hostilité des autres…ne change rien...

L’hostilité peut se manifester par des réactions juridiques, voire plus matérielles, difficiles à imaginer, en raison de textes inadaptés à l’hypothèse de la réforme financière envisagée. On peut néanmoins penser, que les pays de la zone déclarent illégal, le renversement des règles du jeu ; en particulier l’abondement du compte du Trésor par la banque centrale pourrait être considéré, à tout le moins,  comme une utilisation abusive des institutions européenne. Dans le cas où le pays – la France dans notre exemple -s’affranchissant de la loi d’airain de la monnaie, se trouverait condamné, il ne resterait plus que l’hypothèse d’une sortie de la zone euro. Les coûts de sortie sont extrêmement élevés, surtout en raison du poids de la dette publique et privée, détenue par les non résidents (1000 milliards d’euros pour la France). Cela signifie à contrario un coût potentiel énorme pour les créanciers…avec la certitude d’un effet domino planétaire, si un défaut intégral était décidé.

Mais Il convient  de se faire plus précis. Si le coût des sanctions infligées par les autres pays est inférieur au coût de sortie de la zone, il est clair que les entrepreneurs politiques du pays, refusant la loi d’airain de la monnaie, décideront de confirmer leurs choix. Ce qui peut entrainer de nouvelles sanctions, dont l’inventaire est évidemment difficile à établir, et sanctions dont le coût finirait par dépasser celui d’une sortie de l’euro. Il faut pourtant bien comprendre, que le choix de la montée des sanctions, et de la sortie est peu vraisemblable, car il devient ruineux pour les entrepreneurs politiques de toute la zone. Nous sommes en effet ici dans une situation qui rappelle l’équilibre de la terreur et de la dissuasion nucléaire. Pousser l’un des membres de la zone vers la sortie, c’est l’obliger à utiliser l’arme suprême se retournant contre l’ensemble de la zone. C’est bien jusqu’ici ce que nous constatons pour un très petit pays : la Grèce. Ainsi les accords de Bruxelles du 26 octobre 2011, sont à la limite du supportable pour les entrepreneurs politiques grecs qui risquent de perdre pied, et une attitude irrespectueuse, voire légère, envers les dits accords reste finalement « comprise », tant les risques sont grands. On se doute que pour un pays comme la France -environ 9 fois le PIB grec- il n’y a plus de risque, mais une certitude d’explosion généralisée, aux conséquences planétaires. On peut donc penser que la logique de l’équilibre de la terreur, rendra fort modérée, l’hostilité de ceux qui souhaitent combattre le renversement du paradigme monétaire.

Equilibre mimétique de la terreur, et prolongation de vie du bateau des passagers clandestins

Le second scénario nous renvoie ainsi au premier : un équilibre mimétique de la terreur se met progressivement en place, avec maintien d’un euro assorti d’un taux de change fortement affaibli. De quoi prolonger un peu plus longtemps le bateau des passagers clandestins. Une prolongation plus durable si le mimétisme se bloque sur l’Allemagne, pays dont les entrepreneurs politiques  ne peuvent être que les derniers à refuser l’architecture de base, voire même la simple monétisation de la dette. La probabilité de voir ainsi l’Allemagne quitter la zone n’est pas négligeable, même si l’addition des avantages du retour au mark – respect des croyances collectives sur la monnaie – est inférieure à celle des coûts associés : gigantesque perte de débouchés pour les entreprises exportatrice, faiblement compensée par des importations moins couteuses. Notons aussi, que l’Allemagne est le pays de la zone dont le passage, de la monnaie unique à l’ancienne monnaie nationale, est le plus aisé : les actifs détenus par les non résidents, ne sont pas menacés comme ils le sont pour un pays périphérique. Le changement de base monétaire n’entrainerait ainsi aucune incontrôlable panique, et son coût technique et politique serait faible. Il pourrait même bénéficier à nombre de résidents  qui empocheraient le potentiel de réévaluation. De quoi faire basculer plus facilement le marché politique allemand vers l’abandon de l’euro.

Il y aurait ainsi effectivement prolongation de la durée de vie du bateau des passagers clandestins en ce que ces derniers cesseraient d’être les victimes, de la sur- compétitivité allemande, ou du mercantilisme monétaire des pays émergents.

Resterait évidement à discuter de scénarios à plus long terme. L’adoption à vaste échelle de l’architecture de base, laisse de côté les inégales productivités, et les déficits massifs des balances de base des plus fragiles. Même entièrement revisitée par la réforme de la finance, la monnaie unique conserve ses défauts de monnaie unique : loin de permettre la résorption des déséquilibres extérieurs, elle ne fait que les aggraver.

A suivre….

 

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28 octobre 2011 5 28 /10 /octobre /2011 09:48

                    

En bloquant toute transformation du FESF en banque appuyée sur la BCE, les entrepreneurs politiques européens limitent encore le risque de monétisation des dettes souveraines et continuent de préférer les ressources publiques, avec il est vrai la contribution des banques au remboursement de la dette. Tel est le sens qu’il faut donner aux décisions du 27 octobre dernier.

Le rôle de la BCE se limitera donc  à l’achat de bonds sur le seul marché secondaire des pays en difficulté. Ces achats sont  devenus non négligeables  (près d’un milliard d’euro par jour au cours de la dernière période) et s’accumulent sur le bilan (170 milliards de dettes souveraine en difficulté).

Au-delà de la technicité apparente , le  compromis obtenu est le fruit de la rencontre entre 2 philosophies monétaires : la loi d’airain de la monnaie a valeur quasi constitutionnelle en Allemagne . Elle ne bénéficie que d’une valeur relative dans la hiérarchie des normes pour la France.

Pour la partie allemande, la volonté de faire payer les banques était en congruence avec celle d’un simple élargissement sans transformation qualitative du FESF : il faut simplement en accroitre sa puissance d’intervention en privilégiant la créativité financière : le rehaussement de crédit, et l’ajout d’investisseurs nouveaux : les véhicules spéciaux.

Pour la partie française, on était prêt, consciemment ou non,  à accroître sans véritable limite le bilan de la banque centrale : il s’agissait donc de protéger les banques : donner de meilleures couleurs à leur bilan et les protéger du défaut, en transformant quantitativement et qualitativement le FESF.

Au regard du compromis obtenu, le point de vue allemand l’emporte magistralement. Mais l’accord ne peut être que fort précaire, en raison de l’énormité des problèmes résultants de l’énormité des endettements publics et privés sur l’ensemble de la zone euro. C’est dire que la partie française n’a pas dit son dernier mot, non par force, mais bien au contraire par faiblesse : les marchés politiques français – mais aussi d’autres pays - finiront par se renverser et bouleverseront les croyances monétaires, probablement dans le sens de ce que nous anticipons dans la « réforme de la finance ».

De ce point de vue, L’Allemagne et ses entrepreneurs politiques, trouvent dans les entrepreneurs politiques chinois, des alliés susceptibles de prolonger l’agonie de la zone euro, et de retarder le probable grand saut vers l’inconnu. Ces mêmes entrepreneurs se feront un cadeau en « portant aide » à l’élargissement du FESF, qui d’une certaine façon, devient partiellement une agence de la dette type «Agence France Trésor ». Il est d’ailleurs amusant de constater que ce FESF en construction,  se trouve en situation d’apprentissage auprès du « Finanzagentur », lequel est l’équivalent allemand de l’AFT. C’est dire que l’on compte bien continuer, grâce à la générosité chinoise, à gérer la dette publique selon son « mode marché » avec  les outils les plus modernes  de la finance traditionnelle..

Le cadeau que les entrepreneurs politiques chinois se font à eux-mêmes est simple à comprendre : outre qu’il est difficile de contester le mercantilisme monétaire d’un généreux investisseur, le dit homme généreux vient surtout prendre des garanties contre un éventuel dérapage de la zone, aboutissant à la monétisation généralisée, et donc à tout le moins, à une dépréciation massive de l’euro. Dépréciation massive sonnant le glas de beaucoup d’exportations chinoises.

Les entrepreneurs politiques chinois n’ont que faire de la loi d’airain de la monnaie. Ils l’ont clairement démontré en 2008 avec un plan de relance pharaonique ( 586 milliards de dollars), plan  largement construit sur création monétaire bancaire et moins par déficit budgétaire. Les chinois savent produire autoritairement de la monnaie pour investir,  quand les européens sollicitent avec peur et timidité le marché. Les croyances monétaires en Chine ne sont pas les mêmes qu’en Europe où un pays- l’Allemagne- veille à l’orthodoxie, et se croit habilitée à punir les incroyants. En bons commerçants, les entrepreneurs politiques chinois savent  se plier aux idéologies locales, comme naguère, où un bon roi avait déclaré que « Paris valait bien une messe ».

 

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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 07:15

                                               

Le premier acte d’une refonte réelle doit être la fin du marché de la dette publique en rétablissant l’autorité monétaire. Cela suppose le rétablissement des droits de propriété de l’Etat sur la banque centrale, une institution à laquelle il va confier un strict monopole de l’émission monétaire au seul profit du Trésor. Le volume de l’émission est politiquement décidé et ce dans le cadre d’un objectif de stabilité monétaire lui-même évalué et contrôlé par des institutions elles mêmes démocratiquement suivies.

La grande transformation des pouvoirs politiques et monétaires : la fin du marché de la dette publique

Un tel acte refondateur ne peut évidemment fonctionner sans une refondation complète du fonctionnement des marchés politiques. Il ne faudrait pas que le bien public monétaire ne fasse l’objet que d’un simple transfert de son appropriation privée, et on ne voit pas en quoi les fins privées des entrepreneurs politiques (reconduction au pouvoir ou conquête du pouvoir) seraient d’une nature supérieure aux fins privées des banquiers et de leurs actionnaires (profit) qui jusqu’ici ont accaparé le bien public en en contrôlant l’émission. Le changement de propriétaire n’est pas une garantie de meilleur exercice de la propriété,  une propriété fort particulière puisqu’elle reste un droit sur un bien public.

La refonte réelle de la finance suppose – au préalable - une  véritable mutation de l’ordre politique. Puisque l’essence du politique est l’appropriation de ce qui surplombe toute communauté humaine –ce que l’on désignait aussi par le terme « d’externalité »dans d’autres publications - il convient de mettre en place des institutions freinant la tendance universelle, à ce que le politique ne soit que l’utilisation à des fins privées, de ce qui est commun à tous. Sans doute  la puissance publique ne peut elle être détenue que par des hommes dont la tendance indépassable est la recherche de la satisfaction privée (le pouvoir comme moyen et comme fin), mais il est probablement possible de diminuer les effets négatifs de cette permanente  et universelle spécificité humaine. Dans l’Etat parvenu à son stade démocratique, la solution  consiste à interdire constitutionnellement  la professionnalisation de l’entrepreneuriat politique  par interdiction du renouvellement des mandats,  mandats eux-mêmes pouvant  au moins partiellement être générés par des procédures non électives, par exemple le tirage au sort. Cette réforme constitutionnelle est la première pierre de la réforme de la finance si l’on veut minorer les errements d’un Etat laxiste avec des entrepreneurs politiques gérant davantage une carrière privée,  bénéficiant par ailleurs des largesses de la planche à billets.

Pour être complet, ce changement de titulaire de la fonction « production de monnaie » doit être strict : il suppose l’interdit radical de la création monétaire par les banques, lesquelles ne pourront prêter que sur la base de fonds qu’elles auront empruntés ou mis à leur disposition par des agents privés et l’Etat lui-même. Tout décalage constaté entre capitaux reçus et capitaux distribués après transformation devenant activité de faux monnayeur, et  à ce titre  pénalement  sanctionnée. Il en est de même pour la banque centrale qui dans le cadre de ses interventions auprès  des banques, ne peut se livrer à des opérations de « quantitative easing », ce qui signifie que les liquidités mises à disposition sont intégralement remboursables.

La production  monétaire se fait ainsi au seul bénéfice du compte du Trésor à la banque centrale. Son cout est nul puisque le prix de revient de la dite production est nul. Cet abondement de ressources- sur ordre donné au gouverneur par l’exécutif-  est fléché, et ne peut entrer dans la masse des recettes publiques. Les ressources ainsi mise à la disposition du Trésor par la banque centrale, permettent d’une part,  d’assurer un investissement public démocratiquement contrôlé , elles permettent d’autre part, d’abonder le compte des banques qui y verront la matière première des investissements privés qu’elles souhaitent financer. Une part de production de monnaie, est affectée à la nécessaire croissance monétaire, résultant de la croissance du volume des échanges impulsés par la croissance économique elle-même. Ce volume de monnaie supplémentaire est démocratiquement décidé et contrôlé.

L’investissement public n’est pas nécessairement  financé en totalité par la production monétaire : il peut aussi l’être par une épargne construite sur un excédent primaire. Si le financement de l’investissement public se fait à taux nul, il n’en va pas de même pour l’investissement privé financé par les banques, à partir de la production de monnaie mise à leur disposition par l’Etat. Outre que l’Etat met à leur disposition une ressource payante - l’Etat est payé, sous la forme d’un taux d’intérêt,  pour la monnaie mise à disposition  - les banques doivent aussi couvrir leurs charges de gestion et disposer d’une prime de risques.

Dans le cas où le budget primaire est déficitaire, il est constitutionnellement interdit à l’Etat d’utiliser les ressources qu’il s’est octroyées sur la banque centrale. La nomenclature et le classement des dépenses est revue et corrigée, certaines d’entres elle dites de fonctionnement étant de fait des dépenses d’investissement.  Travail peu aisé, il est pourtant économiquement essentiel, et doit être démocratiquement contrôlé.  L’interdit d’une couverture d’un déséquilibre du budget de fonctionnement, tel que précédemment redéfini, par la production de monnaie suppose par conséquent le recours à un endettement. Ce dernier doit disposer d’un statut d’exceptionnalité et se doit n’être consenti que sur la seule base d’une majorité parlementaire  qualifiée. Disposition marquant la volonté de mettre fin aux facilités de l’endettement.

Une telle mutation financière réintroduit déjà une disparition progressive de la notion de « service de la dette », et se trouve à terme profitable pour l’Etat, qui n’a plus à payer la rareté monétaire mais au contraire à la vendre. Avec toutes les conséquences en termes de baisse possible de la pression fiscale qu’on peut en déduire, mais aussi la fin relative de la situation rentière des banques, dont l’appropriation de la production monétaire était doublement illégitime : non seulement elles n’avaient pas le droit  de privatiser un bien public, mais elles n’avaient pas non plus de  « titre politique » pour le faire, tel celui  des entrepreneurs politiques d’avant la grande transformation monétaire des années 70.

Le Montant de production de monnaie, est un acte politique gravant dans la réalité, une part du potentiel de croissance du pays. L’investissement macroéconomique, est ainsi partagé entre investissements publics et investissements privés. L’investissement privé est la somme de la production de monnaie distribuée aux banques et des possibilités offertes par l’épargne privée. Le total de l’investissement global est régulé – notamment par le poids de la production de monnaie et l’investissement public- de telle sorte que la croissance réelle puisse être peu éloignée de la croissance potentielle.

Les parts de production de monnaie affectées à l’investissement public et à l’investissement privé relèvent de choix politiques démocratiques. S’agissant de la production de monnaie affectée aux banques, la répartition entre les divers établissements demandeurs s’opère selon un processus classique d’enchères. Il s’établit par conséquent, un prix de marché des ressources monétaires nouvelles captées par les banques. Ce prix de marché entre en concurrence avec les prix qui se forment sur l’épargne privée des agents. L’Etat étant un fournisseur important de ressources monétaires, il est clair que son rôle dans la fixation générale de l’ensemble des taux de l’intérêt est fondamental.

La grande transformation des réseaux bancaires

Selon la vision de Maurice Allais, le réseau bancaire est redécoupé en « banques des échanges monétaires » (BEM), « banques de crédits » et « banques d’affaires ». Un même établissement peut assurer les trois fonctions correspondantes. Il doit cependant apporter la preuve périodique d’une stricte séparation des fonctions.

1 Les BEM constituent le réseau monétaire que nous qualifions de bien public majeur dans l’introduction au présent texte. A l’intérieur de ce réseau, les banques sont en concurrence pour assurer un service public de base : celui de la bonne exécution des échanges de biens et de services initiés par tous les agents économiques. Le marché monétaire classique assure les échanges interbancaires, et la banque centrale y intervient en qualité de régulatrice générale du réseau. Véritables délégataires d’une mission de service public dépourvue de tout risque financier, le cout de fonctionnement du réseau des BEM est assuré sur la base d’un contrat, démocratiquement contrôlé, entre l’Etat ou la banque centrale et les BEM. Le nomadisme des dirigeants entre sphère publique et sphère des BEM est juridiquement interdit. Les BEM ne rémunèrent pas les dépôts et ne se livrent à aucune opération de crédit. Les BEM ne participent pas aux procédures d’enchères portant sur l’acquisition de monnaie vendue par le couple Banque centrale/ Trésor. Elles reçoivent par contre gratuitement, la quantité de monnaie supplémentaire prévue par les nécessités de la croissance économique ( motif de circulation du PIB).

2 Les banques de crédits reçoivent l’épargne des agents privés, et assurent la transformation de cette dernière en prêts classiques : simple découvert, crédit à la consommation, à l’équipement, crédit hypothécaire, etc. La titrisation des créances est juridiquement interdite. Le roulement de l’épargne de court terme en prêts à plus long terme, s’effectue selon des règles de prudence et de transparence, établies par les régulateurs situés sous l’autorité de l’Etat ou de la banque centrale.

 Il est mis fin à « l’indépendance » des régulateurs par rapport à l’Etat ou la banque centrale. Le nomadisme des dirigeants entre banques de crédit et régulateurs est juridiquement interdit.

Les banques de crédit ont accès à la production de monnaie , et la banque centrale abonde le compte de chacune d’entre elle en fonction du résultat de la procédure d’enchères menée par le Trésor. L’agence de commercialisation de la dette –  « Agence France Trésor » pour ce qui concerne la France - est démantelée, puis reconvertie en « agence publique de vente de monnaie au système bancaire ».

 Les banques de crédit doivent apporter à tout moment la preuve qu’aucune création monétaire ne s’établit dans le cadre de leurs activités. La rémunération des banques s’effectue au travers de la différence entre intérêts payés et intérêts reçus. Le total du bilan d’une banque de crédit ne peut dépasser le dixième du PIB du pays d’accueil.

3  Les banques d’affaires sont spécialisées dans tous les services non assurés par les deux premières catégories de banques : opérations de haut de bilan, corporate finance, émission de titres, introduction en bourse, augmentation de capital, financement syndiqué. Mais aussi tous les services de spéculation et de couvertures sur taux de change et taux d’intérêt, marché des commodities, produits dérivés etc. Mais également produits d’épargne et assurantiels au profit des ménages : fonds d’épargne, épargne retraite, assurance vie, etc.

Les banques d’affaires entrent en compétition avec les banques de crédits dans l’accès à la ressource monétaire vendue par le couple banque centrale / Trésor. Les ressources ainsi achetées sont investies dans l’économie réelle, et toute utilisation dans le cadre d’une activité spéculative est pénalement sanctionnée.

Les régulateurs, sous l’autorité des pouvoirs publics, veillent à la limitation drastique de la financiarisation des grandes activités. En particulier les activités de trading sont réservées aux acteurs de l’économie réelle. L’introduction sur un marché, de spéculateurs extérieurs à l’économie réelle, est une exception autorisée par le régulateur, après constatation d’un disfonctionnement de sous- liquidité. Le nomadisme des dirigeants entre  banques d’affaires et régulateurs est juridiquement interdit.

L’un des principes fondamentaux est que les « échanges papiers » ne deviennent plus importants que les échanges réels. A ce titre les, directives sur marchés d’instruments financiers dont considérablement durcies : limitation considérable des opérations de gré à gré par autorisation au cas par cas du régulateur, quasi interdiction de la vente à découvert , ratios contraignants sur les ordres non exécutés en trading informatisé, etc.

De façon plus générale, l’introduction d’une taxe sur les activités de Trading renforce le rétrécissement de la « boursouflure », avec probable mise en liquidation de nombre d’entreprises devenues Casinos au cours des 20 ou 30 dernières années.  

L’activité sur CDS est strictement encadrée, et les positions dites « nues » strictement interdites, cela signifie que les clauses type « opt out » imaginées par les autorités européennes sur les dettes souveraines ne sont plus tolérées. Les CDS sur dettes souveraines, deviennent eux-mêmes  sans objet avec la fin du marché de la dette publique : ils disparaissent.

Les activités hors marché , à l’instar des « dark pool » voient leur encadrement renforcé. A l’inverse, la présence de chambres de compensations devient la règle universelle. Les banques d’affaires ne peuvent se livrer à des activités spéculatives sur comptes propres.  Elles  cessent tout lien et liquident leurs établissements situés dans les espaces d’optimisation fiscale. Le total du bilan d’une banque d’affaires ne peut dépasser le dixième du PIB du pays d’accueil .

 

Un tel renversement des règles du jeu, déplace considérablement les niveaux de satisfaction des différents groupes sociaux. La disparition et le renversement de la rente sur la dette publique devient un coût pour ses bénéficiaires traditionnels. Bénéficiaires qui par ailleurs vont voir leurs revenus sur capitaux spéculatifs s’effondrer. Les classes moyennes elle mêmes, peuvent subir une perte de rendement sur la petite épargne. A l’inverse, le contribuable et d’une manière générale les utilisateurs d’un Etat-providence - par ailleurs à fondamentalement revisiter -  sont avantagés. Il en est probablement de même des salariés bénéficiaires d’une politique macro économique plus favorables à la croissance : baisse relative d’une épargne - souvent mal utilisée dans des "entreprises casinos" - sur compensée par un investissement global beaucoup plus important.

Il est clair que ce renversement des règles du jeu, ne peut s’imaginer dans un seul pays, et se doit être négocié, si possible – et au-delà de la zone euro à reconstruire-  avec tous les acteurs d’une mondialisation qui- elle-même -  doit être radicalement revue et corrigée.

 

…… à suivre…

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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 13:33

 

le texte çi dessous est une réflexion sur la nature du fait monétaire, et sert d'introduction générale à un autre texte en cours d'élaboration, lequel portera sur la refonte générale du système monétaire et financier

 

                               Regard sur la nature de la monnaie

                Introduction générale à un projet de refonte de la finance

 

La monnaie est l’équivalent d’une infrastructure, telle un réseau ferroviaire assurant la circulation des personnes et des biens, ou un réseau électrique assurant la circulation des kilowattheures. L’industrie bancaire assure  la circulation des marchandises en assurant la circulation de la monnaie entre ces ports que sont des comptes abrités dans des banques. Les banques, sont comme la SNCF ou EDF d’avant la libéralisation, et il est impossible de séparer le réseau de ses véhicules : le paiement, largement électronique, est à la fois réseau et véhicule. Comme la SNCF où il apparaissait impensable, avant la libéralisation,  de séparer le réseau ferré du matériel roulant.

Mais il est des différences : le réseau bancaire n’est pas monolithique et se trouve peuplé de banques en concurrence. Qui plus est, cette concurrence peut entrainer des modifications de parts de marché entre les ports. Ce qui n’était pas le cas du chemin de fer ou des compagnies d’électricité d’avant les nationalisations de 1945 : les acteurs restaient des monopoles sur les parts de réseau qu’ils contrôlaient. Le caractère non monolithique du réseau bancaire est peu gênant pour la circulation de la monnaie. Outre qu’il existe une norme monétaire commune au dessus de chaque monnaie de banque (une unité de compte), il existe un marché monétaire assurant la cohérence continue du réseau : la monnaie Société Générale se transforme en tous points de l’espace couvert par le réseau, en monnaie BNP , en monnaie Crédit Agricole, etc.

Une autre différence est le fait que la monnaie comme infrastructure de type réseau, est propriété d’agents nombreux et divers, qui peuvent agir sur lui, en le rendant plus ou moins actif. Derrière cette idée, il y a la plus ou moins grande vitesse de circulation de la monnaie, voire son blocage éventuel. Et cette dernière circonstance, résulte du fait que la monnaie n’est pas seulement infrastructure de la circulation : elle est aussi instrument de l’accumulation. Les économistes diront qu’elle n’est pas qu’instrument de paiement, mais aussi réserve de valeur (tout au moins pour les monnaies « Yang » par rapport aux monnaies dites « locales », selon l’intéressante distinction  de Bernard Lietar). Les conséquences en sont considérables. Cela revient à dire – en poursuivant la comparaison avec la SNCF ou EDF- que par exemple  des trains s’accumulent dans des gares. Et la comparaison est intéressante, car dans l’un et l’autre cas les marchandises cessent de circuler. Et c’est précisément parce que la monnaie est elle-même marchandise  (instrument de stockage de richesse) plus ou moins convoitée qu’elle peut gêner/ faciliter la circulation de toutes les autres marchandises : l’infrastructure réseau est plus ou moins stable.

Et parce que marchandise, elle peut être fabriquée comme toutes les autres marchandises. En se  désaliénant de la « contrainte métallique » les hommes ont, en la matière, généré des gains de productivité infinis : le coût de fabrication de la monnaie est proche de zéro, et pour les banques centrales, et pour les blanques privées, qui depuis un grand nombre d’années se partagent le monopole de la création monétaire. De fait,  il s’agit d’un coût marginal, puisque bien des coûts fixes demeurent, spécificité qui rappelle là aussi – selon les économistes - ces « monopoles naturels » que sont les réseaux classiques.

Historiquement, parce qu’aussi infrastructure de réseau, la monnaie a toujours intéressé le politique : routes, monnaie , postes, sont des services qu’il convient de contrôler pour asseoir le pouvoir. Bien,  d’abord privé, avec tentative de constitution de réseau (les premières banques), le politique est intervenu et a traditionnellement marqué son pouvoir par les activités de frappe : les Hôtels des monnaies. Symboliquement, parce que le réseau fait circuler les marchandises, la monnaie est un "équivalent général". Ce que confirmera la frappe des monnaies à l'effigie du prince: ce dernier est celui qui garantit l'équivalence, et tous se reconnaissent en lui. Pouvoir politique et pouvoir économique se fusionnent dans le symbole de la monnaie frappée.

Les actuels réseaux monétaires – ce qu’on appelle le système monétaire et financier - sont le résultat de la construction historique de ce qui est devenu un bien public majeur, et bien public sans lequel les sociétés modernes connaitraient un retour  à l’état de nature…  avec la vitesse de l’éclair. Beaucoup de services publics pourraient disparaître sans radicalement disloquer une société. Ainsi la disparition du réseau ferré, voire même la disparition du réseau électrique, entraineraient certes des difficultés majeures avec nombre de régressions. Toutefois, ces dernières développeraient davantage d’espaces de solidarité, que du face à face brutal entre individus, lequel serait engendré par la nécessité de survivre. En revanche, un effondrement monétaire serait autrement redoutable et développerait en quelques instants – probablement moins d’une journée- la guerre de tous contre tous. Tout ceci pour dire que la monnaie dispose d’une structure de réseau , qui en fait le premier des biens publics, et probablement la clé de voûte de la société. Elle est ce qui fonde « l’ordre » et  empêche « la panique » et son désordre.

Curieusement, ce bien public majeur, est aussi le bien public le plus fragile en raison du caractère réserve de valeur de la monnaie. Le double caractère de la monnaie se remarque dans le double caractère des banques : « commercial » et « affaires ». Parce que la monnaie est à la fois, moyen de paiement et réserve de valeur, le réseau peut être parcouru de disfonctionnement et de ruptures .

Les risques inhérents à la volonté accumulatrice autorisée par la fonction réserve de valeur, peuvent entrainer des phénomènes spéculatifs, avec alternance de confiance et de méfiance, débouchant sur de possibles ruptures du réseau, par exemple la disparition de la liquidité sur les marchés monétaires. La même volonté accumulatrice peut aussi développer des bulles sur n’importe quel bien évaluable en monnaie. Et cette même volonté, cherchera le plus naturellement du monde, à élargir l’espace du jeu en interconnectant les monnaies (elles deviennent toutes librement convertibles) ; en développant des marchés à terme sur tous les biens de l’économie réelle, et ce si possible à l’échelle de la planète ; en autorisant la liberté de circulation des capitaux ; etc. Autant d’élargissements de l’espace du jeu engendrant un « gigantisme de réseau » exposé à toutes les contagions possibles.

De ce point de vue, la mondialisation correspond à un processus d’interconnexion et d’unification des réseaux monétaires. Jusqu’ici l’interconnexion existait sous le contrôle de « douaniers » situés à la périphérie de chaque réseau national, et « douaniers » corrigeant ou veillant aux externalités engendrées par la dite interconnexion. Tels des fusibles sur des réseaux électriques, chargés de bloquer  la contamination de surtensions  apparues en tel ou tel point du système. De ce point de vue ,  l’unification mondialiste, est utopique en ce qu’elle correspond à la volonté de construire un réseau gigantesque dépourvu de fusibles. Tel un immeuble dont le ravitaillement électrique ne serait pas composé de sous- réseaux (des "lignes") reliés, mais en même temps séparés par des fusibles de protection. Et point n’est besoin d’être physicien, pour savoir que le potentiel d’entropie se développe à vitesse multipliée, avec l’augmentation de la taille du réseau . A titre de simple remarque, l’image du réseau est intéressante pour comprendre l’inéluctabilité d’une crise de l’euro : l’interconnexion entre systèmes nationaux, suppose au moins la maitrise du fusible "taux de change", ce que la monnaie unique ne peut- par définition -  apporter.

Mais parce que l’interconnexion jusqu’à l’unification, sans défenses immunitaires (sans fusibles), porte au plus haut niveau d’intérêt la deuxième fonction de la monnaie (réserve de valeur), les bulles spéculatives et leurs outils ( leviers démesurés, produits synthétiques, outils électroniques de trading, etc.) développent sans limites le fonctionnement entropique du système en voie d’unification. Très simplement, le réseau conçu pour faire circuler des marchandises réelles, fait surtout circuler des paris financiers. Incapable de lutter contre sa propre entropie – à l’inverse des êtres vivants – le réseau monétaire et financier mondial fonce vers son inéluctable auto destruction.

Parce que premier des biens publics de toute communauté moderne, et en même tant bien public devenu historiquement dépourvu de  défense immunitaire en raison de la dualité monétaire (moyen de paiement/ réserve de valeur), il convient de procéder à un toilettage complet de l’architecture du système monétaire et financier.

De fait, il s'agit de procéder à une refondation, dont la nature de la monnaie, nous fait déjà imaginer qu'elle porterait aussi une dimension politique majeure.

Ce que nous verrons ultérieurement.

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